La vache folle ne nous courre plus après. Les moutons ne tremblent plus. Les saumons de Norvège sont garantis sans antibiotiques, les porcs belges sans activateurs de croissance, les veaux hollandais sans hormones, les poulets industriels sans médicaments, la dinde sans coccidiostatiques, la pintade sans histomonostatiques, le bœuf nourri sans OGM. Les sangliers sauvages sont à peine au dessus de la dose maximum recommandée de césium 137 et les bécasses qui nichent non loin de Tchernobyl peuvent être à peine digérées par les solides estomacs de nos vaillants chasseurs belges. On vous le dit. On vous l’assure. La viande de cheval remplaçant celle de bœuf, c’est derrière vous, je vous le dit. On vous le dit. Le contenu de boites pour chien, identifié il y a quelques années sur des pizzas bolognaise, les nems au chat, les samossas au chien, les steaks pur bœuf à la cervelle de vaches, les lasagnes pur bœuf au cheval, c’est derrière vous! On vous le dit ! Consommez tranquilles! Continuez à pousser votre chariot dans les allées glauques néonisées des hyper-marchés, à baver devant les linéaires des spécialités alimentaires surgelées, ramassis de produits marketing nés du génie des ingénieurs de l’agro-alimentaire.
Continuez à emplir vos coffres de voiture de boîtes et d’emballages colorés. Ne lisez point les étiquettes, vous savez? C’est ce truc obligatoire écrit en tout petit. Presbyte s’abstenir. Consommateurs, continuez à dormir, prenez vos pilules de vitamines, vos boulettes au bœuf, vos terrines de canard au plasma, vos saucissons aux polyphosphates, vos rillettes au sel nitrité, vos lardons aux arômes de fumée, votre jambon rose conditionné sous atmosphère contrôlée. On vous le dit, c’est sans danger pour la santé! Même l’atmosphère de votre salade déjà lavée au chlore est contrôlée!
Exit les harengs de la Baltique bourrés de PCB, les turbots et dorades d’élevage engraissées aux farines animales, les crevettes du Nord Vietnam qui appauvrissent les paysans qui ont délaissé la culture vivrière du riz, le tilapia qui empoisonne l’eau bue par les bêtes et les gens, la perche de Nil, catastrophe écologique et économique majeure, le saumon dont la chair est colorée, le bar d’élevage à la chair molle et fade, la truite devenue végétarienne, nourrie au soja brésilien, l’huile frelatée d’Espagne, les pastèques explosives italiennes bourrées de forchlorfenuron. Et que dire des derniers anchois de Collioure, des poissons de roches disparus sur les côtes de Marseille, du thon, de la cigale de mer et de la langouste de méditerranée ? Si la cause de leur raréfaction ou de leur disparition n’avait pas été due à la surpêche, ces espèces auraient de toute façon été rayées de la carte des menus par l’intense urbanisation des côtes ainsi que par les diverses et nombreuses pollutions générées par l’homme. Et les Japonais qui continuent à assassiner plusieurs centaines de baleines par an, au mépris des lois et moratoires internationaux, ridiculisant ainsi les autres grandes puissances.
Où sont passés les milles gardons de mon enfance? Les magnifiques perches-soleils, les imposantes brèmes que je pêchais dans le canal du Rhône au Rhin?
Les anguilles des fleuves sont lourdes de plomb et de mercure. Les écrevisses à pattes rouges ont été presque toutes anéanties de nos ruisseaux, les escargots que je ramassais par centaine sont devenus rares. Et que dire des œufs produits industriellement et du lait bourré de dioxine? (Mozzarella, l’an dernier…).
Mais d’où viendra le prochain scandale alimentaire?
