Nathalie et Benoit Fuchs, nouveaux étoilés Michelin 2013

“Pour le plaisir des sens” : Gavroche nouvel étoilé Michelin

Le téléphone sonne le lundi 18 février 2013 vers 13h au Gavroche à Strasbourg. Nathalie et Benoît Fuchs apprennent la nouvelle : ils viennent de décrocher une étoile Michelin dans le célèbre guide rouge. Ils n’en reviennent toujours pas, mais ils ont à peine le temps de réaliser que la presse régionale arrive quasi en plein service recueillir leurs impressions. Ils passeront déjà dans l’édition du soir sur les chaînes de TV et dans l’édition papier du lendemain. Eux si discrets, vont connaître la médiatisation qu’ils n’ont jamais recherchée.

Cela fait quelques années, qu’aux vues des belles critiques gastronomiques qui les gratifiaient, ils évoluaient dans la sphère des étoilés possibles. “On se disait que nous avons toujours d’excellentes notes et commentaires sur des sites comme tripadvisor” s’exclame Nathalie Fuchs. En 2013, c’est chose faite, mais le sympathique couple de restaurateur a encore du mal à y croire. “C’est une belle surprise. C’est un journal qui nous l’a appris” raconte Benoît Fuchs, “Puis le téléphone n’a pas arrêté de sonner”, commente le chef comparant la distinction à “une médaille olympique. Maintenant c’est un nouveau départ, en quelques sortes. C’est maintenant que tout commence” confie-t-il, énigmatique. “Mais, pour les prix, rien ne va changer” rassure-t-il tout de suite. “Il n’y a aucune raison.”

Nathalie Fuchs accueille les clients du jour qui accourent pour les féliciter. Hier comme aujourd’hui, elle sourit. L’adresse est discrète, presque confidentielle. “C’est le bouche-à-oreille qui a très bien fonctionné depuis toutes ces années. Mais aussi, l’article de Gilles Pudlowski en 1999″ se souvient le chef. “C’est lui qui nous a repérés et sortis de l’ombre. Il a allumé la lumière” rajoute son mari, reconnaissant, obtenant quelques années plus tard, le titre de “Révélation de l’année” dans le Pudlo Alsace.

Le Gavroche, restaurant zen au décor “japonisé”
Ce projecteur a d’abord été mis sur le 1er Gavroche, dont l’entrée est située à quelques mètres de l’adresse actuelle. C’était une ancienne crêperie de 15 couverts que le chef avait ouvert, il y a plus d’une vingtaine d’années, rencontrant parmi ses premières clientes; Nathalie, commerciale de métier, qui viendra joindre son avenir professionnel et personnel à celui du cuisinier.” J’étais conquise” se souvient-elle. “J’aime sa cuisine, sa personnalité, sa façon d’être chef”. Ensemble, ils élèvent leur Gavroche, nom évocateur d’un gamin sympathique et légèrement frondeur. “À l’époque nous ouvrions une table qui n’était ni winstub, ni gastronomique” se rappelle-t-elle. Gavroche passait pas là, sautant à contre-courant de l’ère du temps, fidèle à son idéal, personnalisant avec entrain son tempérament culinaire, faisant discrètement mais efficacement la différence.
Intimité et convivialité avec les assises en banquette
Il y a cinq ans, Nathalie et Benoit Fuchs investissent le local voisin, créent un fonds de commerce dans l’ancienne superette laissée à l’abandon depuis de nombreuses années. “Nous avons augmenté notre capacité d’accueil à 25 couverts” précise le chef, “mais pas plus, parce que nous souhaitons garder la maîtrise et la régularité de la qualité”.

L’ambiance est décontractée, sans pression apparente. Le décor japonisant, épuré est apaisant. Tables en bois d’épices, quelques banquettes pour la convivialité, des touches blanches florales murales disposées avec parcimonie et sobriété, des parois balisant l’intimité, à moins que cela ne soit cette baie vitrée, qui exceptée une douce luminosité, ne laisse rien filtrer, des mets déposés sur les tables des gourmets.


le boeuf en tournedos, tartine de truffes, légumes d’hiver
Une vingtaine de gastronome par service peuvent se prévaloir de déguster la cuisine du chef. “Une cuisine de marché, spontanée, avec des produits du moment” affirme celui qui a été formé dans de belles adresses étoilées de la région.

Le jeune strasbourgeois fit son apprentissage au Cefppa à Illkirch du temps de Jean-Louis Steffen, aujourd’hui président de la fraternelle des cuisiniers d’Alsace. Le parcours de Benoit Fuchs est déjà clairsemé d’étoiles. Celles du Buerehiesel d’Antoine Westermann (1978-80) au moment de l’obtention du second macaron. Une belle période où le chef se souvient avoir côtoyé aux fourneaux, Alain Kleinbeck et Hubert Maetz, qu’il rejoindra par circonstances au Rosenmeer à Rosheim pour lui prêter mains fortes. Puis il s’envole au Danemark à Copenhague seconder le chef Alsacien Daniel Letz, qui sera d’ailleurs “le premier chef étoilé au Danemark” relève Benoît Fuchs.


