La crème diplomate ? Je lis quelque part -et sans aucune référence- que ce serait une crème au beurre, résultant d’un mélange de crème pâtissière, de crème fouettée et de gélatine… mais est-ce vrai ? Cela me donne l’occasion de chercher, d’une part, si cette définition est juste, et, d’autre part, de chercher à savoir ce qu’est vraiment une crème au beurre.
Commençons par le Mémorial de Pierre Lacam, en 1934 : pour lui, pas de « crème diplomate », mais un diplomate qui serait une crème plombière avec des fruits imbibés au kirsch ou marasquin dans la crème. Hélas, pas de crème plombière dans son texte !
Le Guide culinaire ? Là, on trouve une sauce diplomate, en salé, mais pas de crème diplomate. On voit aussi un « bavarois diplomate », où un moule à timbale serait chemisé d’une couche de composition de bavarois vanillé.
Rien dans le livre de pâtisserie de G. Dumont, en 1911. Mais en 1909, chez Emile Darenne et Emile Duval on trouve des diplomates qui seraient faits de pâte d’amandes travaillée avec des jaunes d’oeufs, de la fécule, du kirsch et des blancs en neige ferme. On emplit des moules à manqués foncés très légèrement en pâte sucrée, .et l’on cuit à four doux. Et c’est donc très différent de la définition initialement trouvée sans référence ! Il y a une autre recette, où l’on emplit des feuilletages de jaune, sucre, farine, poudre d’amandes et beurre. Rien à voir non plus.
Rien de ce type chez Urbain Dubois, rien chez Pierre Lacam en 1878, rien chez Jules Gouffé dans le Livre de pâtisserie en 1873, ni dans celui de M. Gross en 1854… et, surtout, rien chez Marie-Antoine Carême, alors que certains y renvoient ! D’ailleurs, ce serait douteux, car Carême n’avait pas de gélatine, matière « industrielle » dont je rappelle que, encore dans les années 1980, elle faisait l’objet de rejets et de discussion dans les milieux professionnels.
Abandonnons donc la crème diplomate, pour chercher une « crème au beurre », et l’on en trouve plusieurs chez Darenne et Duval. La première est une crème au beurre à l’anglaise, qui est une crème anglaise additionnée de beaucoup de beurre. La deuxième est une meringue italienne avec du beurre. Et il y a encore une crème faite de sucre et de jaunes fouettés comme une génoise, avec ensuite du beurre en pommade.
Alors, finalement, la crème diplomate ? C’est en réalité une crème nouvelle, qui figure au CAP de pâtisserie, comme une pâtissière collée à la gélatine et additionnée de crème Chantilly. Pourquoi pas, après tout : chaque époque peut faire ses innovations.
Par Hervé This