Coing ou cotignac

Ces billets terminologiques me valent des questions de lecteurs des Nouvelles gastronomiques, et, aujourd’hui, on m’a interrogé sur la signification du mot « cotignac ». Comme chaque fois, je commence par les dictionnaires modernes, et je vais ensuite chercher de plus en plus loin dans les livres de cuisine du passé.

Pour les dictionnaires généralistes d’aujourd’hui, un cotignac serait une gelée épaissie, ou une pâte faite avec des coings. Ce n’est pas la même chose ! Pourtant ces livres auraient pu faire mieux, puisqu’ils dénichent le mot dès 1530 dans le Summaire de toute Medecine. Le mot cotignac viendrait du latin cotoneum, qui signifie coing. Et on trouverait le mot dans le Ménagier de Paris… où je ne l’ai pourtant pas trouvé. On le trouve, en revanche, en 1534, dans le Gargantua de Rabelais, sous la forme « coudignac ».

Rien dans le Viandier, de Guillaume Tirel, rien chez Nicolas de Bonnefons, plus tardif, rien chez Pierre François La Varenne… mais Dictionnaire des aliments nous sauve : dans ce livre extraordinaire, anonyme, publié en 1750, on a une recette de « cotignac d’Orléans », que voici : on prend des coings, on les coupe par morceaux qu’on pèse et qu’on nettoye de leur pépins. Pour trois kilogrammes de fruit, on met un kilogramme de sucre. On laisse cuire le tout ensemble jusqu’à ce qu’il soit réduit en marmelade ; on passe le tout au tamis. Ce qui en sort sert pour le cotignac. Par ailleurs, on fait cuire deux kilogrammes de de sucre au perlé, et on y met ce qui avait été passé du tamis. On fait bouillir, et quand la consistance est redevenue épaisse, on écume, on colore en rouge et on dépose tout chaud dans des boites ou dans de petits pots.

Pourquoi cela n’est-il pas une « pâte de coing » ni une « confiture de coing » ? Parce que le Dictionnaire des aliments donne ensuite des recettes de pâte ou de confiture, et elles sont différentes, conduisant à des résultats de consistance différente.

Ah, j’y pense, à cette époque où les « additifs » sont honnis par beaucoup : la recette ancienne propose de colorer à la cochenille : oui, la cochenille, ces petits insectes suceurs de la sève des plantes que l’on broyait pour avoir une couleur rouge. Cette dernière était due à l’acide carminique, qui est aujourd’hui utilisé comme additif sous le code E120.

Par Hervé This