Découvrez le concept du théâtre alsacien à la Choucrouterie de Roger Siffer ©L. Habersetzer

La choucrouterie, un restaurant et un théâtre avec Roger Siffer

La Choucrouterie est une institution, un haut lieu culturel strasbourgeois et une winstub réputée. Un univers et deux entités ; la salle de spectacle et la salle de restaurant avec pour fil conducteur Roger Siffer, le fondateur. Les soirs de représentation, trois services peuvent s’enchainer en rythme, avant, pendant et après spectacles. À la Choucrouterie, on mange, on rit, on se divertit, on réfléchit aussi à l’actualité, à la philosophie, au sens de la vie. La genèse de cet empire gastronomico-artistique date de 1984. Le nom ? Un néologisme : la choucroute-qui-rit, s’appuyant sur l’un des étendards de notre gastronomie.

Roger Siffer entre et s’installe directement à la stammtisch des artistes, stratégiquement située face à l’entrée. La vaste table d’une douzaine de places est le repère de la troupe. Elle a pour habitude de se réunir avant et après les spectacles.

Découvrir en vidéo

À quelques minutes de son entrée en scène, un verre de Vionay à la main, Roger sourit, amusé à la pensée des réactions en salle de leurs bouffonneries juvéniles. Autour de lui, l’équipe du restaurant s’affaire, il y a du beau monde ce soir, de nombreux élus de la ville sont venus découvrir le spectacle. « Nous sommes complets sur les trois services », explique la responsable de salle.

La salle de la wistub ©L. Habersetzer

« Nous pouvons servir jusqu’à 180 couverts par soir ; mais essentiellement l’été quand la cour intérieure s’aménage en terrasse ». Progressivement la stamm des artistes se complète. Knacks, soupes et galettes de pommes de terre, façon bibeleskass sont commandés. Après, le spectacle, la troupe vient prendre le verre de l’amitié, grignoter ou festoyer selon l’humeur. L’attrait, c’est la proximité avec les artistes. Chacun a loisir de les féliciter, de livrer et partager ses impressions. Magalie Ehlinger, Lauranne, Bénédicte Keck, Susanne Mayer, Nathalie Muller, Sébastien Bizzotto, Arthur Gander, Guy Riss, Jean-Pierre Schlagg, et Roger Siffer se nourrissent des réactions.

Le service est chaleureux à la Choucrouterie à Strasbourg ©S. Kauffer-Binz

Sur la carte de la Chouc’

L’ambiance est bon enfant. Les odeurs des plats alsaciens parfument ce lieu insolite. Les clients eux, s’en donnent à cœur joie avec la choucroute bien sûr, le cordon bleu de veau au Munster, le jarret braisé à la bière, une bavette à l’échalote, servis dans une assiette de Tomy Ungerer. Les rognons cuisinés à la crème et moutarde à l’ancienne font succès, ils sont flambés au cognac et servis avec des pommes de terre rate du Touquet, sautées au beurre maître d’hôtel ou des spaetzle à l’ancienne. Le civet de chasse vosgien est prélevé par Frédéric Droin, le chef du restaurant voisin, le bistrot des copains. Il est préparé en cuisson basse température pour préserver la tendreté de ses chairs et servi avec une sauce au vin rouge. En dessert, la tarte aux pommes streussel et sa glace rhum-raisin ou le kouglopf glacé au Marc de Gewurztraminer feront parfaitement l’affaire, accompagnés d’une eau-de-vie de fruits d’Alsace. L’hymne gastronomique alsacien est chanté chaque soir de spectacle, car l’ouverture du restaurant est lié à l’activité de la programmation artistique.

Tarte aux pommes streussel ©S. Kauffer-Binz

Une déco comme à la maison

Roger sera le « bistrotier » jusqu’en 2020, où le covid et le départ de Babeth auront eu raison de sa gérance et d’un changement de main. « Je suis cabarettiste et bistrotier, mais pas restaurateur », précise-t-il. « Comme un conte de fée », poursuit-il, « et sans annoncer la vente, un repreneur se présente. Quelle chance ! », s’exclame- t-il. « Tout continue, tout perdure ». Les clients ne voient aucune différence. Et lui, il se sent toujours chez lui, car à part la grande cigogne que lui avait offerte Raymond Waydelich, il a laissé la décoration, telle quelle. Il contemple les lieux et sourit : :« C’est comme chez moi à la maison, j’ai aussi un mur jaune, des poutres, des pierres et il n’y a plus aucune place pour rajouter un tableau ». Chaque objet a une histoire et raconte un extrait de sa vie, ses rencontres et ses voyages. On admire des vieux instruments de musique, à l’instar d’une thérémine, d’une lyre, d’une cithare, ou d’une schramm, qui est une guitare germanique avec deux manches. Le chansonnier reconnaît l’avoir davantage utilisée pour son look que pour le son.

La décoration comme à la maison de la choucrouterie à Strasbourg

Ce grand voyageur a visité 35 pays vantant les beautés et les charmes de l’Inde, du Sénégal, de la Thaïlande, ou encore de la Corée, des contrées lointaines dans lesquelles, il a eu la chance de se produire artistiquement et d’avoir apprécié leur gastronomie. De ses expéditions, il rentre avec des souvenirs, dont cette superbe collection de lampes aux abat-jours rehaussés de perlages. Ces luminaires, suspendus avec une variable de contrepoids, forment une guirlande multicolore, magique et chaleureuse. Une exposition de tableaux et des dessins amusants de Tomi Ungerer, provocants et coquins, de vieilles cartes postales, des gravures et photos jalonnent les façades intérieures de la légendaire Choucrouterie.

