Initialement, il s’agissait de discuter l’expression “à la Richelieu” mais la consultation des bonnes sources a montré qu’il fallait aussi évoquer “à la Soubise”.
Commençons donc par une recherche de l’expression “sauce Richelieu” : dans les ouvrages anciens de cuisine, cette sauce n’apparaît pas, mais on trouve des « boudins à la Richelieu » qui sont des boudins farcis d’un salpicon de truffes. Ainsi, dans l’Art de la cuisine française, Marie Antoine Carême évoque des boudins de volaille à la Richelieu qui sont fait de deux demis boudins faits farce à quenelle, couchés, et couverts d’une raie de dés de truffes et de sauce allemande serrée et refroidie : on referme les deux moitiés l’une sur l’autre avant de cuire.
C’est d’ailleurs cette recette que l’on retrouve chez Jules Gouffé, dans ses « boudins de volaille au salpicon, dits à la Richelieu :
« Préparez de la farce de volaille que vous ferez plus consistante que farce pour petites quenelles ;
Coupez un oignon en petits des en retirant toutes les parties dures, faites-le blanchir, rafraîchissez-le, égouttez-le et faites-le revenir à beurre blanc en tournant avec la cuiller ; Au bout de 10 minutes, égouttez de nouveau l’oignon et mèlez-le dans la farce ; Ayez des bandes de papier beurré de 10 centimètres de long sur 6 de large ; Mettez sur chaque bande de papier une partie de farce que vous formerez en carrés de 8 centimètres de long sur 4 de large et d’une épaisseur de 4 centimètres ;
Enlevez, avec le manche d’une cuiller, une portion de farce, de manière à former un vide de 2 centimètres de profondeur et de 2 centimètres de largeur ; Emplissez ce vide avec un salpicon que vous composerez de truffes, blancs de volailles, langue à l’écarlate, le tout saucé avec de l’allemande très-réduite ; Lorsque les boudins sont garnis, recouvrez-les d’une couche de farce de manière que le salpicon soit bien enveloppé ; Un quart d’heure avant de servir, faites pocher les boudins dans du grand bouillon, en évitant qu’il bouille ; égouttez-les sur une serviette, dressez-les en couronne et saucez avec de l’espagnole réduite. »
Toutefois, la consultation du livre de Carême fait aussi apparaître des grosses pièces de rouget à la Richelieu… où l’on ne trouve pas des rougets farcis de truffes, mais plutôt des rougets servis avec une « sauce à la Richelieu ». Autrement dit, l’expression « à la Richelieu » a deux acceptions. Et pour la sauce, la voici :
« Après avoir coupé quatre gros oignons en petits dés, vous les passez blonds dans du beurre clarifié ; puis vous les égouttez sur un petit tamis de crin, pour les cuire ensuite dans deux grandes cuillerées de consommé, en y joignant un peu de sucre fin, un peu de muscade râpé, et de mignonnettre. L’oignon étant cuit, vous ajoutez deux grandes cuillerées à ragoût de sauce allemande, un peu de glace de volaille et un peu de de beurre fin ; puis vous passez la sauce avec pression à l’étamine fine. Au moment de servir, vous additionnez une demi-cuillerée à bouche de cerfeuil haché et blanchi. »
C’est la fin de la recette qui nous conduit à la Soubise, car Carême ajoute : « Cette sauce diffère de la soubise parce que l’oignon est roussi, ce qui en change sensiblement le goût. »
Et effectivement, sa « sauce à la Soubise » est la suivante :
« Coupez quatre oignons en deux, ensuite vous coupez la tête et la queue à quatre lignes de distance sur l’oignon, puis vous les émincez très fin et les jetez dans de l’eau bouillante. Lorsqu’ils ont donné quelques bouillons, vous les égouttez dans une passoire, ensuite vous les mettez dans une casserole à ragoût avec un bon morceau de beurre d’Isigny, et un peu de consommé. Faites-le mijoter à petit feu. Dès qu’il est cuit, vous l’égouttez de nouveau et le versez dans la casserole avec deux bonnes cuillerées de consommé que vous avez dégraissé et réduit de moitié ; vous y joignez deux grandes cuillerées à ragoût de sauce béchamel, une pointe de muscade, une pincée de sucre en poudre et un peu de glace de volaille ; après quoi vous le passez avec pression à l’étamine fine. Au moment du service, vous y mêlez un peu de beurre d’Isigny. »
D’ailleurs, Carême termine par un ajout : « La soubise est ordinairement une purée d’oignons. Cette sauce se compose de l’extrait de l’essence d’oignon, et n’est point une purée. »
Par Hervé This