Peut-être du côté des fruits et légumes, car on sait aujourd’hui qu’une pomme peut avoir été l’objet de plus de trente traitements chimiques sur le cycle annuel végétatif de l’arbre qui la porte. Les pommes de terre ne sont pas en reste. Le lindane est interdit mais remplacé par d’autres molécules de synthèse mises un peu trop rapidement sur le marché. Je rase les étalages quand je vois des cageots trop beaux de fruits et légumes. Trente pour cent de ceux-ci sont jetés car ils présentent des difformités…
Les pêches sont cueillies vertes et mûrissent, comme les melons, dans des alvéoles en carton contenant un arôme pêche ou melon suivant le cas. Personne ne peut me prouver que les mille produits chimiques que nous ingurgitons chaque année via notre nourriture ne sont pas toxiques pour notre santé. J’ai peur. Quand viendra le temps pour nos scientifiques et nos politiques de prendre des mesures concrètes et courageuses pour interdire les productions intensives irraisonnées? L’eau polluée va encore couler sous les ponts et les producteurs de molécules ont encore de beaux jours devant eux. Il faudra encore plus d’une révélation, plus d’une étude, plus d’un scandale pour revenir à la qualité des aliments que mangeaient nos grands-parents.
Et si le prochain scandale venait du plastique?
Un petit tour des plastiques que l’on trouve dans une cuisine
Les bouteilles de lait sont en polyéthylène à haute densité (PE-HD) Pour l’instant rien n’est à dire…
Le polypropylène (PP) sert d’emballages, d’ustensiles et de vaisselles. Des chercheurs canadiens ont démontré que ces plastiques contiennent des additifs qui libèrent de l’ammonium biocide et de l’oléanide. Renseignez-vous, c’est pas mal…
Le polystyrène (PS) forme de superbes tasses pour contenir vin chaud et soupes. Il se moule aisément et nous offre toute une gamme de matériel de vaisselle jetable et bon marché ainsi que les sarcophages blancs au rayon boucherie de votre supermarché préféré, ceux qui contiennent le steak lui même recouvert d’un film de polychlorure de vinyle (voir plus loin) Ce PS filtre du styrène, un cancérigène potentiel. Mais nous voilà rassuré, ce n’est que potentiellement que l’on peut développer un cancer.
Nos chères têtes blondes ne sont pas oubliées car les biberons sont moulés en polycarbonate, ou contiennent plusieurs plastiques divers (OTHER) Ils renferment du bisphénol-A dont la réputation sulfureuse dans les anomalies liées à la reproduction n’est plus à faire.Il existe dans les cuisines professionnelles comme chez les ménagères, un rouleau de film plastique transparent. Composé de polychlorure de vinyle (PVC), son recyclage est quasi-impossible et son incinération dégage de la dioxine et des disruptifs hormonaux. En contact avec de la nourriture chaude ou grasse, il laisse filtrer des adépates et le fameux phthalate, qui provoquent chez des souris de laboratoire des malformations de croissance, des dégâts sur les reins, le foie, les poumons et le système reproducteur. J’ai sous les yeux un film alimentaire pro 300 mètres de long, marque Horeca. Blanc sur bleu, il est écrit sur le dessous du carton: “Pour la conservation, la protection et la cuisson des aliments. Peut-être utilisé pour réchauffer au four micro-ondes en évitant tout contact du film avec l’aliment. Convient pour contact alimentaire.
Précautions d’emploi: Tenir hors de portée des enfants. Ne pas utiliser dans un four classique ou un grill. Eviter de mettre le film en contact avec des aliments très gras (lard…) ou ayant été conservés dans de l’huile”.
On ne nous dit pas pourquoi il faut éviter tout contact du film avec l’aliment quand on réchauffe au micro-ondes, ni pourquoi il faut ” Eviter de mettre le film en contact avec des aliments très gras (lard…) ou ayant été conservés dans de l’huile” Mais maintenant vous le savez, la cause aux adépates et au fameux phthalate, dont les effets avérés sont décrits un peu plus haut. Pourtant, je connais des dizaines de cuisiniers qui cuisent dans ces films, du foie gras, des ballottines, des paupiettes… On jette dans l’eau chaude, on micro-onde, on installe son rouleau PVC dans le four vapeur. Pire: j’ai vu une cuisinière, lors d’une démonstration culinaire sur un plateau télé, réchauffer dans l’huile brûlante une préparation de gibier en forme de boudins. Ce n’est qu’après cuisson, qu’elle a retiré le bout de plastique devenu blanc et cassant, cernant la ballottine de biche. La cuisson dans une enveloppe PVC est presque devenue une mode, une tendance en tout cas, car cette méthode est même enseignée dans les écoles hôtelières.