Les knacks de la Choucrouterie ©L. Habersetzer

L’humour malgré tout !

C’est l’histoire d’un « mec », d’un humoristique fort sympathique, récitant à travers un prisme ironique les tribulations de nos politiques et débauchant habilement des comptines pour enfants. Du Barabli à la Choucrouterie, de Germain Muller à Roger Siffer, l’agitateur de la scène diplomatique locale, n’épargne aucune célébrité politisée, gâtant Chilibébert son préféré. Excitateur des inepties actuelles et révélateur des âneries terrestres, le dernier spectacle « En vert et contre tousse » se moque des tendances écologiques dans l’ère du temps. Roger Siffer se divertit de ce qu’il lit, se moque de ce qu’il vit, se réjouit de ce qu’il dit et narre avec ironie, la vie d’autrui. Hilare et complice, le public s’en délecte, applaudit des deux mains sa troupe de fantassins du rire. Libres et affranchis, ils partent en tournée cet été, avec en apothéose, une représentation à la foire aux vins de Colmar. En 2022, après 30 ans d’un bannissement prononcé par l’ancien maire Gilbert Meyer, alias Chilibébert, ils reviennent en chœur dans la cité de Bartholdi.

Roger Siffer ©L. Habersetzer

C’est à la Choucrouterie, que Roger Siffer et sa troupe règnent en maîtres absolus. Ils y jouent à domicile. La performance dans ce lieu, est de produire avec la même troupe, deux spectacles qui se jouent en même temps, au même endroit, dans deux langues, devant deux publics distincts, (en français et en alsacien) donc dans deux salles séparées par les coulisses. L’exploit est possible à la lueur des 15 mn de différé, la diligence des comédiens à passer d’une langue à l’autre, d’un costume pour un autre, d’un public à un autre. Un exercice de haut vol artistique, unique en France, exécuté en 70 dates, devant 15 000 spectateurs. Après « En Marche Attacks !!! », remplacé par « en masque attaque», la 27ème revue de la Chouc’ « En Vert et contre tousse » s’est achevée en mars 2022. Elle met en scène la crise sanitaire, caricature les acteurs politiques, les sujets d’actualité, en rires et en chansons, en sketches, danses et belles interprétations. Mais au final, contre toute forme de virus, de maladie, de peur et de colère, la rirothérapie n’est-elle pas le meilleur vaccin à toute pandémie ? « L’humour, c’est rire malgré tout », songe Roger Siffer, « et quoi qu’il en coûte ».

Représentation sur la scène de la Choucrouterie ©L. Habersetzer

Qui aurait imaginé le destin du chansonnier- cabarettiste ?

Le personnage nait en 1948 à Villé d’une mère surnommée par ses amis « Sainte-Odile ». « Maman avait un beau répertoire de comptines enfantines, qui m’avait beaucoup inspiré et que j’ai détourné pour les adultes. La provocation séduit, après son tour de chant, il passait son chapeau de table en table pour financer ses études en philosophie. Il est repéré par Germain Muller. « J’étais pendant deux ans derrière le grand rideau à le regarder. Je voulais comprendre le succès du Barabli, ce qui marchait et j’ai trouvé quelques filons. J’ai participé aux danses collectives, j’étais le faire-valoir dans certains sketches et j’ai eu quelques petits rôles. Lorsque j’ai démissionné, Germain Muller m’a fait un long courrier. Il espérait que je reprenne, mais je voulais faire le disque Folies Song, un 33 tours qui s’est vendu à 40 000 exemplaires. Germain Muller m’avait donné un précieux conseil » se souvient Roger, « Sois rare et cher ! Et j’ai fait tout le contraire » s’amuse- t-il. « Je voulais profiter de chaque instant, je pensais que cela ne durerait pas ». Mais cela a bien duré, de 33 tours en CD, de revues en tournées, de radios en émission TV, Roger Siffer s’est construit une carrière au gré de ses envies et inspirations artistiques. En 2015, il scelle son union avec Suzanne Mayer, sa compagne de vie et sa complice sur scène.

La Choucrouterie sera à la foire aux vins de Colmar en juillet 2022 ©L.Habersetzer

Rendez-vous cet été à la Foire aux vins

C’est un événement, le grand retour de la Choucrouterie dans la ville de Colmar. Après 30 ans de « bannissement » par l’ancien maire Gilbert Meyer, surnommé Chilibébert. « Unis comme les 35 doigts de la main -Hand en Hand- » est le nouveau spectacle de chansons multilingues, hip hop et danses modernes, accompagné d’intermèdes drolatiques. Pour la 35ème tournée d’été, les thèmes abordés sont la fraternité et l’amitié, car dans un monde de plus en plus individualisé, la Choucrouterie veut rappeler, qu’ensemble on est plus fort et surtout plus heureux de vivre, main dans la main. Nous fêterons la vie et la joie comme disent les Allemands « Es lebe das leben ». Rendez-vous au cabaret de la FAV 2022, le vendredi 22 juillet à 21h15.

Par Sandrine Kauffer-Binz

theatredelachouc.com