Michel Lang

Michel Lang: La passion du service…

Au Louis XV – Alain Ducasse à l’Hôtel de Paris, Michel Lang orchestre le service pour le plus grand bonheur de clients exigeants. A l’occasion de ses 25 ans dans l’établissement, il s’est confié aux Nouvelles Gastronomiques de la Côte d’Azur et Monaco. Retour sur un entretien exclusif…

 

Vous avez exercé dans de nombreux établissements avant le Louis XV. L’Erbprinz en Allemagne, le Gavroche en Angleterre, plus près de nous Taillevent et Lasserre. Quel a été le point commun à tous les établissements que vous avez fréquentés?

Le point commun, c’est le service, c’est mon métier, c’est le plaisir de travailler en salle et d’évoluer dans des endroits différents.
Le service est à l’identique dans les grandes maisons. Il peut certes être différent quand il s’agit d’un bistrot ou une brasserie. Mais on apporte toujours la même attention. Dans les grandes maisons, le client est le même mais l’ambiance, le lieu, la culture, et donc les attentes peuvent varier. C’est ce qui fait tout l’intérêt de l’expérience.

Peut-on dire non au client?

Non, mais il y a différentes techniques que l’on peut adopter quand la demande est irrecevable. J’aime bien marquer avec le sourire un petit temps d’arrêt, une certaine stupéfaction, avec humour. On essaye de faire au mieux, de toute manière.

Vous célébrez cette année vos 25 ans au Louis XV. Qu’est ce qui explique cette longévité?

Plusieurs choses. C’est Monaco, l’Hôtel de Paris, le Louis XV. On a ce regard à la salle, à la beauté du lieu. Ensuite il y a eu le Chef, bien sûr, sa cuisine méditerranéenne. Quand je suis arrivé, Alain Ducasse était encore au passe en cuisine, c’était une découverte impressionnante de voir le silence qui pouvait régner, avec la rigueur et le professionnalisme qui opèrent toujours. Enfin, la région est agréable à vivre, mer, montagne, un ensemble de choses qui fait que les années passent sans qu’on les voie passer.

Qu’est ce qui a le plus changé en 25 ans?

Auparavant, les clients étaient plus proches, les tablées plus festives. Aujourd’hui, ils sont de plus en plus pressés, et les services se terminent plus tôt. On ne prend pas suffisamment le temps de profiter de l’endroit et de l’instant. Cependant on retrouve peu à peu des tablées plus nombreuses, après une période où les gens venaient dîner souvent à deux. On conserve les traditions d’un service à la française, avec l’humanité et une chaleur nécessaires à la convivialité d’un repas, tout en gardant le côté professionnel.

Que pensez-vous du service au guéridon?

Le service au guéridon et à la voiture de tranche font que le client se dit « tiens, on fait quelque chose juste pour moi ». Il se sent privilégié. Une pièce de bœuf qui arrive en salle déjà tranchée présente peu d’intérêt. Cette compétence s’acquiert plutôt avec la pratique et l’expérience, sur le tas.

Comment gérez-vous les rapports entre cuisine et salle?

A la salle de ne pas exagérer, d’anticiper certaines demandes. Le Chef doit être réactif et j’ai plaisir à dire que c’est le cas ici. Dominique Lory a coutume de dire « si cela fait plaisir au client et que l’on peut le faire, on le fait ». Il est conscient de ces demandes. Il ne faut pas tout faire, mais changer une garniture ou de proposer autre chose, font partie du service que l’on doit.

Quelles sont les qualités d’un bon directeur de salle?

Montrer l’exemple, aimer son métier, avoir plaisir à le faire. Quand je passe moi-même l’aspirateur en salle, je peux aussi le demander au commis, ou au chef de rang. Le bon exemple est contagieux.

Quel est l’importance du plongeur?

On est très méticuleux. Il n’y a pas une petite tache qui doit apparaitre sur un verre ou des couverts. Le rôle primordial du plongeur est de faire le gros du nettoyage avec conscience. Après, on vérifie, on passe au vinaigre si nécessaire pour les petits détails. Au préalable, si le travail est fait dans de bonnes conditions et dans un ordre établi, c’est plus facile pour tout le monde. Après le Chef de cuisine et le Chef pâtissier, lors des visites en cuisine, j’insiste beaucoup à présenter les plongeurs qui sont là. C’est un ensemble, une équipe.

