Un « dartois » ? Bien des dictionnaires n’ont pas cette entrée… mais celui de l’Académie française nous dit : « Double abaisse de pâte feuilletée, garnie d’une préparation salée ou sucrée »… sans référence ! Et puis, ce n’est guère précis. Allons, il faut faire le travail d’aller voir dans des ouvrages de cuisine ou de pâtisserie.
En partant du Viandier, au 14e siècle, ou en remontant à partir d’aujourd’hui ? Ici, je propose la seconde solution, qui nous montrera quels artistes culinaires se sont livrés à cette préparation.
Rien pour Edouard Nignon, par exemple. En revanche, le Guide culinaire dit que les « allumettes sont un hors-d’œuvre que l’on peut varier, puisque « toutes les farces simples ou composées, sont susceptibles d’être employées pour sa préparation », en ajoutant que l’Allumette hors-d’œuvre est une imitation de l’Allumette petit gâteau, et qu’« elle ne doit pas être confondue avec le genre Dartois, qui comporte 2 abaisses superposées, enfermant la garniture et qui ne se détaille qu’après cuisson ». On retrouve la définition de l’Académie française.
Plus complet et plus intéressant, le livre de pâtisserie d’Emile Darenne et d’Emile Duval, en 1909, qui nous dite que les dartois sont comme des « jalousies », mais garnis de crème aux amandes. Et les jalousies ? On prépare deux bandes de pâte feuilletée de la longueur d’une plaque et d’une largeur de 10 centimètres ; on placer l’une des bandes sur la plaque, on mouille les deux côtés et les deux extrémités et l’on placer au milieu, sur toute la longueur, une légère couche de confiture d’abricots ; puis on placer la seconde bande par dessus après l’avoir pliée en deux dans la largeur et incisé la partie pliée avec le talon d’un grand couteau ; on coupe les bords, pour obtenir une tranche régulière, on chiquète de chaque côté, on dore et on cuit ; une fois la bande cuite, on l’abricote, puis on sème sur chaque bord un peu de sucre en grains. Autrement dit, la forme rectangulaire est essentielle, tout comme le feuilletage et le fourrage. Pour la garniture, on se doute que, si l’on utilise des abricots en été, on était réduit à des amandes en hiver, notamment.
Juste avant, Joseph Favre nous rappelle justement qu’il y a aussi, en cuisine, des préparations « à la Dartois », mais je propose que nous en restions au gâteau. Et là, il confond dartois et jalousies : étonnant. Urbain Dubois, également, fait état de dartois à l’abricot, à l’anglaise, aux liqueurs, mais il est également cuisinier. Pierre Lacam, qui lui est pâtissier ? Il nous dit : « Bandes en rognure, abricot dedans ; couvrir de feuilletage entier, le marquer, le dorer, et rayer en feuilles ; four chaud ; le glacer au four, couper sitôt cuit. On peut le garnir d’amandes ».
Puis rien chez Bourdon, en 1874, rien chez Jules Gouffé en 1873, rien chez Alexandre Dumas, la même année. Chez le pâtissier Bailleux, en 1856, les dartois sont absents, tandis que les jalousies sont présentes… et elles correspondent aux dartois. Puis rien chez Viard en 1806, rien chez Marin, La Varenne, L.S.R, etc.
De sorte que je propose de nous arrêter à cette conclusion provisoire, d’autant qu’il est dit que le gâteau aurait été dédié au roi Charles X, qui était comte d’Artois, né en 1757 et mors en 1836. Mais, en réalité, il ne s’agit apparemment que d’une réutilisation -indue !- du terme de « jalousie »… qui, pour en terminer, ne se trouve pas avec le sens pâtissier dans le dictionnaire de l’Académie française.
Par Hervé This