Décidément, il faut se méfier de Wikipedia, parce que sa consultation montre ses insuffisances. Cherchant l’origine des « croquettes », il était indiqué que ces préparations étaient déjà présentes dans le Nouveau cuisinier royal et bourgeois de François Massialot, en 1693… mais je suis allé vérifier, et il n’y a pas de recettes de croquettes dans ce livre ! J’ai donc corrigé.
En revanche, Massialot parce de « croquets », et il dit qu’ils s’agit de préparation grosses comme un œuf ou une noix, que l’on peut servir en entrée ou en hors d’oeuvre, ou en garnitures. Cela se fait de blancs de volaille que l’on hache avec du lard, de la tétine de veau cuite, quelques ris-de-veau blanchis, des truffes, des champignons, de la moelle, une mie de pain trempée dans du lait, et toutes sortes de fines herbes, avec un peu de fromage à la crème, et la crème de lait « autant qu’on juge à propos » ; le tout bien haché et bien assaisonné, on y met quatre ou cinq jaunes d’œufs, et un ou deux blancs ; puis on forme des sphères que l’on roule dans l’oeuf battu, la panure, et on frit.
Voici pour les croquets, mais pour les croquettes ? On m’a dit qu’elles étaient discutées dans le Cuinier gascon, en 1740… mais je ne les y ai pas trouvées ! Rien non plus chez Nicolas de Bonnefons, et, dans le Dictionnaire de cuisine de Lottin, en 1771, ce sont les croquets de Massialot que l’on retrouve, avec le texte de ce dernier qui a été copié mot pour mot (du plagiat, donc, puisque l’auteur n’est pas cité).
En revanche, André Viard, en 1806, donne plusieurs recettes de croquettes. Par exemple de palais de bœuf, d’agneau, de quenelles de lapin, de lapereau, de poularde, de morue… Il y a des recettes par dizaines… et les croquets ont disparus.
Par exemple, la recette de lapereau :
« Vous mettez trois lapereaux à la broche, vous en levez les filets et le gros des cuisses ; coupez ensuite vos chairs en petits dés : vous ôterez les nerfs et les peaux de dessus ; vous les mettez dans une casserole ; ayez plein une petite cuillère à pot de béchamelle que vous faites réduire à presque moitié ; après cela, vous y mettez gros comme un œuf de bon beurre que vous faites fondre dans votre sauce sans la poser sur le feu ; vous la passerez à l’étamine sur votre chair de lapin ajoutez-y un peu de gros poivre, peu de sel, un peu de muscade râpée ; vous mêlerez bien votre viande avec la sauce : cela doit être un peu épais ; lorsque ce sera froid, vous ferez avec une cuillère bouche des petits tas un peu moins gros qu’un œuf ; vous donnerez à vos croquettes la forme que vous voudrez, soit d’œuf, soit de poire, ou de bâton arrondi par les deux bouts ; vous les roulerez dans la mie de pain après vous les mettrez dans des œufs battus avec un peu de sel, de gros poivre ; vous mettrez bien de l’œuf partout sur vos croquettes ; vous les remettrez dans la mie de pain ; ayez bien soin qu’elles en prennent partout, afin qu’elles ne viennent pas à crever au moment de servir, vous les mettrez dans une friture un peu chaude ; quand elles ont belle couleur, retirez-les, égouttez-tes sur un linge blanc ; faites frire une poignée de persil que vous mettez par-dessus vos croquettes ou à l’entour ; si vous n’avez pas de béchamelle vous ferez réduire du velouté dans lequel vous mettrez une liaison de trois œufs. »
Concluons :
le véritable nom des croquettes est « croquet », et, au fond, pourquoi ne pas utiliser ce terme, afin d’éviter le mot « croquette », que le rapprochement avec des aliments pour animaux a défavorablement connoté ?
Hervé This