Nouvelle génération, avec De:ja, le restaurant de Jeanne Satori et David Degoursy ©M. Weiss

De:ja, une cuisine éthique et éco-responsable à Strasbourg

En octobre 2021, Jeanne Satori et David Degoursy ont ouvert leur restaurant gastronomique, de:ja, dans le quartier des XV à Strasbourg. Un cadre épuré, choisi pour devenir le théâtre de l’expression de leur philosophie de vie : une démarche éthique et une cuisine vivante, essentielle à leurs yeux, alliant magnifiques produits et créativité. Un duo de chefs en cuisine, un duo à la vie aussi. À 23 et 24 ans, ils ont « déjà » leur propre restaurant. Le nom évoque à la fois les premières lettres de leurs noms, mais surtout l’exclamation de leurs proches à l’annonce de leur décision de se lancer. Déjà ?!

David Degoursy ©Nouvelles Gastronomiques

Le 27 juin 2022, les Awards TheFork 2022 ont été lancés et Jeanne Satori et David Degoursy  sont sélectionnés, parrainés par Yannick Germain. Le lancement presse s’est déroulé au restaurant Champeaux Paris en présence de nombreux chefs parrains. Dès aujourd’hui et jusqu’au 30 septembre le grand public peut voter sur le site dédié ici www.theforkrestaurantsawards.fr/

Tous les chemins mènent à la restauration

Pour les deux jeunes entrepreneurs, c’est l’envie de sublimer les produits issus de la terre nourricière, avec éthique, durabilité et responsabilité. Après une licence de Lettres, David Degoursy est le premier à se lancer en cuisine, au restaurant Maïence à Strasbourg. Quant à Jeanne Satori, elle obtient une licence en écologie avant de rejoindre David autour de cette passion, devenue commune. Ensemble, ils intègreront la brigade de Yannick Germain, l’Auberge du BœufSessenheim, étoilé Michelin. Titré « Grand de Demain » Grand Est du Gault&Millau 2019. Pour David, « la gastronomie s’imposait comme une suite logique dans nos vies, nous avons toujours été animés par la volonté de bien s’alimenter et intéressés par les rencontres avec celles et ceux qui produisent ».

David Degoursy ©M. Weiss

Jeanne ajoute : « Après ma licence, je ressentais aussi l’envie de voir autre chose. Attirée par le milieu culinaire, c’est tout naturellement que j’ai suivi David ». Trois ans durant, en parallèle de leur apprentissage, ils poursuivront leurs propres investigations sur les techniques de préservation des aliments, explorant au maximum par eux-mêmes. « Lorsque nous avons annoncé à Yannick Germain notre volonté de nous lancer, il nous a beaucoup encouragés. Nous sommes toujours en contact, il est heureux de nous suivre et nous fait totalement confiance ». C’est en janvier 2021 que David et Jeanne débutent leur réflexion et la recherche de leur restaurant. Deux mois plus tard, ils savent que ce lieu, anciennement le restaurant L’hédoniste, deviendra le leur. Une période de travaux s’ensuivra, jusqu’à l’ouverture de de:ja en octobre de la même année. « Nous voulions un endroit rapidement exploitable et facilement adaptable à nos propres envies » raconte le duo.

Jeanne Satori ©M. Weiss

Retour aux sources avec modernité

Chez de:ja, la gastronomie s’affirme comme l’alliance subtile d’un retour aux sources et la créativité ; sublimant des produits oubliés grâce aux techniques modernes à l’instar de la cuisine moléculaire conjuguée d’influences nippones et nordiques. Il n’y a pas un chef mais deux chefs, à l’unisson dans leurs aspirations et leurs valeurs, celles de magnifier les produits de la terre nourricière. « Les techniques de conservation, telle la fermentation, révèlent de nouvelles saveurs pour les mets comme pour les boissons. Le salage à cru, est parfait pour préserver la chair d’un poisson », explique Jeanne. Des pratiques qui s’inscrivent totalement dans leur vision d’une gastronomie éthique, éco-responsable et valorisant les produits dans leur intégralité.

