Pour Jean-Luc Brendel :"Le jardin entre totalement sur ma carte d’été" 

À la table du Gourmet avec Jean-Luc Brendel

Pour fêter le 30ème anniversaire de la Table du Gourmet à Riquewihr (68) une étoile au guide Michelin, Jean-Luc Brendel, par ailleurs Maitre-restaurateur, a organisé une journée portes-ouvertes le 24 juin dernier, pour permettre de visiter l’ensemble de ses établissements : La Brendelstub, Le B. Cottage, Le B. Suites et le tout nouveau Jardin Médiéval.

Celui-ci revêt un intérêt tout particulier pour le chef, épris de botanique et de plantes aromatiques.

C’est “un jardin extraordinaire” comme le dirait la chanson, aux milles senteurs et odeurs, aux souvenirs, un lieu d’inspiration culinaire, gourmand, c’est un jardin géométrique étonnant. C’est une pépinière d’émotions, où le chef aime flâner entre les allées pavées, pour se perdre dans “sa bulle créative”.

Cultivés en biodynamie, les fleurs, les herbes aromatiques et les légumes oubliés apportent une touche originale et surtout originelle à la cuisine débordante d’imagination du chef étoilé, qui parle avec ferveur de son amour et de son respect pour son jardin-potager, lui permettant d’agrémenter les plats de la Table du Gourmet. “Tous les goûts sont dans la nature” souligne-t-il, en cueillant l’herbe à curry pour humer son parfum “indien”.


une baie vitrée permet aux clients de découvrir la cuisine DR
“Le jardin est important parce qu’il entre totalement sur ma carte d’été. Sans le potager, je ne saurai la construire” affirme-t-il. Il y a 20 produits différents par assiette et plus de 200 distincts sur ma nouvelle carte d’été.”
Intarissable sur le sujet, il rajoute : “Dans un jardin, on apprend tous les jours, comme en cuisine !”

Si le jardin se prolonge et renaît dans l’assiette de Jean-Luc Brendel, il s’admire également, monté en verticalité dans la salle de restauran. Ce qui est bien plaisant pour les clients, c’est que l’entrée donne sur la cuisine vitrée, où la brigade travaille en toute transparence.

Jean-Luc Brendel, un chef étoilé autodidacte
Le regard est immédiatement attiré par l’éclairage des leds colorés en plafonnier. De nombreuses surfaces sont réflectrices de lumière, des parois aux plans de travail en quartz. La cuisine de 20 m2 a été agrandie de 10m2. “3 murs porteurs ont été abattus” précise Jean-Luc Brendel. “11 semaines de travaux ont été nécessaires, dont 7 pour les gros œuvres. Mais cette cuisine, climatisée, est idéalement optimisée dans son flux et son fonctionnement” poursuit Jean-Luc Brendel, “C’est la troisième que je fais construire”. La première se tenait en lieu et place de l’actuelle véranda pendant trois ans “.


La salle rougeoyante de la Table du Gourmet
Interrogé sur son parcours, le chef autodidacte narre sa formation au Trois Lièvres, le restaurant que tenait sa maman, à Strasbourg. Etudiant en biologie (il décrochera son CAP cuisine quelques années plus tard), sans être passé par de grandes maisons étoilées, ni apprentissage qualifié, il achète avec sa sœur Fabienne, une winstub au cœur de Riquewihr, un des plus beaux villages de France, qui évoluera au fil des années, en restaurant gastronomique étoilé.
Il avait 19 ans à peine.


En salle à la Table du Gourmet, Fabienne Brendel, la soeur du chef (à gauche) et Anne Brendel (l’épouse) est à la Brendelstub
Abritée dans une maison du XVIè siècle, la salle, habillée de rouge, d’une décoration d’inspiration Feng shui, exprime toute la créativité de la table et ce désir de vivre un véritable moment d’exception. Avec ses poutres apparentes âgées de 450 ans teintées en chocolat, son nuage de verre sculpté suspendu diffusant une lumière tamisée et subtile, propice à la découverte de chaque plat, la salle déroule le tapis rouge, jusqu’à la table du chef portant la veste noire, rehaussée d’un oxalis.

