Re-Confinement : Circuits courts et vente directe

Re-Confinement : Circuits courts et vente directe

Pour ce second confinement, qu’avons-appris du premier ?

Qu’il fallait jouer la solidarité, soutenir les commerçants de proximité, “David contre Goliath” et prendre conscience du travail et de l’engagement de ceux qui cultivent notre terre nourricière.

Alors que les maires prennent des arrêtés à la limite de la légalité pour soutenir l’ouverture des commerces de proximité, rappelons-nous nos bons engagements pris en mars dernier. Les artisans des métiers de la gastronomie restent ouverts en respectant scrupuleusement les gestes barrières, et Daniel Zenner a signé publié dans le Good’Alsace N°7 en vente actuellement avec Yolande Haag en couverture.

L’homme aussi proche de la nature que de la cuisine, en fin observateur, avait analysé les comportements des consommateurs, qui se sont tournés vers les sources d’approvisionnement locales, via les ventes directes à la ferme, les marchés et magasins de producteurs, les concepts des « Amap » ou de « La Ruche qui dit Oui».

 


Que consommer à table avec votre Valentin(e) par Daniel Zenner ©Sandrine Kauffer-Binz
Daniel Zenner portrait ©Sandrine Kauffer-Binz
La pandémie liée à l’insidieux virus n’a pas eu que des conséquences désastreuses. En mars, les consommateurs, à l’annonce du confinement, se sont d’abord rués sur les stocks de papier toilette, de farine, d’huile et de sucre. Comme pour remplir les étagères dans son abri atomique. Les étals de viande et de poissons frais furent aussi dévalisés et leur achalandage posa vite le problème de l’acheminement par camion. Si le virus, apparemment, venait de chine, les matières premières qui nous nourrissent au quotidien, eux, ne viennent pas d’Extrême-Orient. Les consommateurs sont devenus sans toujours s’en apercevoir, des consommes-acteurs !

Un avant et un après Covid ?

Ah ! la joie de pouvoir échanger quelques mots avec un producteur de légumes bios que l’on nomme gentiment « mon » maraîcher… Ce dernier nous reconnecte avec les saisons, la saveur des vrais fruits et légumes frais. Il tisse le lien du salsifis, celui qui nous relie à notre terre-mère. Grâce au premier confinement, la plupart d’entre nous, avions redécouvert cette notion de temps : avoir du temps, se prendre du temps, puis celui quelque peu absurde de s’auto-signer une autorisation de sortie, pour aller faire ses courses. Enfin le plaisir de cuisiner. Les cocottes de grand-mère en fonte, comme les vieux grimoires de recettes, sont sorties de leur placard. Dans la cuisine, on entend à nouveau la viande grésiller dans les larges poêles, les doux chants du frémissement d’un ragoût, le ronronnement d’un batteur-mélangeur. De la cuisine s’échappent à nouveau les effluves rassurantes d’une tarte à la rhubarbe et d’une blanquette de veau à l’ancienne. Certaines familles ont redécouvert la notion de partage et d’échange autour de plats concoctés, de mets aux valeurs refuges, que l’on avait oubliés.

Après un audit de plusieurs agriculteurs, exploitants agricoles ou paysans (je ne veux froisser personne par une appellation péjorative), le bilan économique pendant la période du premier confinement ne semble pas avoir été catastrophique. Certes, le milieu de la viticulture avait souffert, car les stocks excédentaires n’ont pas pu être écoulés. Les producteurs d’asperges et de fraises avaient dû revoir leur stratégie pour commercialiser leurs produits. Mais beaucoup de consommateurs se sont tournés vers les sources d’approvisionnement locales, via les ventes directes à la ferme, les marchés et magasins de producteurs, les concepts des « Amap » ou de « La Ruche qui dit Oui».

« La Ruche qui dit Oui » : un concept novateur qui a le vent en poupe

Crée en 2011, les ruches qui disent oui sont un pur produit entre les technologies performantes du Net, des consommateurs avisés et des producteurs.
Manger mieux, manger juste.

