Non, dans cette chronique, je ne vous parlerai pas du temps froid et pluvieux qui pourrit notre joli mois de mai 2013. Je ne vous entretiendrai pas non plus du raz le bol général qu’éprouvent les gens. Je ne vous déballerai aucune statistique claironnant que ce printemps bat des records de température, en froid bien sûr! Non, j’espère juste vous apporter un petit coin de soleil, vous faire rire, au moins sourire.
Sale temps pour les mouches ? Oui, ces dernières, comme les abeilles ne sortent pas en dessous de 14 degrés. Elles sont donc à plaindre. Par contre vous, pourquoi continuez-vous à rechigner? À râler en bon Français qui se respecte? La mouche, elle, subit. Et c’est une histoire de survie pour ces formidables insectes ailés de l’ordre des diptères car, avec le temps pourri de ce joli mois de mai, elles ne peuvent se reproduire. L’abeille, elle, ne viendra pas polliniser vos arbres fruitiers. Mais vous, de quoi vous plaignez-vous?
Allez donc aux escargots ou pêcher la grenouille, bottez-vous pour aller observer la nature. Ce merveilleux printemps n’a pas été depuis longtemps aussi vert. De ces verts fragiles et éphémères, tendres et lumineux. La primevère, la violette, l’ail des ours, le tussilage, le magnolia, le lilas, malgré le temps, ont accompli leur cycle: ils nous ont offert leurs fleurs et leurs parfums, se souciant de la pluie comme de leurs premières feuilles. En ma montagne, les saules n’ont jamais été aussi fournis, touffus, puissants. Les sureaux rouges se sont parés de folioles mordorées érigées vers le ciel vers lequel s’ouvrent les panicules de fleurs en grappes. Les orties dégagent une telle énergie que je les cueille à main nue pour réaliser des coulis, purées, potages et macérations pour le jardin. La berce et l’égopode n’ont jamais été aussi goûteux: je m’en délecte. Dans mon jardin potager, aucune plante n’est parasitée. Les limaces et autres limaçons ont fort à faire avec les pissenlits géants. Jamais les toxiques boutons d’or n’ont été aussi jaunes: ils irradient: c’est le moment pour savoir si vous aimez le beurre.
Sale temps pour les mouches, en effet. Restez donc au chaud, prenez votre mal en patience, vous verrez quand l’été arrivera, on fera la fête jusqu’à l’aube!
Sale temps pour les mouches, oui! Mais en cette fin du mois de mai, il y a des choses qui me dépriment plus que le temps: un vendeur de Mr Bricolage a oublié de passer ma commande pour ma tête de débroussailleuse. Paraît que le fax n’est pas passé. On est peu de chose. On m’a dit de rappeler car le vendeur amnésique est en congé cette semaine. Chez Brico Dépôt, on m’a vendu une lunette de WC “aux normes standards” dont il manque cinq centimètres pour épouser parfaitement la forme ovale de la céramique blanche. Avec le temps et un peu d’exercices, on s’habitue à la lunette en bois chinois. METRO m’averti lundi par téléphone que le mixer “Robot Coupe” que j’ai commandé depuis trois semaines est enfin arrivé. Mais ce jour, on me donne l’exemplaire de démonstration dans une boîte polystyrène défoncée: je refuse! Ce matin à la pharmacie, on ne me trouve pas dans l’ordinateur: le chef est appelé avec le sous-chef. La vendeuse assiste au duel homme-machine. Puis-je donc être soigné sans l’avis de l’ordinateur? À la poste de mon village, je veux envoyer un colis de 12 kg: manque de pot, leur balance est limitée à dix kilos. Faut-il que j’aille dans une “Grande Poste”. Je reçois un courrier de la RSI m’invitant à régler une bizarre somme majorée de dix pour cent: je n’ai jamais eu le moindre appel de cotisation. Une dame à l’accent asiatique me harcèle au téléphone, de la part d’éco-énergie EDF, au moment des horaires de repas. Voilà au moins quinze fois que je l’envoie sur les roses, mais, telle une tique, elle s’accroche.
Mais largement plus pire que le pire c’est les photos d’identité. Elles doivent êtres conformes. Sur les côtés de la boîte rectangle de l’appareil automatique de la gare, c’est indiqué qu’elles sont conformes. Génial, super! Je m’efforce de ne point sourire car c’est formellement interdit. Je prends donc ma tête de bagnard fraichement sorti de chez le coiffeur. J’ajuste le siège, fais gaffe que mon visage soit bien dans le cercle, ferme le rideau, etc.
En moins d’une minute, une planche de quatre photos rutilantes sort du robot. Bravo, quel progrès car dans le temps, la machine mettait un temps indéterminé, de quoi rater son train. Mais malheur à moi! Croyant bien faire, j’ai soigneusement découpé les photos, au millimètre près je vous jure!
Eh bien j’ai gaffé. Je regarde piteusement la secrétaire de mairie qui m’annonce que “là-bas”, “ils” ont une machine automatique pour découper les photos d’identités conformes car, oh miracle! elle arrondit les angles. Il faut donc que j’aille refaire des photos conformes à la gare, sans les couper cette fois-ci, mais sans être certain cependant qu’elles passeront avec succès l’ultime épreuve du tampon conforme. J’imagine un gars payé à certifier les photos conformes. J’aimerais bien boire deux bouteilles de vin de glace Riesling grand cru Zinnkoepflé de Seppi Landmann 1996 avec lui. Je ne sais pourquoi ce grand maitre de l’art photographique a refusé mes photos en vue de refaire ma carte d’identité, car elles proviennent exactement de la même série qui a servi pour réaliser mon passeport conforme!
Alors le temps qu’il fait hein, je m’en fous. Et les mouches rattraperont bien le temps perdu en été.
Bon, il est bientôt 17 heures. J’ai acheté ce matin de fringants carrelets que je vais cuisiner “à la meunière”, des coques du Pouliguen que je vais enfermer dans un soufflé chaud, des petits pois frais cuisinés “à la Française” en en dessert, je ne sais encore…
Carpe Diem!
Par Daniel Zenner