Pour ce second confinement, qu’avons-appris du premier ?
Qu’il fallait jouer la solidarité, soutenir les commerçants de proximité, “David contre Goliath” et prendre conscience du travail et de l’engagement de ceux qui cultivent notre terre nourricière.
Alors que les maires prennent des arrêtés à la limite de la légalité pour soutenir l’ouverture des commerces de proximité, rappelons-nous nos bons engagements pris en mars dernier. Les artisans des métiers de la gastronomie restent ouverts en respectant scrupuleusement les gestes barrières, et Daniel Zenner a signé publié dans le Good’Alsace N°7 en vente actuellement avec Yolande Haag en couverture.
L’homme aussi proche de la nature que de la cuisine, en fin observateur, avait analysé les comportements des consommateurs, qui se sont tournés vers les sources d’approvisionnement locales, via les ventes directes à la ferme, les marchés et magasins de producteurs, les concepts des « Amap » ou de « La Ruche qui dit Oui».
Un avant et un après Covid ?
« La Ruche qui dit Oui » : un concept novateur qui a le vent en poupe
Manger mieux, manger juste.
Le principe est simple : on commande par internet sur le site d’une « Ruche qui dit Oui » la plus proche de chez vous, une fois par semaine, un panier composé selon ses envies, parmi une sélection de produits locaux. C’est une nouvelle façon de consommer, en lien direct avec l’agriculture de proximité. Le producteur vient livrer et repart avec sa camionnette vide. Les intéressés viennent récupérer leur panier.
Clarisse Zenner, ma petite sœur, tient le magasin « Les Oiseaux Rares » et est responsable de la ruche d’Ingersheim. Avant la pandémie, elle fournissait chaque vendredi après-midi 30 paniers en moyenne. Car les adeptes de la Ruche ne sont pas obligés de commander chaque semaine. Pendant le confinement, le nombre de clients a doublé. Juste avant les fêtes de Pâques, 180 personnes ! Et mi-juillet, elle prépare encore 55 paniers. « Malgré la période estivale, pendant laquelle les ventes chutent habituellement de près de 50%, les gens sont restés fidèles. Je propose une gamme très variée de produits locaux, en majorité issus de l’agriculture biologique et j’ai le choix de choisir mes paysans » me chuchote Clarisse. « Ce qu’aiment les gens c’est, contrairement à une AMAP, le choix de commander ce que l’on veut suivant ses envies, le nombre de convives, les saisons.
La ruche qui dit oui
33, route d’Eguisheim 68040 Ingersheim
laruchequiditoui.fr
Les « AMAP » : un contrat de solidarité avec le paysan
Marchés paysans et marchés citadins, un retour aux sources
La vente à la ferme et le réseau « Bienvenue à la ferme » : à la rencontre des agriculteurs
Le Réseau « Bienvenue à la ferme »
Les fermes-auberges et les auberges-fermes
Les libres-cueillettes : redécouvrir le lien avec la terre
Les salmonidés du Val d’Orbey : vente directe et produits ultra-frais !
Cette pisciculture a su développer une belle gamme de produits gourmands vendus sur le site de production, ainsi que dans de nombreux magasins de regroupement de producteurs, des AMAP et dans les concepts ” La Ruche qui dit Oui “. La fidélisation de la clientèle prend ici tout son sens. L’achat de poissons d’eau douce d’élevage à la pisciculture, vous offre la garantie de déguster un produit ultra-frais, car les poissons sont prélevés à la demande, proposés entiers ou filetés. Le plus important dans l’élevage des salmonidés est la qualité et la quantité de l’eau, sa température aussi qui, pour des ombles chevaliers ne doit pas dépasser les 12°C. (…) Membre du Réseau ” Bienvenue à la Ferme “, vous pourrez vous aussi, tels des gamins, vous émerveiller devant les bassins remplis de salmonidés…
NEMROD à Fréland : du sauvage dans l’assiette !