Le principe est simple : on commande par internet sur le site d’une « Ruche qui dit Oui » la plus proche de chez vous, une fois par semaine, un panier composé selon ses envies, parmi une sélection de produits locaux. C’est une nouvelle façon de consommer, en lien direct avec l’agriculture de proximité. Le producteur vient livrer et repart avec sa camionnette vide. Les intéressés viennent récupérer leur panier.
Clarisse Zenner, ma petite sœur, tient le magasin « Les Oiseaux Rares » et est responsable de la ruche d’Ingersheim. Avant la pandémie, elle fournissait chaque vendredi après-midi 30 paniers en moyenne. Car les adeptes de la Ruche ne sont pas obligés de commander chaque semaine. Pendant le confinement, le nombre de clients a doublé. Juste avant les fêtes de Pâques, 180 personnes ! Et mi-juillet, elle prépare encore 55 paniers. « Malgré la période estivale, pendant laquelle les ventes chutent habituellement de près de 50%, les gens sont restés fidèles. Je propose une gamme très variée de produits locaux, en majorité issus de l’agriculture biologique et j’ai le choix de choisir mes paysans » me chuchote Clarisse. « Ce qu’aiment les gens c’est, contrairement à une AMAP, le choix de commander ce que l’on veut suivant ses envies, le nombre de convives, les saisons.


Clarisse Zenner, la soeur de Daniel
Dans ce système, les producteurs touchent 80% de ce que paye l’adhérent. Et ils ont l’argent sur leur compte dans la semaine. 10% de la somme encaissée rémunère l’entreprise-mère (pour la logistique des sites, le paiement et le droit d’utilisation du concept ), et 10% indemnise le responsable de la ruche pour son travail de réception, de conditionnement et de distribution des paniers ». Plus de 700 ruches et 4500 producteurs bourdonnent ensemble, pour vivre un commerce plus équitable, et poser un autre regard sur la société de consommation.

La ruche qui dit oui
33, route d’Eguisheim 68040 Ingersheim
laruchequiditoui.fr

Les « AMAP » : un contrat de solidarité avec le paysan

Les AMAP sont moins nombreuses que les Ruches, car leur fonctionnement est plus contraignant pour les adhérents. Il s’agit pour ces derniers de passer un véritable contrat avec les producteurs. De ce fait, le panier reflétera la richesse des fruits et légumes de saison et peut ne pas toujours correspondre aux préférences alimentaires de chacun. Pour ma part, je n’aime pas la betterave cuite et certaines personnes sont allergiques au scorsonère ou intolérantes à l’héliantis… De plus, il faut cuisiner, prendre le temps, explorer une nouvelle façon de cuire les courgettes, de transformer les carottes jaunes. L’alimentation devient plus variée, le repas une réjouissance quotidienne. Les choses ont le bon goût de ce qu’elles doivent avoir. Et on peut mettre un nom et un lieu sur leur provenance. Une fois par semaine, les adhérents cherchent leur panier, complété par d’autres productions de paysans-amis. Les fruits et légumes sont en majorité issus de l’agriculture biologique ou biodynamique. Ils sont ramassés le matin même. Les carottes tordues, les pommes de terre biscornues s’invitent aussi, ce qui réduit les coûts de production pour l’agriculteur, car il faut savoir que souvent, plus de 50% de la production reste abandonnée dans les champs. Entre l’homme qui travaille la terre et le consommateur, il n’y a aucun intermédiaire. Ce dernier est rémunéré au juste prix. L’engagement du sympathisant est aussi un acte de militantisme.

