Par les temps qui courent, on voit des « fraisés » qui sont des gâteaux aux fraises. Erreur ! Les fraisés sont des gâteaux anciens, qui étaient encore nommés « gâteaux d’Etampes ».
Dans les Délices de la campagne, publié en 1655, Nicolas de Bonnefons, cuisinier du roi Louis XIV, nous en donne une recette, que je transcris en français moderne :
2. y ajouter de la farine
3. puis ajouter beurre et fromage frais, de sorte que la pâte soit un peu ferme
4. la fraiser
5. façonner des gâteaux
6. les dorer et les cuireEvidemment, les quantités font défaut, et comme nous ne savons pas comment étaient ces gâteaux, nous en sommes réduits à imaginer, à interpréter, à recréer.
Bonnefons évoque un boisseau de farine, et huit livres de beurre, mais il ne dit rien de la crème ni du fromage.
Un boisseau ? Avant l’introduction du Système métrique, c’était l’incohérence la plus complète. En Anjou, par exemple, et rien que pour la période du dix-huitième siècle, il varie selon les villes entre 7,12 et 20,36 litres, même quand les villes sont proches. En l’an VI, lors des débats sur le système métrique, l’Anjou compte 110 mesures différentes pour les grains, sans compter que la quantité réelle des grains dépend de la manière de mesurer : mesures à ras et à comble.
Ainsi, jusqu’au quinzième siècle, on utilise un simple boisseau plein ; c’est la mesure à ras. Ensuite et jusqu’au dix-septième siècle se généralise l’usage du boisseau à comble, qui contient autant de matière sèche qu’il peut en retenir : il est couronné par un cône de grains, le comblon, qui varie en fonction de la surface supérieure du récipient et aussi selon l’habileté du mesureur. L’avoine et les noix, plus stables, permettent d’édifier des comblons atteignant la moitié de la mesure, en sorte que deux boisseaux combles égalent trois boisseaux ras.
On comprend le progrès que fut le Système métrique, et l’introduction de la vente au poids… qui n’empêche pas de « mouiller » la marchandise, raison pour laquelle la réglementation a ensuite stipulé la teneur en matière sèche pour des échanges commerciaux loyaux.
Au fait, pour finir, pourquoi le nom de fraisé, s’il n’y a pas de fraise ? Sans doute parce que la pâte est « fraisée ». Fraisée ou frasée ? La réponse se trouve dans le Glossaire des métiers du goût, où on lit :
Fraiser : Mélanger intimement (les éléments qui constituent une pâte) en les pressant et les fragmentant avec la paume de la main.
En pâtisserie, mélange grossier des ingrédients avant le pétrissage. Lors de la confection des pâtes de pâtisserie, il y a ce mouvement d’appui en faisant glisser devant soi, qui permet de bien mélanger beurre et farine, par exemple, ou de rendre plus homogène la pâte réalisée, de lui donner plus de corps en établissant le réseau de gluten. Est-ce un « fraisage », ou bien un « frasage » ?
Et que signifie Fraiser ? lire la terminologie d’Hervé This
Par Herve This