« Nemrod », anciennement « Art-Boucherie », est installée à Fréland depuis 2015. (…) Le concept de Nemrod, est non seulement d’avoir la capacité de réceptionner, de stocker mais aussi de transformer les diverses viandes. Une structure adaptée, et aux dernières normes en vigueur, permet d’absorber les excédents, d’écouler la venaison locale et de lutter ainsi contre le gaspillage des ressources cynégétiques. Trois jeunes entrepreneurs se sont associés. Cinq bouchers-charcutiers-préparateurs travaillent à plein temps. Car l’ouvrage ne manque guère : il faut réceptionner les animaux (la triperie et les abats sont abandonnés en forêt); les peler (ôter la fourrure); les découper, les désosser, les conditionner, puis transformer la majeur partie de la viande en saucisses, morceaux fumés, terrines, pâtés, presskopf, rillettes, civets, et en de nombreux autres plats cuisinés, comme les fameux fleischnakas au gibier. (…)
Le début du confinement est aussi synonyme de la fermeture des restaurants, un secteur important dans notre territoire. Terre historique de venaison, les Alsaciens sont demandeurs de viandes sauvages. Les restaurateurs sont aussi grands consommateurs de gibiers, mais pendant trois mois, leurs portes étaient closes. Les ventes ont donc chutées. Par contre, le site de vente en ligne a remporté un succès inespéré. Les magasins de producteurs, AMAP et Ruche-qui-dit-Oui, ont compensé le manque à gagner. Les paniers dans les drives ont augmenté et ma foi, les clients reviennent. Les achats par les restaurateurs en période estivale restent timides, ce qui est normal, car l’été est plutôt la période des terrines, des merguez de sanglier ou des côtelettes de chevreuil au barbecue. Le temps des gigues rôties et des civets capiteux arrivera avec l’automne et ses premières châtaignes, puis avec l’hiver et ses premiers frimas. (…)
Ne tuez pas la poule aux oeufs d’or !
Le fait de vendre et de valoriser ses propres productions supprime les commissions des intermédiaires. Il réduit aussi les frais de transport et le bilan carbone. Tout est donc en place pour offrir aux consommateurs une matière première de qualité pour un coût abordable. Mais ce n’est pas toujours le cas. Il m’est déjà arrivé quelques aventures désagréables. Dans un magasin de regroupement de producteurs j’achète un poulet nommé « De la Ferme ». Ce qui m’a paru évident car je ne connais pas de poulet élevé en appartement. L’appellation « De la Ferme » n’obéit à aucun cahier des charges légal. « Fermier », « Bio », « Label Rouge », « IGP d’Ancenis », « AOP Bresse », sont des labels contrôlés avec une garantie de qualité. J’ai payé mon poulet deux fois le prix d’un « Label Rouge Fermier d’Alsace » PAC ( c’est à dire prêt à cuire). Avant de poser mon poulet de la ferme dans le plat, j’ai dû jeter le cou, la tête, le foie, le gésier, les poumons et les pattes, le tout enfoui dans l’arrière-train, choses qui ne me servaient pas dans la recette de mon simple poulet rôti. Ces déchets, je les ai payés dans le prix de ma volaille achetée au kilo… J’ai installé la bête sondée à 80 °C afin de ne pas rater la cuisson. En fin de cuisson, je fus étonné de voir mon poulet baigner dans une piscine de graisse. Au moment de la découpe, la volaille s’est écroulée sur elle-même dans des effluves peu agréables. Le blanc était très blanc et sec, les os noirs, le bréchet pas formé, la chair d’un goût détestable. J’étais en présence d’un poulet fast food que j’ai à contre-cœur offert à mes chiens. Je suis allé me plaindre au magasin. On m’a répondu que ces temps-ci l’éleveur « avait eu des problèmes de bâtiments … ». Je suis allé voir l’élevage, non loin de Sundhoffen. J’ai bien vu des grands hangars mais aucune poule dehors…
Dernièrement, j’achète dans un de ces magasins-paysans, un fromage de vache frais (provenance Vosges) agrémenté d’huile d’olive et de persil. Un produit vraiment délicieux. Reporté au KG, son prix est de 48 € ! pour un fromage non affiné ! Pour ce prix, je prends un Beaufort d’Alpage de 48 mois ! J’ai vu un jambon blanc conditionné par trois tranches, bio et en promotion, à 47 € le kg ! produit traité par un industriel, sans aucune indication de la provenance du cochon. Le gigot d’agneau d’Alsace avoisinait 29 € le kg ! À ce prix, je me paye un gigot de 800 grammes des Pyrénées !
Au mois de mai, dans ce même espace de vente, je note des artichauts d’Espagne, des endives de Belgique, des avocats d’Israël, des mangues du Pérou et des radis Daïkon de Hollande. Un quart d’heure plus tard, je vois les mêmes fruits et légumes, de provenance identique, dans un Intermarché à moins de deux kilomètres de ce magasin. Et incomparablement moins chers ! Dans ce village, ce magasin remplace tout simplement les supérettes d’autrefois. Les gens achètent chers les produits des productions locales. Il faut bien aussi payer en plus, une petite part de rêve.
Paysans, ne tuez pas la poule aux œufs d’or ! Consommateurs, lisez les étiquettes !
Par Daniel Zenner
Crédit photos ©D. Zenner