Enfin, en ce jour de février 2017, Alexandre Gauthier concrétise son rêve : le voilà doublement étoilé par le Guide Michelin. Hors de question pourtant de s’enflammer.” Il faut continuer à prendre des risques et à être soi-même. Je veux être qui je suis chez moi, j’assume un ton, une cuisine, une cohérence” dit-il alors. Puis il ajoute que “cette récompense fait rayonner une équipe, un territoire et une région. Et à La Madeleine-sous-Montreuil, on en a besoin”.
Retour deux ans en arrière. C’est, à Montreuil-sur-Mer –où il a déjà ouvert Froggy’s Tavern, la nouveauté de l’année 2015. À l’époque de la Saint-Valentin, Alexandre Gauthier a choisi de raconter « son histoire de famille » en ouvrant « Anecdote », un restaurant dédié à la cuisine de son père Roland, dans une aile de l’Hôtel Hermitage.
« Je ne réinvente rien. C’est une cuisine de mémoire, sans chichis avec des produits impeccables tout près de chez nous et qui ont le goût du vrai » souligne celui qui reste bien sûr fidèle à une maison dont le nom serait inscrit au fronton depuis le XVIII° siècle ! Mais dont Alexandre, cuisinier et fils de cuisinier, ne tient les fourneaux que depuis février 2003.
Quelques mois plus tôt, il aurait pu partir aux États-Unis à la demande d’Alain Ducasse : il a écouté la voix du paternel qui, sonné par la perte de son étoile au guide Michelin, lui demande de revenir travailler à ses côtés.
Très tôt saisi par la passion de la cuisine… même si son père n’aimait pas qu’il vienne traîner près du fourneau, son parcours débute à 17 ans au Lycée Hôtelier du Touquet où l’influence de Jérôme Dubois son professeur le marque à jamais, passe ensuite par Saint-Bonnet-le-Froid et l’Auberge des Cimes de Régis Marcon, puis par la route de Meilleurs Ouvriers de France : Michel Roth chez Lasserre et Olivier Brulard à la Résidence de la Pinède à Saint-Tropez avec un petit détour par La Rochelle et Les Flots de Grégory Coutanceau.
Revenu au pays, il ne se contente pas d’en interpréter le terroir, il s’attache à surprendre. « Je ne suis pas quelqu’un de raisonnable (…) Je veux que mon restaurant corresponde à ce que je suis dans mon entièreté, à la cuisine que je fais. C’est une cuisine de territoire, vitaminée, sensuelle mais aussi radicale en goûts. Impertinente sans doute mais pas provocatrice : ma ligne de conduite, ce sont les produits quotidiens pris à contre pied, une cuisine de souche et de racine française, libérée de ses a priori et de ses certitudes. Il ne s’agit pas de casser les souvenirs ni les traditions mais d’avancer avec un projet, une lecture, une justesse, une singularité et une cohérence entre un lieu, une cuisine, un territoire et ses hommes… » .
Un article signé par Jean-François Mesplède extrait de son « Grand dictionnaire des Cuisiniers et Cuisinières »