Marchés paysans et marchés citadins, un retour aux sources

Marie-Jeanne Haenn, maraîchère à Colmar, a repris depuis belle lurette la ferme de ses parents, installée dans le quartier emblématique des maraîchers de Colmar. Elle fait partie de ces quelques agriculteurs qui cultivent encore les fameuses terres du quartier des maraîchers, en dépit d’une pression foncière importante.(…) Au début des années 80, nous avons eu peur pour l’avenir des marchés, car c’est par ce moyen que nous avons toujours écoulé nos productions. Les places de stationnement manquaient à Colmar, puis les hypermarchés sont venus nous concurrencer. Aujourd’hui, les marchés reprennent vie. Nous avons du plaisir à accueillir une nouvelle clientèle : des couples de jeunes ». Concernant la période du confinement, Marie-Jeanne ajoute : « Au début, nous avions eu du mal, car les marchés ont été fermés. Par contre, tout le monde pouvait aller dans un supermarché, sans masque, tâter et toucher tous les fruits et légumes puis les reposer ! Nous, nous servions les clients et nous étions en plein air ! » Il est vrai, que dans ce sens, nous aurions aussi dû être servis dans un grand magasin ! Le principe du marché citadin est le moyen de commerce le plus ancien pour permettre aux paysans de vendre leurs récoltes. La campagne, autrefois en quasi autosubsistance, venait nourrir les gens des villes. Il est l’archétype de la vente directe, garant d’une production de qualité, locale, fraîche et de saison.
Marie-Jeanne Haenn, maraîchère à Colmar
Dans les années 60, les supermarchés n’existaient pas encore. Il y avait dans les villages des épiceries, puis un peu plus tard les premières « Superettes ». L’essentiel des denrées fraîches, ma mère les achetait au marché, deux fois par semaine, le samedi et le mercredi, jour de la semaine où les enfants n’avaient pas classe ! Je conserve le souvenir ému, sous les anciennes halles de Colmar, de bancs alignés sur lesquels étaient assises des petites grand-mères, toutes vêtues de noir, avec un fichu sur la tête. Certaines présentaient un seul lapin, posé sur leurs cuisses; d’autres, une vieille poule ou quelques kilos de mirabelles… On pouvait aussi acheter des poussins et des volailles bien grasses et bien vivantes… Le quai de la Poissonnerie, séparé par la Lauch du marché couvert, abritait trois poissonniers. La maison Wertz possédait plusieurs viviers, en plein Colmar ! cette époque semble révolue, mais patience ! L’histoire des marchés des villes est toujours en train de s’écrire.

La vente à la ferme et le réseau « Bienvenue à la ferme » : à la rencontre des agriculteurs

Georges et Astride Kuntz, propriétaires de « La Ferme de La Plume d’Or », à Dachstein, sont sans doute parmi les précurseurs dans la conception des magasins de producteurs. En 1986, la maman de Georges installe un point de vente dans la cave de leur habitation. Les clients ne tardent pas à venir. Un local de 20 m² est créé un peu plus tard pour satisfaire les consommateurs soucieux d’acheter un produit authentifié, authentique, saisonnier et ultra-frais. Cette ferme, non loin de Strasbourg est essentiellement céréalière. Les productions nourrissent des volailles élevées à la ferme. Oies et canards sont gavés. La tradition du foie gras d’Alsace renaît de ses cendres. La famille Kuntz diversifie ses productions. Elle propose aussi des asperges et bientôt des poulets et pommes bio. Abattues sur le site, les diverses volailles sont vendues prêtes à cuire, mais aussi transformées en pâtés, terrines, saucisses, ravioles, magret fumé, confit de canard, oie entière à rôtir, et pendant les fêtes de Noël, un mets rare et d’exception : le cou d’oie farci au foie gras : une œuvre d’art charcutière que j’attends fébrilement chaque année ! Georges et Astride s’aperçoivent vite que les clients demandent d’autres produits fermiers à acheter au même endroit. En 2010, le magasin, installé sur le site de l’exploitation agricole, est inauguré. Le principe est simple : fédérer une vingtaine de producteurs fermiers locaux et vendre leurs produits, si possible en agriculture biologique ou raisonnée. Fort de cette idée, les consommateurs trouvent sur place de la viande, des fruits et légumes, du fromage, de la bière, du vin, des conserves, des plats cuisinés. Aujourd’hui, des dizaines de magasins de producteurs poussent en Alsace, au cœur des villes, comme dans nos campagnes. (…)


