Jérôme Banctel ; De l’ombre à la lumière

Ouvert en 2015, le nouveau restaurant Le Gabriel –la table gastronomique de l’Hotel La Réserve à Paris, peut se targuer d’avoir pour chef Jérôme Banctel qui a fait sensation lors de la dernière édition du guide Michelin le 1er février 2016 à Paris. Le chef, qui s’est accompli dans l’ombre des plus grands pendant de nombreuses années, fut placé sous les feux des projecteurs, décrochant immédiatement 2 macarons Michelin. Consécration de sa première carte 100% personnelle, 100% Banctel.
Plus réservé que timide, intransigeant, exigeant, passionné, le chef breton de 45 ans affiche une ambition raisonnée, édifiée à la force du travail, galvanisée par une équipe soudée. Bienvenue à la table de Jérôme Banctel.

 

De l’ombre à la lumière 

Breton, Jérôme Banctel est né à Rennes et après avoir fait l’école hôtelière, démarre sa formation à La Taupinière à Pont-Aven (29) avec Olivier Bellin, puis chez Michel Kerever au Duc d’Enghien, dans le Val d’Oise. Il poursuit au restaurantVreugt en Rust aux Pays Bas et atterrit à Paris en 1993. Il se perfectionne au Jules Verne avec Alain Reix, rejoint les cuisines des Ambassadeurs au Crillon, avec Christian Constant puis Dominique Bouchet.

Autre chef autre école, cette fois Bernard Pacaux à l’Ambroisie place des Vosges, (1996-2006) lui enseigne la rigueur et le sens du produit pendant 10 ans. Puis, dernière tranche de vie professionnelle avant de voler de ses propres ailes, la rencontre avec Alain Senderens (2006-2013) d’abord sous l’enseigne Lucas Carton, puis celle du Senderens place de la Madeleine, où il tient la place de chef exécutif. Le Binôme fait des étincelles et Jérôme Banctel, dans l’ombre, insuffle de l’innovation créatrice avec de nouvelles cuissons et des parfums d’Asie. De cette collaboration va naitre un livre de recettes à 4 mains et du consulting pour les ouvertures des Mama Shelter, qui appartiennent notamment à Michel Reybier, déjà propriétaire des hôtels La Réserve à Ramatuelle et à Genève

Les médias ont mis en scène Jérôme Banctel comme le fils spirituel d’Alain Senderens qui renchérit en le désignant comme le “successeur-repreneur” de son établissement.

Sa trajectoire semblait toute tracée et pourtant coup de théâtre, en 2013 le Senderens est vendu « au plus offrant », souligne Jérôme Banctel qui doit, alors, opérer un tournant.La confiance de Michel Reybier

Jérôme Banctel avait rencontré Michel Reybier lors des ouvertures/consulting de la chaine «Mama Shelter». L’homme d’affaires qui possède déjà La réserve à Ramatuelle et La réserve à Genève a financé la reprise de la résidence Maxim’s à Paris, avenue Gabriel. C’est l’une des grandes nouveautés de l’année 2015, l’ouverture d’un hôtel cinq étoiles en face du “Laurent” avec une nouvelle table gastronomique. Et c’est à Jérôme Banctel que Michel Reybier fait appel pour diriger les cuisines du Gabriel.

Son histoire commune avec le Senderens s’achève le 31 octobre 2013.
Le bilan ? Un mal pour un bien ? Un destin qui permet au chef de se détacher de toute influence, de s’exprimer de manière personnelle, d’entreprendre l’ouverture d’un nouveau restaurant, avec carte blanche. Le pari était osé, mais Jérôme Banctel, persévérant était confiant . «Je savais ce que je voulais, je visais dès la première année, sans prétention, les 2 étoiles. C’étaient deux étoiles ou rien ! “, reconnait celui qui n’aurait pas su apprécier une demi-victoire. “Nous avions été inspectés 6 fois en 2015 et dès 2016, nous nous replaçons de nouveaux objectifs, et sans fausse modestie, nous travaillons déjà pour la 3ème étoile dans moins de 3 ans. C’est ainsi qu’il faut penser si l’on souhaite conserver cette distinction”.