Puis, s’ouvre le très officiel festival des saveurs, sur les marches d’une complexité, bien pensée.

L’eau de tomate
En amuse-bouche, on se rafraîchit d’une variation autour de la tomate et sa brochette, où Fabienne Brendel vient verser une eau de tomate sur la pistache, fil conducteur de l’assortiment. “La pistache est importante parce qu’elle amène la mastication” explique le chef. “Cette eau de tomate est d’une finesse et d’une douceur en bouche. Elle est le fruit d’une décoction, c’est-à-dire que l’on a fait une extraction de jus, de la chair et de toute matière pour ne préserver que cette eau.”


Eau de tomate, jeu de texture version 2012
Sur l’ardoise, on retrouve de droite à gauche, un pain à la pomme de terre, un bâtonnet de beurre d’asperges, un cube coeur de tomate, un crackers à la pistache, enroulant le fruit sec croquant, et un capuccino de mais et son pétale de lard séché.
Le paysage de mon jardin
Puis, “Le paysage de mon jardin” fait une entrée très remarquée et remarquable. On admire la minutie avec laquelle les différents éléments ont été disposés, à l’aide d’une pincette. Du travail d’orfèvre, qui s’apprécie d’autant plus qu’on dénombre une trentaine de gestes techniques pour le dressage. Une oeuvre d’Art, dont voici le détail du paysage culinaire, imaginé chaque saison par le chef.

Zoom sur les 1ere carottes blanches du jardin, la mousse de carottes jaune surmontée de coriandre, le radis serpent, la gelée de concombre, l’huile terre de carottes (réalisée avec de l’huile de carottes cristallisées et de l’argile alimentaire), une barre de tomates, surmontée d’une quintessence d’écrevisses et gingembre, plus loin une sphérification de tomates, qui emprisonne un beurre de cacao, mais aussi un faux-Iota de persil, des haricots-fleurs, et autres merveilles légumières pour ravir vos papilles et découvrir de nouvelles saveurs. “Tous ces éléments incarnent l’assiette de crudités contemporaines, des crudités nouvelle génération” s’exclame Jean-Luc Brendel.


Soleil d’Encornet
Puis le Soleil d’Encornet “Evolution” vient faire son effet autour d’un soleil rouge central en révolution, “une sorte de ketchup revisité” dans lequel on trempe les encornets.

Composé de petits calamars, de girolles des Vosges, d’un potiron-piment, on découvre au gré des bouchées des amandes nouvelles, de la marjolaine bi-colore, et de couleurs qui ensoleillent la vue et l’esprit gourmet.


Le veau de lait élevé sous la mère en cuisson douce
Le veau de lait élevé sous la mère en cuisson douce avec sa réglisse récoltée du jardin, emplit de bonheur le palais, d’une viande gouteuse et fondante.

Accompagné de ses fèves, pois, oignons caramélisés, groseilles à maquereaux, artichauts, et son caramel de réglisse, le veau de lait des Pyrénées est déposé sur un lit de courgettes râpées croquantes.


Fraises en tartare à l’angélique
En dessert, sur un air de fromage blanc, en faisselle allégé avec son caramel de miel, accompagné des Fraises en tartare à l’angélique, quadrillé de pointillés de crèmes de petits pois et de menthe, de cubes en gelée de fraises et de la cristalline de miel. Le vert rafraîchissant le rouge sucré.


les guimauves hibiscus-abricot et la crème de coco
Avec le café, les guimauves hibiscus-abricot et la crème de coco ponctuent tout en légèreté ce menu signé Jean-Luc Brendel, collection été 2012

5 cartes par années émergent, cultivées du jardin et des légumes saisonniers “de l’appel de la nature et des grands espaces”.
Une journée de saveurs ne saurait suffire pour découvrir l’immense champs des possibles de la cuisine du jardin à l’assiette.

Par Sandrine Kauffer
Crédit photos ©sandrine kauffer