Après 5h00 d’épreuves, envoyant le pavé de lieu jaune et Parmentier de homard, un lièvre entier, cuisiné en trilogie avec ses trois garnitures fruits-légumes, suivi du Pavlova et aspic de fruits frais et sa crème au citron, les 28 finalistes se présentant sur deux jours (21 et 22 novembre 2018) au Lycée Hôtelier du Touquet, sous la présidence d’ Alain Ducasse et de ses trois vice-présidents : Jacques Maximin, Christophe Quantin et Michel Roth, ont assisté dans la foulée à la proclamation des résultats.
Emotion, tension, déception et soulagement furent les maitres-mots de cette heure insoutenable, où nombre de cols tricolores assistent à cet événement de la plus haute importance dans la profession.
Vidéo la cérémonie en direct !
Concours MOF … les 7 nouveaux lauréats sont : (par ordre alphabétique)
Renaud AUGIER – La Tour d’Argent à Tokyo
Stephane COLLET – Lycée hôtelier Saint-Martin à Amiens
Arnaud FAYE – La Chèvre d’Or à Eze
Fabrice GENDRIER – Lenôtre à Plaisir
Franck PUTELAT – La Table de Franck Putelat à Carcassonne
Julien ROUCHETEAU – La Scène Thélème à Paris
Frederic SIMONIN – Frédéric Simonin à Paris
Dans les coulisses en cuisine
Au cours de la cérémonie, un hommage a été rendu aux deux monstres sacrés de la cuisine, Joël Robuchon et Paul Bocuse, dont Alain Ducasse a succédé en 2015, à la présidence du groupe des métiers de la restauration et de l’hôtellerie, puis s’adressant aux lauréats, il ajoute :
«Le cuisinier qui accède à ce titre de Meilleur Ouvrier de France se trouve investit d’une mission. Il va devoir continuer à transmettre son savoir autour de lui plus encore, il va devenir un exemple, notamment pour les plus jeunes et par-dessus tout il va devoir donner envie, donner envie d’entrer dans cette profession et d’y réussir. »
Le thème a été tiré au sort le 5 novembre 2018, ce qui a laissé peu de temps aux finalistes pour mettre au point leurs recettes et s’entrainer à envoyer dans les temps impartis.
“En tant que jury dégustation, on nous a incité à essayer et tester les sujets. Nous nous sommes pris au jeu et nous nous sommes lancés avec mes équipes sur le plat du lièvre », raconte Jean-Georges Klein, chef de la villa René Lalique à Winger-sur-Moder (2* Michelin). “Ces essais nous permettent d’appréhender la difficulté technique et c’est un bon entrainement pour la brigade”, rajoute le chef qui finalement était dans le jury dégustation du poisson.
Les missions et responsabilités sont ainsi réparties. Jacques Maximin est l’homme des sujets. “Je suis la mémoire des sujets des concours. Pour le thème je suis vigilant à ce qui a déjà été fait et à la saison”, précise-t-il. “Je propose plusieurs thèmes qui seront tirés au sort au dernier moment. Une fois le sujet tiré au sort, nous nous réunissons pour le tester. C’est moi qui réalise les recettes, mais,”confie-t-il, “Quand je vois un cuisinier, chuter en finale, ça me fait quelque chose, je me sens un peu responsable,….. et si j’avais proposé un autre sujet ? ” interroge-t-il.
“La réalisation des recettes” est un moment partagé que nous apprécions particulièrement” poursuit Michel Roth. Sa mission est de veiller à la bonne coordination de l’ensemble des épreuves et de faire appel aux différents jury : technique et dégustation. “50% au moins sont Meilleurs Ouvriers de France”, souligne-t-il.
“C’est à partir de la faisabilité et de la dégustation que le cahier des charges et les grilles de notation précises sont établis” précise Christophe Quantin. Il a également en charge toute l’organisation logistique et des produits pour la finale, ainsi que les attributions de postes et les flux des personnes. “Il faut être précis, tout est minuté et plus de 150 personnes sont mobilisées (le jury, commis, les membres du COET, personnes au service).