Et maintenant les sacs sous-vide de cuisson ou de conservation. Il en existe des thermo-formables, des résistants à 130°, des rétractables, des multicouches… Ils sont habituellement en polyéthylène et comme tout le monde le sait, ce plastique est totalement inoffensif. On vous le dit.
Aujourd’hui, il existe des écoles spécialisées dans ce type de cuisine. La plupart des produits dits de quatrième gamme utilisent ce matériau à profusion. Je connais des entreprises qui n’utilisent quasiment que ces sacs pour cuire, conserver et réchauffer ce que vous trouvez dans votre assiette gastro. Mais cela, il ne faut pas le dire, c’est encore tabou, même si un chef d’un restaurant étoilé m’a dit un jour qu’il avait eu sa première étoile grâce au sous-vide…
Alors, on cuit à tour de bras, on surgèle les portions individuelles, on réchauffe, on gère mieux les pertes. Un ouvrier peu qualifié armé d’une paire de ciseaux remplace avantageusement quatre bons cuisiniers. Côté rendement, y a pas photo!
Vous l’avez compris: je déteste la cuisson dans le plastique car c’est potentiellement dangereux pour la santé, et surtout que cela ne m’intéresse pas gustativement parlant. Dernièrement dans un bon restaurant, j’ai commandé un carré d’agneau rôti, viennoise d’herbes et tralala, pour deux personnes. Le carré bien paré est arrivé en grandes pompes puis est retourné dans la cuisine pour y être découpé. La viande était fade, tiédasse, parfaitement et uniformément rosée de l’extérieur à l’intérieur et de texture identique. Cela m’a profondément ennuyé. J’ai deviné une cuisson sous-vide à basse température. Le cuisinier aux ciseaux avait sévi.
Mais que diable! Où sont passé les carrés d’agneau vert-pré d’antan? Vous savez, ceux que l’on saisissait au moment à feu vif dans une lourde poêle en fer? Puis que l’on mettait ensuite au four brûlant. La graisse superflue fondait, les chairs de surface devenaient croustillantes, les sucs caramélisaient, tant sur les parties maigres qu’au fond de la poêle. Les lymphes, enfermées dans la viande ne pouvaient s’échapper: elles convergeaient vers le centre. Puis le cuisinier, sans minuteur ni objet thermo-plongeant, sortait le carré, luisant, suintant, chantant, craquant, croquant. Celui-ci reposait ensuite quelques minutes sur le bord du fourneau. Au doigt et à l’œil, la cuisson Messieurs Dames! Puis la lame du couteau, habillement tenue par le maître d’hôtel tranchait la viande. Des sucs transparents filaient sur la planche. Des vapeurs d’agneau rôti et de thym enveloppaient la salle. Sur l’assiette chaude, l’homme de l’art disposait de larges tranches de viande, grillées en pourtour, rosées et même saignantes à l’os. Ces chairs avaient un goût, une texture et une jutosité différentes dans toutes ses parties. S’il vous plait, donnez moi une adresse où je peux encore déguster ce carré d’agneau…
J’ai eu le bonheur de goûter un jour un paleron de bœuf cuit 60 heures, sous-vide à basse température. De consistance entre le papier mâché et le roulé de dinde ponctionné au sel nitrité, son goût ne m’a pas convaincu. Un filet de turbot cuit dans le plastique à 51 degrés? Pas pour moi.
Joël Margotton (Kobus à Strasbourg) m’a cuit dernièrement un tronçon de turbot sauvage, au doigt et à l’œil, à la peau croustillante, merci mon vieux!
Alors la cuisson dans le plastique?
Pour les adeptes, qu’ils continuent, mais les autres consommateurs devraient avoir le choix. Vous verrez, bientôt, le scandale. Interdite, à la déchetterie les machines à mettre sous-vide qui, quand elle soudent, dégagent des fumées acres… J’écris sérieusement: à quand un label affiché devant le restaurant: “ici, on ne cuit rien dans du plastique.” Et dans quelques années on dira: “Vous vous rendez compte? En 2013 il était encore autorisé… de cuire dans du plastique”!
Par Daniel Zenner