«Quand j’étais chez Alain Senderens, je n’avais pas forcément pour ambition de m’installer ou de gérer un restaurant”, précise-t-il. “J’étais bien comme chef exécutif”, reconnaît Jérôme Banctel. Tout est né d’un concours de circonstances. Et l’aventure fut belle depuis 2013, où Jérome Banctel prit le temps de voyager au Japon -surtout- où il va 2 à 3 fois par an depuis qu’il est consultant. “J’avais envisagé de m’y m’installer. Je suis tombé amoureux de ce pays, de ses valeurs, de ses exigences et de ses produits”.

Ce break (fin 2013-fin 2014) fut constructif, il fallait rompre avec les recettes des précédents chefs pour construire une nouvelle signature culinaire et identitaire et affirmer son style contemporain, valoriser une technique estompée par l’élégance de l’esthétique et le goût plus que précis. On retrouve de manière rassurante les classiques de la cuisine Française d’Escoffier, ravivée d’ingrédients japonisants et d’associations innovantes. «A l’ouverture personne, nous attendait. J’ai travaillé pendant des mois à concevoir la nouvelle cuisine, au recrutement et la formation des équipes, au «sourcing des produits » à l’élaboration d’une carte inédite, peaufinée et inspirée de mes expériences et des voyages.”

« Je suis bien entouré », reconnaît-il avec Fréderic Calmels et Linh Nguyen mes deux sous-chefs, fidèles à mes cotés depuis 8 ans. Leur présence, notre trio sont une force. Sans eux, je n’aurai pas réussi mon pari. Je dirige la cuisine à l’ancienne comme je l’ai appris chez Bernard Pacaud où le chef donne l’exemple. Quand on réceptionne des giroles, tout le monde s’y colle, de même pour l’égrenage des myrtilles. On forme une brigade unie qui s’entraide. Bernard Pacaux m’a donné envie, il m’a transmis la valeur de l’exigence, quand j’étais sur scène avec Mickael Ellis, c’est à lui que j’ai pensé”.

En cuisine, le chef défend sa maxime : “On met autant de temps à bien faire qu’à le faire “.

Il reconnait : «Je travaille mieux sous pression. La pression créé des envies, met en ébullition”, admet celui qui vient de s’inscrire pour la seconde fois au concours d’Un des Meilleurs Ouvriers de France.

“J’applique cette méthode en cuisine il m’arrive souvent de changer les cuisiniers de postes et parfois au dernier moment. Ils sont sous pression, apprennent à s’adapter, analysent la fonctionnalité du poste différemment.

Sa cuisine fait la part belle à la grande tradition française, basée sur l’Escoffier, teintée de saveurs nippones. Il ne s’agit pas d’une cuisine fusion, mais de touches asiatiques agrémentant quelques plats.

Un foie gras avec bouillon de sakura ou une gelée de Yuzu, un saumon surmonté d’une raviole de daïkon, une Canette de Challans en impression de Tokaji, un carpaccio de poulpe au nori ou encore un plat déjà signature le Cabillaud, curry Japonais maison, basilic thaï et avocat

En fermeture pour congés annuels, le Gabriel réouvre ses portes le mardi 16 aout 2016.

Les vacances ? Jérôme Banctel sourit.” J’ai très peu de loisirs et quand j’ai des vacances, je les envisage d’abord autour d’une table à découvrir. Mais pendant 10 ans”, se souvient-il, “J’en profitais pour aller faire des stages dans les autres cuisines”. Mais, si il pouvait s’octroyer un peu de temps, c’est en randonnée en montagne qu’il pourrait s’accorder un peu de sérénité pour se ressourcer.

Par Sandrine Kauffer
Crédit photo ©Le Gabriel et ©Julie Limont.
www.lareserve-paris.com/