“A peine le Premier Ministre avait fini son allocution que le téléphone se mit à sonner pour des réservations dès mardi”, explique ce restaurateur. “Nous avons du répondre que c’était impossible, mais les clients ne comprenaient pas. Cela fait des mois qu’on se plaint d’être fermés et quand on peut ouvrir on se plaint de ne pas être prêts. Il faut prendre le temps de la pédagogie et leur expliquer les coulisses et les contraintes de notre métier dans cette situation exceptionnelle. Il y a le protocole à découvrir remis par l’Umih, l’adapter à notre établissement, l’expliquer et former nos équipes, nettoyer et remettre en marche tout l’établissement parfois à l’arrêt complet depuis 3 mois, acheter des équipements en nombre (masques, gel, plexis), contacter les fournisseurs pour commander la marchandise, attendre la livraison et espérer la disponibilité, faire une mise en place, ouvrir les réservations, réorganiser les salles en supprimant des tables. La liste est longue pour bien faire un week-end avec le lundi de Pentocôte férié, statistiquement rares sont les établissements qui pourront ouvrir le 2”, conclut-il.
Les stratégies sont diverses et personnalisées en fonction du type d’établissement. Entre l’hôtel-restaurant spa qui doit assurer de multiples réajustements et le restaurant gastronomique, les impératifs sont disproportionnés. Entre ceux qui étaient en activité drive et à emporter avec un carnet de commandes rempli jusqu’à la fête de mères et ceux qui étaient restés fermés, confinés; la reprise diffère aussi.
Le mot d’ordre des professionnels de la restauration est d’ouvrir en toute sécurité, partagés entre divers sentiments : impatience et appréhension, réflexion et mise en place de nouvelles stratégies. Mais pour tous, un changement s’est déjà opéré, positivement, observant et saluant une relation renforcée avec leurs clients, qui prenaient de leur nouvelle, leur envoyaient des mails et leur ont assuré de leur soutien à l’ouverture.
“Ça fait chaud au cœur”, ” c’est réconfortant”, disent-ils. “Nous étions là les uns pour les autres”, “C’est une épreuve de vie surmontée ensemble”. Il y aura sans doute une pure et belle émotion dans chaque établissement lors du premier service.
Témoignages en région; L’Alsace
Le soutien aux producteurs est un engagement fort de solidarité et de responsabilité
“Nous ne pourrons pas rouvrir en 3 jours c’est une hérésie”, s’exclame Olivier Nasti, dont le carnet de commandes pour le drive, son food’truck et le “Chambard à Domicile” est encore plein pour une quinzaine de jours. “Nous allons aussi lancer des “sangliers à la broches” avec les vignerons”, annonce Olivier Nasti.
” Pour la fête des mères, nous allons limiter à 100 menus au drive, pour accueillir aussi nos clients en salle. La winstub va réduire de 6 tables, et renforcer son identité culinaire en proposant que des produits de la vallée de Kaysersberg dans un rayonnement de 30 km. Je vais poursuivre ce que j’ai initié avec les producteurs de proximité. C’est un engagement fort qui correspond à ce mouvement de solidarité et de responsabilité, devenu une urgence et une évidence. La carte des gibiers sera réduite et les plats seront affichés sur une ardoise.
A la table d’Olivier Nasti, il y aura 2 menus (dégustation en 10 plats et Histoire en 7 plats) et plus de carte.
La Maison Kieny ; une nouvelle proximité avec les clients
“Nous ouvrirons dès vendredi soir le 5 juin”, précise Mariella Kieny, de la Maison Kieny à Riedisheim. “Nous avons des commandes traiteur jusqu’à la fête des mères et nous bloquons les commandes pour également accueillir les clients en salle”, se réjouit-elle.
“Chez nous pas de plexis, les tables sont assez espacées, j’en ai retiré quelques-unes et nous disposons également d’une salle à l’étage, habituellement réservée au banquet. Nous avons toute la place nécessaire”.
“Je suis positive mais aussi anxieuse”, confie-t-elle, “anxieuse de bien faire et de bien recevoir. J’ai hâte de retrouver les clients, et je mesure qu’il faut en retirer quelque chose de positif lors de cette expérience”, mentionne Mariella Kieny. “Quand nous avons organisé la vente à emporter, nous avons rendu nos prix plus accessibles et une nouvelle clientèle est venue découvrir notre maison. Par ailleurs, j’ai répondu présente à l’appel de la mairie qui recherchait des bénévoles pour faire les courses à des personnes âgées du quartier. Prendre le temps pour les autres m’a fait un bien fou ! Nous allons aussi garder à l’esprit des souvenirs positifs, de la solidarité et plus d’humanité. Certains pensaient connaitre Mme Kieny, ils ont rencontré Mariella”.