Matelote de poissons au riesling ©Fotolia

Fumet de poisson et matelote à l’Alsacienne

Sortant d’un restaurant spécialisée dans la matelote à l’Alsacienne, je m’aperçois que sa sauce comporte un fumet de poisson. Un fumet de poisson ?

La consultation du Guide culinaire indique tout d’abord que l’on pourrait parler indistinctement de fond de poisson, ou de fumet de poisson. Cela se ferait à partir de parures de soles, de merlans ou de barbue, avec des oignons émincés, des queues et de racines de persil, des épluchures de champignons, du jus de citron, de l’eau et du vin blanc.

En a-t-il toujours été ainsi ?

Joseph Favre, avec son Dictionnaire universel de cuisine, parle effectivement des fumets, et il dit qu’il s’en fait de poissons, de gibiers ou de champignons. Il précise que « Les fumets des plantes aromatiques prennent le nom d’essence, et les réductions de viande de boucherie celui de glace de viande, ou extrait de viande ».

Il donne une recette d’un fumet de sole, avec arêtes « hachées », et stipule que « Certains vins adultérés, et surtout le vin de raisins secs, ont la propriété de noircir le fumet de poisson, qui doit rester, blanc. On remplace, pour plus de sûreté, le vin par une quantité suffisante de jus de citron ». Du vin de raisin sec ! Puis il donne la recette d’un fumet de turbot, d’un fumet de saumon, notamment pour une sauce de poisson au vin rouge. Et il termine en indiquant que « Le fumet de poisson s’obtient plus particulièrement avec les poissons de mer : soles, turbot, barbue, etc., dont le principe aromatique est plus flagrant. Cependant, on obtient de bons fumets avec les poissons de rivière, comme le saumon, la truite saumonée et le brochet, quand il ne sent pas la vase. »

Quelques années avant, Prosper Montagné, dans sa Grande Cuisine illustrée (1900) fait cuire pendant une heure et demie !  Mais, étonnamment, aucun fumet de poisson auparavant chez Jules Gouffé, Urbain Dubois, ou André Viard (1822).

Pour ceux-là, c’est le liquide de cuisson des poissons qui va directement faire les sauces. Par exemple, pour une « sauce à la matelote », Viard utilise « tous les dégraissis des autres petites sauces », la cuisson du poisson que vous avez, disposé pour entrées ou relevés, et deux cuillères à pot de blond de veau, petits oignons et champignons ; au moment de servir, on monte au beurre, le beurre, on ajoute des anchois.

Sautons un siècle en arrière, pour les Dons de Comus, et là non plus, on n’a pas de fumet, mais seulement de la « glace maigre », parallèle de la glace de viande, mais de poisson.

Bref, le fumet de poisson est d’invention récente !

Par Hervé This