Quels conseils auriez-vous pour les jeunes qui se destinent à ce métier?

Si on se lance dans cette profession, les opportunités de carrière, de travail et de voyage sont innombrables. On peut avoir toutes sortes d’horaires, trouver l’endroit qui convient le mieux pour être en accord avec sa vie privée. Cela dit, il faut avoir du courage et de la volonté. Se lever des bancs de l’école et accepter de rester debout 10 à 12 heures par jour à marcher entre les tables et la cuisine. Les premiers maux sont plutôt physiques. Ensuite, il faut simplement aimer ce que l’on fait comme c’est le cas dans la plupart des métiers.

Y-a-t-il des facettes très différentes dans le métier de maître d’hôtel?

Il y a de tout. Des établissements existent où le métier n’est pas classique. J’ai fait une saison à Saint Tropez, j’étais jeune, je suis arrivé avec le costume et le nœud papillon noir, enfin, le maître d’hôtel… Le patron m’a dit « ça ne va pas du tout, votre tenue ». On m’a habillé différemment mais malgré cela, je n’ai pas su. J’étais formaté dans un savoir-faire mais à Saint-Tropez, dans l’attitude, il fallait être plus dans la fête, la communication, la décontraction, même si les bases sont les mêmes. Je me le dis encore aujourd’hui quand j’y repense. Je n’ai compris qu’après ce qu’on attendait de moi, même si j’ai fait ce que j’ai pu!

Comment définiriez-vous la classe dans le service?

Le plus beau cadeau que l’on peut faire au client, c’est de ne pas lui faire voir que l’on a fait quelque chose pour lui. Si on a bordé ses initiales sur une serviette, il s’en apercevra au mieux quand il la déroulera. Il y a l’effet de surprise dans l’attention qu’on lui porte. La classe est dans l’élégance, la discrétion et l’humilité.

Quels sont vos projets?

Réussir la prochaine saison et bien préparer dans les meilleures conditions possibles la réouverture du Louis XV dans son espace originel.

Vous devez avoir vécu nombre de situation parfois cocasses!

En novembre 2012, lors des 25 ans du Louis XV, les prévisions du nombre d’invités au dîner de gala sont passées successivement de 300 à 350, puis à 420 couverts. C’est finalement 414 couverts que l’on a servis, en ouvrant la terrasse, la salle Empire, le Louis XV. Comme il n’était pas question de faire un seul gâteau d’anniversaire pour tous ces convives, on a réalisé une pièce montée par table avec, au-dessus, une véritable « cerise sur le gâteau » !

En 2013, pour les 150 ans de la Société des Bains de Mer, Alain Ducasse a orchestré un gigantesque pique-nique sur la place du Casino. Des paniers devaient être distribués aux convives, avec notamment des gamberoni, servis sur de la gelée de poisson de roche qui devait rester sous forme solide. On était début juillet. Comme il fallait stocker 600 paniers, on a mobilisé une aile du Casino comme chambre froide, à 6-7 degrés.
Juste avant l’arrivée du couple princier, le personnel de service est parti dans la chambre froide pour en ressortir avec les paniers à distribuer. Or cette arrivée fut malencontreusement retardée de 30 minutes. Les serveurs se souviennent encore de cette demi-heure passée au frais!

Le Louis XV d’Alain Ducasse à l’Hôtel de Paris

Chef des cuisines: Dominique Lory
Chef sommelier: Noël Bajor
Directeur de salle: Michel Lang

Actuellement, le menu déjeuner Riviera, choix parmi deux entrées, deux plats, une sélection de fromages et de desserts avec toujours en filigrane l’exactitude et la précision des goûts.

 

Place du Casino
MC 98000
Principauté de Monaco
Tél. +377 98 06 88 64
http://www.alain-ducasse.com/fr/restaurant/le-louis-xv-–-alain-ducasse