Après nous avoir accueillis sur son stand de la foire européenne pour nous présenter ses produits dérivés safranés : foies gras, confitures, sirop, bières, liqueurs, meringues, entre autres gourmandises, Hervé Barbisan de l’entreprise “Safran du Château”, située à Saint-Hippolyte, nous invite sur ses parcelles en pleine saison de la récolte de la fameuse fleur crocus sativus, productrice de safran.
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Ce matin-là, la fraîcheur matinale pour compagne, nous nous rendons sur une parcelle exposée sur le domaine ” la ferme de la Bosse”, à Villé (67) appartenant à Jean-Claude Schmidt.
” Je le remercie pour le coup de pouce qu’il m’a apporté, en répondant favorablement et très rapidement à ma demande foncière. Il me loue des parcelles sur son domaine parce qu’il considère cette culture singulière et originale. Nous partageons le même état d’esprit” déclare le safranier.
Le mois d’octobre est celui de la floraison du crocus sativus, après une période de dormance estivale. “C’est une floraison inversée. En hiver, la plante vit alors que la nature est figée et l’été, elle dort alors que la nature explose”. Les cormes commencent à germer et à prendre racine et la plante fleurit par la suite. Puis, tout s’accélère. ” Quand la pousse est blanche le matin cela annonce la fleur du lendemain”, nous explique Hervé Barbisan.” Plus tard dans la nuit, la pousse commence à se violacer, à grandir un peu jusqu’à l’apparition d’une pointe rouge, représentant le bout des 3 stigmates (filaments) faisant partie du pistil de la fleur. Parfois il y en a 5, mais c’est plutôt rare “.
Les visiteuses du jour (des visites sont possibles) sont vivement intéressées par ses explications. Le safranier les interroge, énigmatique : ” Qui a planté le premier bulbe ? D’où vient la première fleur ? Les ethnobotanistes les plus confirmés l’ignorent. Il y a un mystère qui plane autour des origines de la première fleur du crocus sativus, reine des épices.. et c’est tant mieux”.
La cueillette de la fleur de safran est manuelle, artisanale. “Nous pratiquons un geste ancestral, on se baisse pour ramasser la fleur, sans outil ni machine. Et c’est pareil pour l’émondage, terme technique qui caractérise l’effeuillage de la fleur, afin d’en extraire les stigmates”.
Au même moment, Carole Scandella et une équipe de saisonniers reproduisent les mêmes gestes sur les parcelles de Muntzenheim.
” C’est un moment très convivial où l’on est tous assis autour d’une table, recouverte des fleurs pour les émonder. On retrouve les ambiances des veillées d’antan, près de la cheminée, quand on écossait les haricots ou qu’on épluchait les pommes de terre”.
” L’adjonction d’un organe translucide neutre augmente la quantité mais affaiblit la qualité. C’est ce que pratiquent les Iraniens. C’est purement de la fraude ! “, s’indigne Hervé Barbisan tout en travaillant.
Cependant il reconnaît que recruter de la main d’œuvre saisonnière agricole est difficile, en raison notamment des horaires irréguliers, soumis au rythme de la floraison.
” Si en France, on importe environ 20 tonnes de safran iranien chaque année, via l’Espagne, c’est en partie parce que notre pays n’en produit qu’une centaine de kg par an, dont la moitié part à l’étranger”.
Une infime partie de ce safran iranien reste en france pour la consommation et le reste est revendu dans la monde. Le safran est soumis à un business équivalent à celui de l’or puisque leur prix s’équivalent. Comme tous les produits de luxe, le safran attise les convoitises.
Si la majorité de la production est concentrée dans le sud de la France, Hervé Barbisan peut se targuer de produire et fournir les 75% de la demande en safran dans le nord de la France.
5000 bulbes, calibre 8, achetés en Haute-Vienne, ont produit 3000 fleurs en 2006, pour obtenir 12 g de safran sec. ” Et pour être très précis, une fleur fraîchement coupée pèse en moyenne 0,5 g, le pistil 0,06 g, et on retire de ce poids 90% pour obtenir le safran sec ( 0,006g) “.
Mais la culture du safran est très difficile et aléatoire. Impossible de prévoir la date du début de floraison. Les rendements varient de 2 à 10 kg l’hectare, selon le micro-climat de la parcelle, la structure du sol ou les techniques de culture.