“Les candidats déposent la veille leurs marchandises, mais elles sont vérifiées à l’économat le matin pour être certifiées conformes”, explique Christophe Quantin. “Le frigo est contrôlé en fonction du bon d’économat. Puis les 14 candidats du jour 1, entrent en “loge” accueillis par le Président du Jury. Les postes, les commis et l’ordre de passage sont tirés au sort. Pour certains l’attente sera interminable.
A la fin des 5 heures d’épreuves, l’un des candidats confie ; “Je suis complètement vidé, il faut un certain temps pour reprendre ses esprits”, confie-t-il. “Ce n’est pas seulement les 5 heures d’ épreuves, c’est également tout ce qui se passe des semaines avant. Il faut mobiliser jusqu’au bout une énergie incroyable”.
Pour cet autre, las et déçu, il sait qu’il ne se représentera plus. “C’est ma seconde finale, toutes les conditions étaient pourtant réunies, mais j’ai commis des erreurs, je le sais”, reconnait-il. “C’est la dernière fois aussi, j’abandonne mon rêve, je suis en colère contre moi-même, mais cela demande trop de sacrifice, par rapport à mes équipes et ma famille”.
Chaque candidat se voit attribuer deux commis. Il sera noté sur la façon dont il va les diriger durant les épreuves. Il leur explique ce qu’il attend d’eux et les fait travailler, en équipe.
“Quelque soit le résultat, c’est une expérience formidable qui m’a fait grandir”, sourit Matthieu Silvestre,le plus jeune candidat de la 26ème édition. A 26 ans, il n’en revient pas, le concours MOF était son objectif, Il l’avait annoncé à son chef Olivier Nasti, dès son arrivée au Chambard il y a 6 ans. Pour sa première participation, il ne pensait pas décrocher une place en finale. “Je suis content de ce que j’ai envoyé, j’y ai pris du plaisir. c’était un beau moment de partage avec les commis et avec les chefs présents sur le concours. Je suis resté calme et j’ai essayé de ne pas communiquer mon stress aux commis, pour eux aussi c’est une épreuve. Mais j’ai pris confiance en moi. C’est une très belle expérience et je remercie tous ceux qui m’ont soutenu et coaché; le chef Olivier Nasti, bien sûr, Nicolas Caro, le second, Leslie et toute ma famille, leur soutien et leur affection sont précieux dans ces moments. Le chef m’a dit que j’avais pris de l’ampleur dans l’entreprise et que j’étais un exemple pour les autres jeunes. En ce qui me concerne, cela fait 11 ans que je suis cuisinier et c’est en voyant Joel Robuchon et Paul Bocuse, que j’ai souhaité chercher ce titre.
Avec mon chef Olivier Nasti, ce sont eux mes exemples.”
Côté pratique, le jury technique fonctionne par binôme. Ainsi Yoann Conte et Joseph Viola était en duo pour noter l’assiette de poisson. “Ce qui était compliqué pour les candidats, c’est de commencer par le dessert puis le lièvre alors que c’est l’assiette de poisson qui sortait la première”, précise Joseph Viola. “Nous jugeons et observons avec empathie et bienveillance”, rajoute Yoann Conte. “Le fait de fonctionner à deux renforce l’équité. Il faut être juste dans la notation”.
“Le sujet dessert était complexe”, complète Christophe Felder en binôme avec Jean-Marc Delacourt.“La meringue cuite apportait quelques difficultés, notamment pour des cuisiniers qui n’ont pas forcément l’habitude et la crème chibouste se fait rare en pâtisserie. Certains ont été tentés d’enlever du sucre en pâtisserie, mais il fallait respecter les recettes et les cuissons, telles qu’elles sont ! ”
Par Sandrine Kauffer-Binz
Crédit photos ©Sandrine Kauffer-Binz