Perles de pâtisson et courge, kefir de pâtisson, châtaigne noire et crémeux de châtaigne ©Weiss

« Nous emmenons nos clients dans notre univers »

Le lien avec cette terre et le vivant se fait ressentir dès l’évocation du nom des menus, « Moisson » (6 plats) et « Vendange » (8 plats), imaginés comme une expérience à vivre et partager. « La contrainte temporelle du déjeuner nous semblait difficilement conciliable avec tout ce que nous souhaitons exprimer d’un point de vue culinaire. D’où l’idée d’offrir une succession de plats servis pour le dîner, uniquement en semaine. Nous voulons surprendre, tout en restant fixés sur ce que nous aimons. Nos clients sont parfois un peu bousculés, mais nous adorons les emmener dans notre univers ! » s’enthousiasme David. La dégustation des mets entraine une succession d’émotions. Ainsi, sur la carte « Entre hiver et printemps » de mars, la déroutante « Bouillie omblée » (Omble chevalier mariné en saumure, épinards fermentés selon une méthode chinoise, assaisonnement au jus d’épinards) précédera la gourmande « Rose des champs » (échalote, crème glacée noisette, miso), qui elle-même cédera la place au très végétal « quand c’est noir, c’est cuit » (céleri confit 2 heures à 50°, aspérule, vinaigre de miel en sabayon). Pour la note plus classique, la « Rivière pourpre » mêlera quenelle de brochet, escargot, moutarde et œuf de brochet séché. Tandis que « Japon en Alsace », dessert au tofu imaginé dans un esprit floral, où la rose et la violette côtoient la pâte azuki d’inspiration nippone, mais composée à partir de haricots rouges alsaciens, va finaliser le voyage.

Quenelles de brochet IKEJIME, escargots, sauce herbacée ©M. Weiss

Vins natures et responsables

La carte des vins est construite en collaboration avec François Machi, caviste à Kehl. Fidèles à leurs valeurs, ils partent à la rencontre des vignerons, en quête de flacons élevés en viticulture nature, biodynamie ou éco responsable. « Une centaine de références sélectionnées pour être en symbiose avec nos menus, compose aujourd’hui notre carte », explique David. Le duo a également à cœur de travailler avec des viticultrices, comme Anaïs Fanti à Ammerschwihr ou Jeanne, de la Ferme des 9 chemins à Reichsfeld. « Mettre en avant ces vigneronnes passionnées qui se sont lancées récemment, correspond aussi à notre volonté de faire évoluer les mentalités », explique Jeanne Satori. À ceux qui souhaitent se laisser surprendre par un accord inédit et sans alcool, de:ja propose des boissons élaborées par des artisans talentueux et engagés et par les chefs eux-mêmes. « Convaincre d’accompagner une recette d’un kombucha ou de kéfir nécessite une certaine pédagogie, mais la démarche est passionnante, pour nous comme pour nos clients », ajoute la jeune cheffe.

Salle du restaurant ©Weiss

À la rencontre des producteurs vertueux

85 % des partenaires de de:ja pratiquent une agriculture certifiée biologique ou en biodynamie. « Nous aimons passer du temps à la campagne, d’où nous sommes originaires. Voir les mains qui travaillent, regarder les personnes œuvrer et créer, c’est extraordinaire. Conter les histoires des producteurs, respecter et valoriser dans leur intégralité les produits qu’ils nous offrent, est d’autant plus important. Aujourd’hui, nous sommes à près de 140 rencontres et nous visitons toujours un fournisseur par semaine environ. Des Jardins d’Altaïr pour les légumes à Omnino pour le café, en passant par Mille et une coquilles pour les escargots ou la Pisciculture de Sparsbach pour le poisson », relatent Jeanne et David. Magnifiés par leurs créations culinaires, ces éléments s’exposent dans une vaisselle unique imaginée pour de:ja par Lisa Debat, une céramiste locale. Les choix éthiques et responsables des jeunes chefs vont d’ailleurs bien au-delà de la gastronomie : mise en place d’un partenariat avec Sikle, association strasbourgeoise de collecte de déchets organiques en vue de leur transformation en compost, aucun usage de plastique, ni papier ou autre consommable en cuisine, etc.

deja-restaurant.com

Par Isabelle Oche et Sandrine Kauffer-Binz