L’Auberge de la Brenne, dans le petit village de Neuillé Le Lierre, en plein cœur de la Vallée de la Brenne, est l’exemple parfait d’une belle transmission familiale réussie. Rencontre avec la famille Sallé -Caillet
Une fois entrés dans le village de Neuillé-le-Lierre, il faut veiller à ne pas louper la vieille enseigne dissimulée sous l’imposant massif de fleurs, indiquant l’entrée vers le parking derrière le restaurant. L’Auberge de la Brenne (1 Bib Gourmand), auberge gastronomique, répertoriée Logis de France, membre du réseau Touraine Gourmande, c’est d’abord une vieille bâtisse imposante, aux fenêtres décorées de frises en briques rouges et noires. Ce restaurant de village, dont l’origine remonte aux années 50, est idéalement située en bordure de la D46 sur la route de Chançay,entre la route et l’ancienne gare de Neuillé-le-Lierre, aujourd’hui restaurée en maison particulière. Mais l’Auberge de Brenne, c’est surtout le fief d’une famille de cuisiniers qui, de père en filles, sous la houlette bienveillante et maternelle de Ghislaine Sallé, la mère et chef de cuisine, transmet depuis 35 ans à ses clients et descendants, son amour pour la bonne cuisine, franche et goûteuse. A l’intérieur, donc, y règne une chaleureuse atmosphère, qui accueille la clientèle, souvent en voyage, en quête d’une cuisine authentique et réconfortante, et qui, à tout moment de la journée, vous chatouille les narines par des effluves de pâtisseries maison, tout juste sorties du four.
Une femme chef en cuisine
Aux fourneaux, Ghislaine Sallé, 59 ans, chef de cuisine et propriétaire avec son mari François, de l’Auberge de la Brenne depuis 35 ans. Une femme chef c’est (encore) assez peu commun pour qu’il soit important de le spécifier, d’autant que le parcours de Ghislaine Sallé, ravirait au plus haut point n’importe quelle féministe engagée. Entrée en cuisine à l’âge de 17 ans, elle apprend les exigences du métier à l’auberge de La Croix Blanche à Chaumont-sur-Tharonne en Sologne. Dans la cuisine de cette table traditionnelle, c’est déjà une femme qui tient la barre, Gisèle Crouzier avec autour d’elle, une brigade de jeunes filles et en salle une équipe masculine. Une particularité qui ne trouble pas pour autant la jeune apprentie, qui reste huit ans dans cette auberge solognote et y apprend les gestes et techniques d’un bon chef. « C’était déjà dur à l’époque en tant que femme de vouloir exercer ce métier, et travailler dans une brigade d’hommes était tout simplement impossible. Mes parents m’ont donc envoyé dans cette maison, à une centaine de kilomètres ; j’y ai tout appris et notamment à cuisiner des produits nobles, comme les gibiers et la volaille ». Elle y rencontre aussi celui qui deviendra son mari, François Sallé, serveur dans l’équipe des garçons.
Quelques années plus tard, de retour en Touraine, ils reprennent l’Auberge de la Brenne à Neuillé-le-Lierre, « un établissement doté d’un bel emplacement au cœur de la Vallée de la Brenne, avec une clientèle d’ouvriers en semaine et familiale le week-end ». L’équipe familiale Sallé/Caillet on s’en serait douté, est, elle aussi, quasiment féminine. Huit personnes font tourner l’établissement : en cuisine, Dominique, multiposte et plutôt affectée aux desserts, et Murielle, en charge des poissons et du chaud avec Ghislaine. En salle, Mariam, assistée de Camille et Hélène, les deux filles de Ghislaine et François Sallé assurent le service. Sans oublier l’autre personnage de la maison, la mère de François Sallé qui, a 86 ans, continue avec plaisir et bonne humeur d’oeuvrer pour la bonne marche de l’établissement.
Une cuisine franche et de terroir
« Au début, nous n’avons rien voulu changer. La clientèle était là, fidèle, autant à l’endroit qu’à la cuisine. En semaine, c’était plutôt des ouvriers, car à l’époque la Vallée de la Brenne était industrialisée, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Le week-end, en revanche la carte était plus élaborée pour des repas de famille ». D’importants travaux de rénovation sont entrepris dès les premières années, tandis que rapidement, la nouvelle carte s’étoffe et propose des menus gastronomiques en semaine. « Nous voulions quand même continuer de travailler une cuisine de terroir. Je suis une campagnarde, c’est sûrement pour cela que j’aime les plats mijotés, bien cuisinés. Je veux une cuisine goûteuse aux saveurs franches. », explique Ghislaine. Ainsi, en cuisine, sur le plan de travail, se mêlent régulièrement légumes du potager, ramassés juste derrière la maison, et fruits du verger évidement peu traitées ; plantes aromatiques fraîchement coupées ; Cèpes et autres champignons sauvages… Ici on créé tout sur place, même les rillettes. Deux fois par an, on désosse et découpe plusieurs kilos de poitrine, quart avant et jambon de porc de Touraine estampillée « Roi Rose », pour réaliser près de 200 bocaux de délicieuses rillettes.