Alexis Fuchs dispose un à un les légumes
De retour en France, il fait quelques saisons à Courchevel à l’hôtel des neiges chez Régis Bulot, et à l’hostellerie de la Cheneaudière avec Jean-Paul Bossée, alors étoilé, puis il prend le large quelques mois sur un paquebot dans la baie de Miami. Son retour dans nos contrées passe par le Cerf à Marlenheim chez Michel Husser et chez Yvonne à Strasbourg, cherchant déjà à s’établir, une adresse pour s’épanouir.

De chacun de ces chefs, il a indéniablement appris. Aujourd’hui, sa cuisine est classique, inspirée du célèbre Escoffier et plus méditerranéenne l’été. “J’aime beaucoup travailler le poisson, les beaux produits évidemment. Ce qui pourrait faire la différence, sans doute, c’est de proposer une cuisine personnalisée”.


Benoit Fuchs finalise le dressage du boeuf avant l’envoi
Nathalie et Benoît Fuchs ont fait le pari de fermer le samedi et le dimanche. “La vie de famille est aussi importante pour nous que le restaurant” disent-ils en chœur, parents de 4 enfants, dont la petite dernière, cinq ans, fête son anniversaire avec le symbolique déménagement. “Mais cela fait seulement depuis 8 ans que nous avons pu faire ce choix de fermeture” reconnaît la maman hyperactive, jouant la carte de l’organisation et de la disponibilité.

En cuisine, avec le chef, il y a son fils Alexis pour le seconder, formé au Buerehiesel et au Crocodile, et regagnant rapidement le restaurant familial et la nouvelle cuisine, conçue il y a cinq ans.

“C’est ensemble que nous élaborons la carte du Gavroche” informe Benoit Fuchs, “Un travail de réflexion et d’essai qui s’effectue à trois” souligne-t-il en disposant le boeuf en tournedos, surmontée d’une tartine de truffes, accompagné de ses légumes d’hiver, disposés minutieusement, un à un, par Maxime Fuchs. Ils proviennent du marché des producteurs, place de Zurich, sur lequel Benoit Fuchs se rend tous les mercredis matins. Un trait de sauce et on envoie par la petite ouverture, qui donne sur l’arrière de l’office.

En amuse bouche; une crème de coco blanc émulsion à l’ail doux, crème caramel au fois gras, chips de betteraves et un croustillant au parmesan
La carte des mets se révèle dès l’entrée avec des nems croustillants de tourteau, des langoustines à la plancha, émulsion citronnelle, ou les belles huitres chaudes, poireau croquant et mousse de gingembre, la suite met en avant le bar de ligne cuit meunière et son jus de volaille réduit, ou encore la caille désossée, farcie au foie gras, mousseline de céleri au beurre noisette. Pour la partie sucrée, Benoit Fuchs propose la déclinaison de citron, l’entremet et son craquant coco, mousse exotique, enrobée de chocolat noir, glace combawa, ou encore l’ananas rôti à la cassonade.
Le cocktail de Saint-Jacques
Laissez-vous séduire par le carte identique midi et soir (uniquement en semaine) ou optez pour les formules à 42€ (3 plats au choix), 52€ ou 62€, dont un exemple photographié pourrait vous inspirer.

En entrée, nous avons sélectionné le cocktail de Saint-Jacques, arrosé d’un bouillon de poule de gingembre, coeur de laitue et céleri branche. “La Saint-Jacques crue est découpée en carpaccio” explique Nathalie Fuchs. “Elle tapisse le verre à cocktail, s’agrémente de céleri branche pour le croquant et de textures intermédiaires comme la laitue. On l’arrose généreusement d’un bouillon bien chaud de gingembre, qui va nous permettre à la fois de pocher la saint-jacques, mais également de diffuser les arômes subtiles”


le dos de skrei cannelloni poireau pommes de terre à l’estragon
Puis le dos de skrei rôti au four sur peau, fait son entrée, escorté de son cannelloni de poireaux et pommes de terre à l’estragon, sa crème mousseuse de curry madras.


La soupe d’agrumes, sorbet menthe fraiche
Et pour finir et se rafraichir le palais, la soupe d’agrumes parfumée à l’eau de rose et son sorbet menthe fraiche, annoncée par Laurent Pecci, arrivé à leurs côtés, depuis 3 années, en provenance tout droit des Armes de France à Ammerschwihr, où il a officié pendant 2 décennies auprès de la famille de Philippe Gaertner.

Dès aujourd’hui, promenez-vous à la Krutenau à la recherche de cette adresse qui ne saurait rester confidentielle bien longtemps. Observez cette devanture discrète, épurée, à peine révélée de ses verres teintées, sans aucun tape-à l’oeil. “Mais, il faut rester modeste” martèle le chef, déjà bien avant l’obtention du précieux macaron.

Par Sandrine Kauffer
Crédit photos ©Sandrine Kauffer

Restaurant Gavroche
4 Rue Klein 67000 Strasbourg
03 88 36 82 89
www.restaurant-gavroche.com