Samedi 8 juillet 2023, Masevaux, perle de la vallée de la Doller étincelle sous un radieux soleil. La rue du Maréchal Foch artère piétonne et commerçante de la cité masopolitaine pavoise sous son dôme d’ombrelles « flashy ». Au bout est dressée une estrade et tout autour se presse une foule bigarrée dans l’attente de l’évènement du jour, l’inauguration de la place Emile Jung et la renaissance de l’Hostellerie Alsacienne, l’établissement familial où le chef conquit sa première étoile avant de céder aux tentations du légendaire saurien de la rue de l’Outre à Strasbourg.
Tout est prêt pour que la fête soit belle et l’ambiance générale ressemble étrangement à une version contemporaine du célèbre tableau d’Adolphe Grison, indissociable du Crocodile et toujours visible actuellement. Il représente une fête villageoise autour d’une accueillante auberge, bordée d’un grand arbre feuillu, avec ses édiles endimanchés, une assistance joyeuse et un garde champêtre en guise de maréchaussée…Où quand le hasard éveille l’imagination !
En présence des sénateurs Patricia Schillinger et Ludovic Haye, Maxime Beltzung maire de Masevaux/Niederbruck a ouvert les festivités du dévoilement de la plaque commémorative, sur fond d’Hostellerie Alsacienne rénovée et modernisée par les époux Zeller.
« Un hommage évident ».
S’est exclamée d’entrée le premier magistrat local en soulignant l’attachement qu’Emile a toujours témoigné à sa ville natale qu’il ralliait régulièrement, notamment pour le Festival d’orgues et le Jeu de la Passion. Il a aussi relaté le parcours du chef, l’apprentissage, le compagnonnage, la succession de son père, le départ pour Strasbourg et la quête des étoiles. Se tournant vers Monique Jung il a insisté que “derrière tout grand homme se cache souvent une femme”, rappelant ainsi le rôle toujours discret mais tout autant efficace de celle qui s’est totalement associée au grand œuvre de son chef de mari.
Malgré sa jeunesse, Maxime Beltzung n’est pas un néophyte du service public. Il fut l’attaché parlementaire du député Reitzer et son père Christophe également présent est Président de la Communauté de Communes de la Vallée de la Doller et du Soultzbach, des antécédents qui induisent une vocation. Depuis son élection Masevaux vibre au diapason de l’entreprise et de l’innovation et sa municipalité a soutenu la reprise et la transformation de l’Hostellerie Alsacienne par Béatrice et Thiebaut Zeller.
Longtemps délaissée elle a de nouveau pignon non pas sur rue, mais sur la place Emile Jung, ce dernier est aussi présent dans la maison de ses débuts puisqu’une salle du restaurant lui est dédiée.
« Un gourmet/gourmand très exigeant sur la qualité »
Au tour de Monique Jung de prendre la parole face à un auditoire particulièrement attentif et d’appeler auprès d’elle, Annette sœur ainée d’Emile qui a tenu un rôle primordial dans la carrière de son frère. «Au décès prématuré de Pierre Jung leur père, Annette a pris la direction de l’affaire, avec Monique sœur jumelle d’Emile, Léon frère de leur maman Hélène également cuisinier et rescapé des camps russes. La jeunesse, le dynamisme, la rigueur d’Annette ont permis à son frère de poursuivre études et formations pour embrasser ce qui deviendra sa passion et le demeurera jusqu’à son dernier souffle».
Monique Jung a ce talent de transmettre les émotions ! Celle des enfants d’Annette et de Monique hélas décédée étaient palpables et partagées par un certain nombre de personnes présentes, empressées après la cérémonie d’échanger avec Monique une séquence de vie partagée avec Emile.
Monique a encore évoqué les valeurs défendues par le chef triplement étoilé « Un cuisinier, un curieux insatiable au palais subtil et juste, un gourmet gourmand très exigeant sur la qualité », poursuivant sur cette note nostalgique; « Il prenait un malin plaisir à plonger ses mains dans les paniers d’épices sur les marchés devant le regard amusé et complice des marchands. Que de fioles cachées dans les valises révélatrices de nouvelles saveurs. Un peu rêveur, quelque peu artiste, il lui arrivait de se perdre dans les musées et les églises toujours à la recherche d’expositions et de concerts d’orgues » et de conclure parce que le destin est l’épaisseur de l’enfance, « malgré une ascension, une carrière réussie, notre Crocodile des bords d’ Ill ne l’a jamais éloigné de ses racines masopolitaines. Son vœu le plus cher était le choix de sa dernière demeure surplombant sa ville tant aimée ».
L’heure était au déjeuner et du haut de son champ de repos, Emile n’aurait pas manqué de faire cette éloquente injonction « allez on passe à table ! » Ce que fit une grande partie de l’assistance intra et extra muros d’une Hostellerie alsacienne heureuse comme aux plus beaux jours.
Le mot de la fin revint au sénateur Ludovic Haye « grâce à cette plaque, le nom d’Emile Jung va parler à tous les visiteurs et son souvenir continuera de rayonner bien au-delà de Masevaux».
Par Maurice Roeckel
Crédit photos : Karine Faby, MOF photographe 2023