Et pendant le confinement?
« Nous avons explosé !». C’est en ces termes que s’exprime spontanément Georges Kuntz. « Nous avions du mal à suivre. Notre personnel travaillait beaucoup. Certains produits, comme l’œuf, était très souvent en rupture, les fournisseurs ne produisaient pas assez vite…» Il est vrai que sur le drive de Schirmeck, 50 paniers par semaine étaient vendus, avant la covid. Au plus fort du confinement, 350 commandes étaient honorés ! un record ! « Concernant les asperges, la majorité de nos cueilleurs habituels n’ont pas eu l’autorisation de venir en France. Nous avons donc eu des Français, beaucoup en chômage partiel. Cela s’est très bien passé. Nous avons quand même perdu 25% de la récolte », conclut Georges Kuntz. Malgré les vacances d’été, les nouveaux clients dû au confinement viennent et reviennent, puis repartent les paniers remplis de produits fermiers de saison.

Le Réseau « Bienvenue à la ferme »

Fort de plus de 8000 adhérents, ce réseau regroupe des agriculteurs soucieux de vendre leurs produits à la ferme. L’accueil, la découverte, le sens du partage sont aussi inscrits dans leur cahier des charges. Certaines structures proposent des hébergements : gîtes et camping à la ferme, nuits dans des yourtes, des roulottes ou des bulles…Les fermes-auberges, hors du département du Haut-Rhin, adhérent toutes à ce réseau. Elles proposent une restauration authentique et de qualité. Avant de préparer vos vacances, pour aller rencontrer les agriculteurs de nos régions, aller visiter le site :

www.bienvenue-a-la-ferme.com

Les fermes-auberges et les auberges-fermes

Elles sont avant-gardistes et dans l’ère du temps ! Les fermiers-aubergistes sont d’abord des agriculteurs. L’auberge est un moyen de valoriser la production agricole. Ces derniers l’ont bien compris, depuis la création de l’Association des Fermes-Auberges du Haut-Rhin, car cette formule a bien été créé en Haute Alsace, puis a fait tâche d’huile dans toute la France. Une vache de réforme est vendue quelques centaines d’euros pour être valorisée en steaks hachés, vendus à prix d’or par quelques leaders de la viande industrielle. Aujourd’hui, le fermier-aubergiste transforme cette viande lui-même en viande hachée (par l’intermédiaire d’un laboratoire agréé), en pot-au-feu succulent et en fleischnakas. À l’instar du fromage qui valorise la production laitière, la plus-value est réalisée par l’agriculteur. Certaines auberges ou restaurants de montagne proposent aussi cette formule, sans toutefois adhérer à la charte régissant les fermes-auberges.


Les libres-cueillettes : redécouvrir le lien avec la terre

Vivre ses courses dans les champs avec une brouette. Voilà qui est original ! Cette formule, assez peu répandu en Alsace, possède ses charmes et ses avantages. Le fermier met son champ en production, à disposition des clients. Des petites pancartes, en bout de parcelles, indiquent le type de production et son prix au kilo un prix pour les carottes nues, un autre pour les carottes fanes. Dans les champs, des outils sont mis à disposition des maraîchers en herbe. Il n’y a plus qu’à déterrer ses carottes, cueillir les petits aubergines, déterrer des missalas. La formule est plaisante et ludique. Elle permet à des familles vivant toute l’année en ville, d’avoir la sensation de récolter ses propres légumes, presque d’être autorisées à aller à la maraude… Le lien avec la terre se tisse au gré des parcelles cultivées. On peut ne prendre que les beaux fruits mûrs, cueillir des haricots extra-frais, des petits pois ultra-frais ou des groseilles gorgées de soleil. Les prix au kilo sont intéressants, car le producteur n’a pas besoin de payer un ouvrier pour collecter sa production. Pour le consommateur, il se fournit en fruits et légumes de grande qualité, choisit la quantité et la qualité de ce qu’il paye.


En Alsace, la libre-cueillette de fraises représente la moitié de la production de la filière. Qui n’a pas déjà cueilli ses fraises en libre-cueillette ? Cela permet de ne prendre que les beaux fruits, au calibre désiré, et surtout de mettre ses mains dans la terre, de vivre un moment nature, car en nous sommeille toujours notre lointain passé de chasseur-cueilleur. Pommes, poires, framboises et autres petits fruits sont aussi proposés dans cette formule, qui semble plus courue en Allemagne et chez nos chers voisins Vosgiens.

