La vue d’une huitre, en tous lieux et toutes saisons, me réjouis.
Dire qu’autrefois, je détestais ce bivalve ! Enfant, j’observais curieusement parents et amis, le soir du réveillon, se délecter de cet animal mou, gluant et salé ! Pour rajouter un peu d’insolite à ce funeste tableau, mon père mettait quelques gouttes de jus de citron sur le manteau de la bête : celle-ci se rétractait brusquement : horreur ! Elle est vivante !
Je les mange crues ou cuites, mais les préfère nature : quand l’huitre est belle, en cet état, je fais fi de tout accompagnement, rangeant dans les absurdités de la dégustation, vinaigres puissants et échalotes ciselées… Une noisette de bon beurre, une tranche de pain de seigle, un petit vin blanc sec fringant : voila comment je les apprécie !
Un peu d’Histoire racontant les huitres aphrodisiaques
Ces huîtres provenaient des côtes anglaises. Juvénal accuse l’huître “d’être la cause du libertinage effréné” chez ses contemporains, car notre bizarre animal marin jouit depuis fort longtemps d’une solide réputation d’aphrodisiaque : Casanova en mangeait cinquante à chaque dîner !
A la pleine lune, les huîtres secréteraient une hormone sexuelle… Demandez donc à votre poissonnier l’heure de la récolte ! Dans le Kamasoutra, il existe une position appelée “L’union de l’huître”.
En 1798, Brillat Savarin fut nommé commissaire pour homologuer un record de mangeur d’huîtres
En 1921, par suite d’épizooties, les huîtres plates faillirent disparaître. Les Portugaises tinrent bon. Ces dernières furent menacées vers 1967. Heureusement, des huîtres creuses géantes japonaises à croissance rapide arrivèrent en Charente Maritime. En 1970, deux mille tonnes de naissain vinrent à Arcachon, Oléron, Marennes, Noirmoutier, Vannes et Saint Nazaire…
Toutes nos huîtres creuses sont aujourd’hui d’origine japonaise !
L’huitre est un animal bizarre car à l’âge d’un an, elle est alternativement mâle puis femelle. Elle peut pondre, quand la température de l’eau avoisine les 20°C, plusieurs centaines de millions d’œufs ! Elle est omnivore et sa nourriture vient à elle. Elle possède un petit cœur qui bat à quinze contractions par minute. Ses plus grands ennemis sont l’homme (Prélèvements et pollution) puis les maladies et enfin le crabe, le bigorneau perceur et l’étoile de mer. Consommées vers trois ans et demi : elles naissent en juillet/août et sont sur nos tables à Noël !
A l’état naturel, elle peut vivre jusqu’à trente ans. Certaines huitres sauvages de pleine mer, les “sabots de cheval” peuvent atteindre plus de deux kilos. Elles sont appréciées des amateurs.
On retrouve sur les meilleures tables “Les truffes de mer”
Il existe deux principales espèces en France
La creuse : Napoléon III (1853) s’aperçu du déclin des gisements. Le bougre s’en délectait ! Il autorisa alors la venue d’huîtres portugaises venues de l’embouchure du Tage. Un peu plus tard, un navire largua par accident, en mai 1868, ces huîtres qui trouvèrent un terrain d’épanouissement sur nos côtes.
Différentes qualités sont appréciées des connaisseurs
- L’huître grasse : c’est en fait du glycogène (réserve donnant du sucre) qui se traduit par des zones blanches et lisses.
- L’huître laiteuse : on la trouve surtout vers la fin du printemps et en été. Son aspect est lié à l’activité des organes de reproduction. Elle est moins digeste pendant cette période.
- L’huître verte: une des meilleure est celle de Marennes. Vers la fin du mois d’août, une minuscule algue se reproduit et tapisse le fond de l’océan : la navicule bleue. L’huitre s’en nourrit et acquiert une couleur verte typique et un goût fin et délicat. Celles d’Angleterre étaient déjà recherchées en 1776, un livre en parle : La Science du Maître d’Hôtel Cuisinier.
Des terroirs et des crus
Quatre crus réputés pour une production d’environ 45000 tonnes par an.
- Côte Ouest : de Portbail à Granville : mer pure, coquilles très solides, peu charnue, très iodé, huîtres maigres à consommer toute l’année.
- Isigny –sur-Mer: pousse rapide car richesse en plancton, douce croquante, charnue, aime être cuite.
- Saint Vaast-la-Hougue : extrême Nord de la pointe du Cotentin, goût de noisette, moins iodée et plus charnue que ses consoeurs, finesse de la chair…
- Côte de Nacre : dernier né des crus normands. L’huitre vit à l’est d’Arromanches sur un site particulier : les courants y sont forts et riches, ce qui favorise une croissance rapide et un goût unique.
- La Cancale : Baie du Mont Saint Michel. Les coquilles peuvent être rondes et lisses ou ornées de fines dentelures, parfois douces…
- La Paimpol : c’est une huître du grand large, bien iodée et salée avec une pointe fruitée.
- La Rivière de Tréguier : les bonnes grasses recherchées par les amateurs.
- La Morlaix Penzé : sa forme ronde est obtenue par herssage.
- La Nacre des Abers : elle croît entre océan et ruisseaux d’eau pure. Cette huître, produite la plus à l’ouest de la France, est toute en finesse.
- La Rade de Brest : célèbre pour son corps plein et généreux.
- L’Aven Belon : c’est un lieu d’affinage uniquement.
- La Rivière d’Etel : huîtres vertes à la chair noisette.
- La Quiberon : beaux volumes, bien iodée.
- La Golfe du Morbihan : 365 îles ! Nombreux herbiers.
- La Pernef : presqu’île minuscule, petite production.
- La Cancalaise : elle engraisse au large du Croisic. Je l’adore !
- 3400 producteurs (conchyliculteurs) sur 1800 ha pour 16 000 tonnes/an.
- Plusieurs lieux de production comme Saint-Jean-Croix-de-Vie, La Plaine sur Mer, Noirmoutier etc.
- Elevage le plus ancien en France connu des Romains.
- Les huîtres de la baie de Bourgneuf étaient très réputées au 18 ème siècle.
MARENNES OLERON :
Spécialiste de l’huître verte, de la spéciale de claire et de la “Pousse en claire”
BASSIN D’ARCACHON
*5000 producteurs produisent l’huître d’Arcachon, dite plate ou gravette et l’huître creuse.
BASSIN DE THAU pour des Huîtres de Bouzigues.
Comment déguster l’huitre
Valeur alimentaire de l’huître
Par Daniel Zenner