Certains ont dit que nos ancêtres chargeaient leurs mets d’épices, de sucre, que la cuisine aurait été moins intéressante qu’aujourd’hui, mais, la lecture des livres de cuisine anciens fait apparaître des trésors, qui mériteraient d’être remis au goût du jour, et sans nécessairement de changement.
Ainsi, lisant le livre de Vincent La Chapelle, qui date de 1742, on trouve une recette étonnante de poulets « à la Chombert », dont le nom est original (Google ne trouve rien de bien probant). Il s’agit de poulets farcis des foies, persil, ciboule, champignons, épices, beurre ; cuits en casserole avec beurre, lard, persil, ciboule, basilic, puis embrochés et rôtis, arrosés de beurre, et panés mie de pain, avec essence de jambon. Pour mémoire, Vincent La Chapelle était un cuisinier français employé par l’ambassadeur d’Angleterre à La Haye.
La recette, donc, est intéressante, mais quand on cherche l’origine du nom « Chombert », on reste sur sa faim : on ne trouve que l’entrée « à la Chombert » du Glossaire des métiers du goût… où j’avais moi-même introduit cette définition. Pourtant, si l’on y regarde mieux, on trouve alors la même recette, mais plus détaillée, et plus gourmande, en 1735, chez Pierre François La Varenne, cuisinier du marquis d’Uxelles (d’où le nom, en cuisine), à Châlon-sur-Saône:
« Prenez de petits poulets de grain ; flambez-les, épluchez-les & les vuidez. Hachez-en les foies avec un peut de persil, ciboule, champignons, truffes, fines herbes, fines épices, sel, poivre, une rocambole hachée, un bon morceau de beurre ; le tout étant bien haché ensemble ; mettez-les dans le corps de vos poulets, arrêtez-les par les deux bouts, afin que la farce n’en sorte point. Ensuite, ficelez-les, & que les pates ne s’éloignent pas du corps. Prenez une casserole, mettez un morceau de beurre ou lard fondu, persil, ciboules en branches, & basilic ; mettez-y vos poulets & les assaissonnez de sel & de poivre ; mettez-les sur le feu & les faites refaire ; observez qu’ils soient bien ronds & bien blancs. Ensuite, embrochez-les sur un hâtelet de fer, & les attachez à une broche ; faites-les cuire tout doucement ; & pendant qu’ils cuiront, arrosez-les de beurre frais ; ensuite, panez-les de mie de pain, & leur faites prendre une belle couleur. Etant cuits, tirez-les, dressez-les dans leur plat ; mettez une essence de jambon dessous, & servez chaudement pour Entrée, ou une sauce à l’Espagnole ».
Certes, farcir des poulets avec foie, beurre, herbes, champignons, truffes ne fait pas de mal, mais c’est aussi cette double cuisson qui est intéressante, surtout quand elle est suivie d’une sorte de panure, et quand la volaille est, surcroît, accompagnée d’une essence de jambon et d’une sauce espagnole !
La sauce à l’espagnole de La Varenne ? Du jambon, du veau, oignons, ail, laurier, huile, on fait suer, on ajoute de la farine, du jus, du Champagne, du vin d’Alsace, citron, coulis, basilic, girofle, poivre ; on réduit et on dégraisse.
Finalement tout cela donne envie d’aller vite tester la chose en cuisine, n’est-ce pas ?
Par Hervé This