Les salmonidés du Val d’Orbey : vente directe et produits ultra-frais !

La pisciculture Guidat est installée à Orbey depuis 1958. À cette époque, les premières voitures montaient vers les crêtes Vosgiennes, à l’assaut l’été, de la fraicheur des lacs. Avec mes parents, nous allions souvent, pour la sortie dominicale, cueillir les myrtilles du côté des Hautes-Huttes. En fin d’après-midi, mon père ne manquait jamais de s’arrêter à la pisciculture pour acheter la plus belle des truites saumonées. Impressionné, je regardais dans les bassins, les milliers de truites grouiller. Je me rappelle aussi l’époque, où chaque restaurant, chaque auberge de campagne possédait son vivier. Aujourd’hui, il n’en reste plus guère, les truites arrivent en caisse polystyrène…Et les marchés locaux, comme celui du quai de la Poissonnerie à Colmar, ne proposent plus depuis longtemps des poissons d’eau douce de la région. Leur consommation est le privilège de quelques pêcheurs passionnés. Pendant la période de confinement, la pisciculture ” La Truite de François “, n’a donc pas souffert du manque de commande de truites vivantes. Ce marché ne représente pour eux qu’un maigre pourcentage des ventes. Grâce au local d’abattage et celui de transformation, la pisciculture valorise l’essentiel de sa production de truite en rillettes, baekaoffa, soupe, et ” Soulamateï ” : le rollmops en patois welche ! Filet de truite saumonée fumé, caviar d’oeufs de truite Arc-en-Ciel en saison…


Les salmonidés du Val d’Orbey

Cette pisciculture a su développer une belle gamme de produits gourmands vendus sur le site de production, ainsi que dans de nombreux magasins de regroupement de producteurs, des AMAP et dans les concepts ” La Ruche qui dit Oui “. La fidélisation de la clientèle prend ici tout son sens. L’achat de poissons d’eau douce d’élevage à la pisciculture, vous offre la garantie de déguster un produit ultra-frais, car les poissons sont prélevés à la demande, proposés entiers ou filetés. Le plus important dans l’élevage des salmonidés est la qualité et la quantité de l’eau, sa température aussi qui, pour des ombles chevaliers ne doit pas dépasser les 12°C. (…) Membre du Réseau ” Bienvenue à la Ferme “, vous pourrez vous aussi, tels des gamins, vous émerveiller devant les bassins remplis de salmonidés…

NEMROD à Fréland : du sauvage dans l’assiette !

Un exemple innovant de valorisation des ressources cynégétiques en circuit court
« Nemrod », anciennement « Art-Boucherie », est installée à Fréland depuis 2015. (…) Le concept de Nemrod, est non seulement d’avoir la capacité de réceptionner, de stocker mais aussi de transformer les diverses viandes. Une structure adaptée, et aux dernières normes en vigueur, permet d’absorber les excédents, d’écouler la venaison locale et de lutter ainsi contre le gaspillage des ressources cynégétiques. Trois jeunes entrepreneurs se sont associés. Cinq bouchers-charcutiers-préparateurs travaillent à plein temps. Car l’ouvrage ne manque guère : il faut réceptionner les animaux (la triperie et les abats sont abandonnés en forêt); les peler (ôter la fourrure); les découper, les désosser, les conditionner, puis transformer la majeur partie de la viande en saucisses, morceaux fumés, terrines, pâtés, presskopf, rillettes, civets, et en de nombreux autres plats cuisinés, comme les fameux fleischnakas au gibier. (…)
Le début du confinement est aussi synonyme de la fermeture des restaurants, un secteur important dans notre territoire. Terre historique de venaison, les Alsaciens sont demandeurs de viandes sauvages. Les restaurateurs sont aussi grands consommateurs de gibiers, mais pendant trois mois, leurs portes étaient closes. Les ventes ont donc chutées. Par contre, le site de vente en ligne a remporté un succès inespéré. Les magasins de producteurs, AMAP et Ruche-qui-dit-Oui, ont compensé le manque à gagner. Les paniers dans les drives ont augmenté et ma foi, les clients reviennent. Les achats par les restaurateurs en période estivale restent timides, ce qui est normal, car l’été est plutôt la période des terrines, des merguez de sanglier ou des côtelettes de chevreuil au barbecue. Le temps des gigues rôties et des civets capiteux arrivera avec l’automne et ses premières châtaignes, puis avec l’hiver et ses premiers frimas. (…)

Ne tuez pas la poule aux oeufs d’or !

