Je déambule nonchalamment dans les allées surpeuplées du plus grand salon mondial de l’agro-alimentaire. ANUGA, 32ème édition du genre, installé au sein de la ville tentaculaire de Cologne, Köln pour les Allemands. Je viens d’y passer six jours, en ambassadeur de la gastronomie alsacienne, à cuisiner les bons produits de notre terroir. 6600 exposants venus de 100 pays y vantent leurs produits. 155 000 visiteurs professionnels venus de 180 pays s’y pressent. Le volume du chiffre d’affaires généré, donne le tournis…
ANUGA, il y a de tout
Chocolats, champignons, végétaux, poissons, spécialités alimentaires, boissons, le bio: dix halls, sur 300.000 m² reflètent ce que l’humain mange en 2013 et ce qu’il mangera en 2020. J’ai peur, un frisson d’horreur me gagne. Car ce que je mange au quotidien – en humain privilégié, je le dit et l’assume- ne concerne que moins d’un dixième de l’étendu des stands d’exposition. Le reste? De la malbouffe. Pour nourrir huit milliards d’êtres humains. Des protéines animales ou végétales d’origines diverses pour faire grandir nos marmots. Et à n’importe quel prix.
Entre le poulet et la Panna Cotta, en ce mardi 08 octobre après midi, je me suis évadé une petite heure. Je voulais voir les halls présentant la viande.
Sous ces immenses halls, point de boucher couperosé au tablier blanc maculé de tâches rouge de sang et de lymphes; point de noble carcasse exhibée, point de gras blanc et dur recouvrant la totalité d’un carré de porc. Sur mille stands, je n’ai vu que des hommes cravatés, des hôtesses en collant aux sourires aguichants, assises sur de hauts tabourets de bar pour dévoiler leurs mollets et leurs cuisses. Des néons, des lumières, du marketing à tour de bras, des commerciaux bedonnants ou secs en costumes noirs, des jolies images de vaches et de cochons, des espaces VIP aux meubles blancs.
Et partout, cette tenace odeur de viande grillée, permanente, prenante, âcre, écœurante.
Dans l’univers de la barbaque, le steak haché de bœuf règne en maître incontesté. La faute à ceux qui en mangent, tans pis pour eux. Les vaches maigres, laitières de réforme réduites en bouillasse, font les choux gras des bidochards.
Idem dans le hall des poissons. Ici tout est sous plastique, fileté, portionné, surgelé, transformé, prêt à l’emploi. Point de turbot ni de lotte entière, même pas un hareng! Par contre j’ai vu une sirène lascive, étalée sur de faux glaçons. Mais ce n’était même pas une vraie, car elle avait un soutien gorge. Pourtant tout le monde sait bien que les sirènes ont les seins nus…
ANUGA 2015, ce sera en mars. Allez-y, ça vaut le déplacement. Vous rencontrerez au détour d’une allée un produit d’exception, discuterez en Anglais avec un Iranien, un Cosaque, un Hindou, un Bolivien, un Cambodgien et vous vous ferez une idée des tendances de notre alimentation pour les prochaines décennies.
Bon appétit!
Par Daniel Zenner