A la carte, quelques plats signatures sont venus au fil du temps, ancrer cette tradition de cuisine du terroir su chère au chef Ghislaine Sallé. « J’aime beaucoup cuisiner le gibier et la volaille. J’ai réintégré une recette de Lièvre à la Royale, apprise chez Mme Crouzier. Il est cuisiné avec un jus de vin rouge corsé et servi désossé en ballottine, avec une farce au foie gras et à la Truffe. C ‘est un plat qui demande du temps et qui n’est servi que pendant la période du gibier. On ne le propose qu’à la commande. D’ailleurs certains clients viennent uniquement pour ce plat ! ». Ghislaine, la campagnarde, aime également les produits de la mer et cuisine volontiers coquilles Saint-Jacques, Homards ou Langoustines, tout comme des poissons de Loire, Mulets et Sandre, « mais juste à la bonne saison. Nous respectons évidemment le calendrier. C’est aussi une manière d’apprendre aux gens à manger plus intelligent ». Et il faut l’entendre raconter avec émotion quelques recettes familiales devenues aujourd’hui presque des institutions de l’Auberge. « Nous avons gardé par exemple ce dessert transmis par la grand-mère de mon mari : l’Ile flottante aux Pralines. A l’époque les pralines étaient écrasées au fer à repasser ! La crème anglaise était réalisée avec du lait et du beurre de ferme… »
Christopher Caillet, la transmission des bons produits
Même si l’esprit féminin demeure à l‘Auberge de la Brenne, l’empreinte masculine est là pour assurer la relève. Aux côtés de François Sallé, aujourd’hui à la retraite, Christopher Caillet, chef en second aux côtés de Ghislaine, reprendra dans quelques années la relève en cuisine. Christopher, pâtissier de formation a débuté à l’Auberge en tant que serveur aux côtés de François Sallé, puis y a passé son CAP Cuisine. Il part ensuite à la Maison Erard à Langeais, en MC Pâtisserie puis en tant que cuisinier. Après une tentative en BPM Pâtisserie à Toulouse il revient dans sa terre natale, et entre à La Chocolatière à Tours? où il apprend les rouages de la gestion d’une équipe et des stocks. Trois ans plus tard il retrouve la cuisine de La Brenne et Ghislaine Sallé. « Travailler avec une femme c’est tout de même plus tranquille, confie t-il. Il y a plus d’écoute et de patience peut-être. Ghislaine a une ouverture d’esprit qui permet de travailler intelligemment la carte. On ressent plus le caractère féminin dans l’assiette avec des associations de goûts et textures plus rondes. C’est aussi une cuisine plus instinctive. » Dans quelques années, Christopher reprendra le flambeau en cuisine. « je veux pouvoir continuer dans le même esprit. J’aime que les gens se sentent chez eux, comme à la maison, mais avec le standing d’un restaurant. On ne veut pas faire juste « la tranche de pâté campagnard ». Je veux continuer à faire de belles assiettes et à faire plaisir aux clients, avec une cuisine goûteuse et de qualité. »
La relève : Camille et Hélène Sallé
Dans la famille Sallé-Caillet, on peut aussi demander Camille et Hélène, les deux filles du couple. Camille et Hélène, ont repris il y a deux la gestion de l’auberge familiale, tout en accompagnant leurs parents dans la transmission de leur établissement. De leur enfance à la campagne, les deux filles aujourd’hui formées et armées pour gérer l’entreprise, gardent un souvenir ému. « Je me souviens quand petite, on nous envoyait dans le jardin, en vitesse, ramasser des fraises pour terminer un dessert,… Notre enfance est marquée par l’histoire de cette auberge. » se souvient Camille. Une histoire qu’elle a fait sienne. La jeune femme s’est formée très tôt aux métiers de l’Hôtellerie. Après une mention complémentaire au Bon Laboureur, à Chenonceaux elle choisit de réintégrer en 2006, l’entreprise familiale. Aujourd’hui elle s’occupe de la salle avec sa sœur Hélène, et des approvisionnements auprès des producteurs locaux. « Ma culture est très imprégnée de l’idée de produire et récolter pour manger. Je suis donc très exigeante sur la qualité et la provenance des produits que l’on va servir en salle. Nos produits sont 100% naturels, c’est garanti ! explique-t-elle sans langue de bois. Par exemple, nous proposons à la carte du Chevreau. Pour être certains d’avoir une qualité irréprochable, nous choisissons les bêtes vivantes avant qu’elles ne partent à l’abattoir. Nous portons attention à l’environnement de l’animal en amont. Une chèvre par exemple, doit être au champs : ici nous ne voulons pas servir des chèvres de salon ! ».
De son côté, Hélène, s’est orientée vers des études d’esthétique. Epouse de Christopher Caillet, elle choisit finalement de rejoindre le giron familial et de se consacrer à la gestion du petit hôtel de 5 chambres, ouvert il y a 14 ans, par ses parents, dans une maison particulière à deux pas de l’Auberge. « J’ai appris le métier sur le tas. Au début je travaillais pour moitié du temps dans l’esthétique et ici à l’auberge, mais c’était trop compliqué. Nous avons été élevées dans une certaine idée du travail, selon laquelle il faut toujours avancer. Du coup quand il y a deux ans, nos parents nous ont annoncé qu’ils souhaitaient arrêter l’activité, nous avons choisi de reprendre l’affaire. Aujourd’hui nous sommes heureux de la manière dont la transmission s’effectue et de pouvoir pérenniser cette formidable aventure »
Par Dominique Postel
Crédits Photos : Dominique Postel, DR
L’Auberge de la Brenne
19-17 rue de la République
37380 Neuillé-le-Lierre
02.47.52.95.05
contact@auberge-brenne.com
http://www.auberge-brenne.com