D’exploitants agricoles à la solde de l’Europe, dépendant des semenciers et des produits phytosanitaires et du cours du blé décidé à la bourse de Chicago, certains agriculteurs ont réfléchi. Ils sont devenus paysans-commerçants, comme autrefois.

Le fait de vendre et de valoriser ses propres productions supprime les commissions des intermédiaires. Il réduit aussi les frais de transport et le bilan carbone. Tout est donc en place pour offrir aux consommateurs une matière première de qualité pour un coût abordable. Mais ce n’est pas toujours le cas. Il m’est déjà arrivé quelques aventures désagréables. Dans un magasin de regroupement de producteurs j’achète un poulet nommé « De la Ferme ». Ce qui m’a paru évident car je ne connais pas de poulet élevé en appartement. L’appellation « De la Ferme » n’obéit à aucun cahier des charges légal. « Fermier », « Bio », « Label Rouge », « IGP d’Ancenis », « AOP Bresse », sont des labels contrôlés avec une garantie de qualité. J’ai payé mon poulet deux fois le prix d’un « Label Rouge Fermier d’Alsace » PAC ( c’est à dire prêt à cuire). Avant de poser mon poulet de la ferme dans le plat, j’ai dû jeter le cou, la tête, le foie, le gésier, les poumons et les pattes, le tout enfoui dans l’arrière-train, choses qui ne me servaient pas dans la recette de mon simple poulet rôti. Ces déchets, je les ai payés dans le prix de ma volaille achetée au kilo… J’ai installé la bête sondée à 80 °C afin de ne pas rater la cuisson. En fin de cuisson, je fus étonné de voir mon poulet baigner dans une piscine de graisse. Au moment de la découpe, la volaille s’est écroulée sur elle-même dans des effluves peu agréables. Le blanc était très blanc et sec, les os noirs, le bréchet pas formé, la chair d’un goût détestable. J’étais en présence d’un poulet fast food que j’ai à contre-cœur offert à mes chiens. Je suis allé me plaindre au magasin. On m’a répondu que ces temps-ci l’éleveur « avait eu des problèmes de bâtiments … ». Je suis allé voir l’élevage, non loin de Sundhoffen. J’ai bien vu des grands hangars mais aucune poule dehors…

Dernièrement, j’achète dans un de ces magasins-paysans, un fromage de vache frais (provenance Vosges) agrémenté d’huile d’olive et de persil. Un produit vraiment délicieux. Reporté au KG, son prix est de 48 € ! pour un fromage non affiné ! Pour ce prix, je prends un Beaufort d’Alpage de 48 mois ! J’ai vu un jambon blanc conditionné par trois tranches, bio et en promotion, à 47 € le kg ! produit traité par un industriel, sans aucune indication de la provenance du cochon. Le gigot d’agneau d’Alsace avoisinait 29 € le kg ! À ce prix, je me paye un gigot de 800 grammes des Pyrénées !
Au mois de mai, dans ce même espace de vente, je note des artichauts d’Espagne, des endives de Belgique, des avocats d’Israël, des mangues du Pérou et des radis Daïkon de Hollande. Un quart d’heure plus tard, je vois les mêmes fruits et légumes, de provenance identique, dans un Intermarché à moins de deux kilomètres de ce magasin. Et incomparablement moins chers ! Dans ce village, ce magasin remplace tout simplement les supérettes d’autrefois. Les gens achètent chers les produits des productions locales. Il faut bien aussi payer en plus, une petite part de rêve.
Paysans, ne tuez pas la poule aux œufs d’or ! Consommateurs, lisez les étiquettes !

Par Daniel Zenner
Crédit photos ©D. Zenner