Depuis mai 2011, la merveilleuse auberge de l’Ill, située sur les bords de l’Ill à Illhaeusern (68) résonne de tous les titres de l’hôtellerie-restauration ; de l’Hôtel des Berges 5*, au restaurant 3* Michelin, membre des “Grandes Tables du Monde” avec un MOF cuisine, un MOF salle, un Meilleur Sommelier du Monde et un Meilleur Sommelier de France.
La dernière consécration vient d’être apportée par Jean-Paul Bostoen, aujourd’hui second de Marc Haeberlin, qui décroche le titre d’”Un des Meilleurs Ouvriers de France” 2011
Il règne comme une atmosphère de bonheur et c’est toujours un grand plaisir de se retrouver à l’auberge de l’Ill, pour raviver la flamme des bons souvenirs.
“Papa aurait été tellement fier de lui, lui dit Danielle” dès notre arrivée. ” Il était tellement triste quand il avait échoué en 2007″.
L’échec en finale de 2007 résonne comme une injustice alors que Jean-Paul était Major des demi-finales sur les 700 candidats. Mais le sort s’était acharné sur ce compétiteur, lui assurant que ce n’était pas son heure et qu’il ne réussirait pas l’exploit de décrocher le titre dès sa première participation comme pour le Taittinger. “L’Auberge était fermée” se souvient Marc Haeberlin, “nous étions en pleins travaux dans la salle de restaurant. Jean-paul était tout seul en cuisine et quand il arrivait, il devait d’abord nettoyer la poussière avant de commencer son entraînement.”
Du haut de ses 1,85m le “géant” et talentueux cuisinier arrive de Picardie, plus exactement de Liancourt dans l’Oise.
Ses parents étaient agriculteurs dans la Somme, mais à 16 ans, Jean-Paul Bostoen voulait devenir boulanger-pâtissier. Il obtient son CAP en Pâtisserie, et entreprend un CAP cuisine à Gouvieux.
Son parcours le conduit chez Philippe Cantrel (Hôtel de la Terrasse à Fort-Mahon), lui permet de travailler auprès de chefs, Meilleurs Ouvriers de France tels que Martial Enguiard au “Sofitel Sèvres” de Paris et Jean-Marie Gautier à “L’Hôtel du Palais” à Biarritz. Il enchaîne les expériences à l’Hôtel “Le Val Thorens” à Val-Thorens, “l’île de la Lagune” à St Cyprien, passe chez Roland Mazère “Le Centenaire” aux Eyzies-de-Tayac, mais aussi “la Voile d’Or” aux Sables d’Or les Pins, oue ncore chez Christian Parra “La Galupe” à Urt. En mars 2000, il arrive à “L’Auberge de l’Ill” et devient en deux ans le second de Marc Haerberlin, aux cotés de Jean Winter.
Sa formation de pâtissier lui a indéniablement été bénéfique lors de cette nouvelle épreuve semi-libre de la finale d’”Un des Meilleurs Ouvrier de France”. “J’ai révisé mes bases quelques jours avant et je me suis imprégné d’une trentaine de recettes que je maîtrisais parfaitement. Ensuite, dans la liste figuraient un presse-agrumes, un syphon et un mini-batteur, j’ai donc orienté mes révisions en fonction” raconte Jean-Paul Bostoen, instinctif, entre deux séances photos, auxquelles il accepte bien volontiers de se plier.
Monsieur Marc est présent : “Nous sommes tous très fiers de Jean-Paul, bravo à lui, il a beaucoup travaillé et c’est vraiment mérité”.
“ Je suis très heureux pour Jean-Paul, c’est vraiment la passion qui est récompensée, parce que c’est quelqu’un d’authentique, qui aime la cuisine et qui vit pour la cuisine” atteste Jean Winter, son alter ego.
” Il a préparé son concours sans artifice, avec beaucoup d’humilité, sans un entourage exceptionnel, sans technique de coaching, mais avec sérénité et une bonne organisation et pour tout ça, je lui dis bravo”.
Cela fait 10 ans qu’ils travaillent ensemble à l’Auberge de l’Ill. Jean raconte les entrainements et les séances de dégustation avec un cercle restreint : Monsieur Marc, Michel Scheer, Dirk Gieselmann et lui même.
“Jean-Paul n’a pu faire que deux entrainements complets qu’il a réussi à envoyer en 3h30 avec un seul commis….. Il est exceptionnel, mais je crois que le MOF c’est ça, quand on est bon, on est bon ! “
Jean-Paul lui envoyait des photos de ses essais, lui confiait ses difficultés et discutait avec lui des procédures techniques à perfectionner “J’ai été coaché à distance”, mais j’ai eu le soutien dont j’avais besoin de mes amis chefs étoilés, MOF (ou non), c’est ce qui est important”.
“Mon épouse, Donatienne réagissait sur mes plats qu’elle voyait sur photo. “Avec ce plat, tu ne seras jamais MOF ! !” me lançait-elle pour me pousser à me surpasser. Aujourd’hui, elle est soulagée. Les concours sont enfin terminés. C’est la première chose que je lui ai dite au téléphone quand je lui ai annoncé la bonne nouvelle !”
Il peste encore sur les pommes dauphines. “J’ai essayé plus de 20 recettes de pommes dauphines en une journée pour définir celle que j’allais retenir. Elle devaient être rondes, mais elles soufflaient et elles explosaient. Quant à la dégustation, elle se faisait à l’auberge avec les personnes pré-citées. Leur palais avisé et leurs connaissances étaient précieux. “Je faisais goûter les plats, j’écoutais les conseils et les remarques de chacun, mais au finale, c’est moi qui décide puisque c’est moi qui assume” confie ” l’As des concours”
Dernièrement, il a encore effectué un stage en charcuterie auprès d’un MOF à Paris et peu de temps avant un autre en pâtisserie chez Camille Lesecq au Meurice. Il aimerait encore se former sur les conserves.
Jean-Paul Bostoen avoue même s’être rendu à certains concours “la fleur au fusil” pour voir ce qu’il valait dans l’improvisation et sans filet. Bien souvent il s’est surpris à accéder malgré tout aux places d’honneur.
Le plat semi-libre est une épreuve au MOF inédite. Aucun candidat n’y était préparé. “Je suis arrivé à 5h et c’est à 7h25 que j’ai récupéré mes deux commis et que j’ai découvert le panier mystère. J’ai lu le sujet et j’ai choisi le plus beau fruit, la fraise. Je l’ai goutée, elle était parfaite. Je savais ce que je ferais, j’ai fait ce que j’avais envie de manger par temps chaud: tartelette avec citron de Menton et petite soupe de fraises avec une petite croute à casser (je me suis inspiré de la soupe aux truffes VGE de Paul Bocuse). J’ai commencé à noter ma recette. A 8h15, j’ai pris mon poste et j’ai débuté par la mise en place du dessert pour laisser les appareils reposer.”
“On douterait même d’avoir entendu son nom” confie-t-il. C’est Jacques Maximin qui lui a remis le col bleu-blanc-rouge, en même temps qu’une petite claque affectueuse pour qu’il reprenne ses esprits.
Aujourd’hui, Jean-Paul réalise. “Je remercie la famille Haeberlin et toute l’équipe de l’auberge de l’Ill de m’avoir soutenu et encourager toutes ces années. Merci également aux producteurs et fournisseurs pour les beaux produits et les villageois…qui se sont mobilisés.
Pour Jean-Paul Bostoen, les concours semblent bel et bien terminés, à moins de passer de l’autre coté de du miroir.
Par Sandrine Kauffer