Le voyage gastronomique débute au Mexique, qui va accueillir la première édition du guide Michelin. La gastronomie mexicaine, classée au patrimoine mondiale et immatériel de l’humanité par l’UNESCO depuis 2010, va rejoindre la galaxie des tables étoilées. Son patrimoine représente un modèle culturel complet grâce à ses techniques culinaires, ses pratiques agricoles et ses coutumes communautaires ancestrales, mettent en exergue l’agave, la téquila et le mezcal, sans mettre en péril le gin et la vodka indéboulonnables, dans la créative culinaire.
Plus au nord, un vent glacial souffle depuis les pays scandinaves. L’aquavit « l’eau de vie » nordique, tire également son épingle du jeu, sublimée sur la scène du concours du Bocuse d’or Europe.
Cuisine mexicaine et spiritueux
Le Mexique est sous les feux des projecteurs sur la scène internationale avec l’arrivée du guide Michelin et The World’s Best 50 Restaurants a récompensé Elena Reygadas, cheffe du restaurant Rosetta à Mexico du titre de «meilleure cuisinière au monde 2023 »
En France depuis 2015, le festival Qué Gusto met à l’honneur la gastronomie mexicaine, le premier chef mexicain, Enrique Casarrubias, décroche une étoile Michelin à Oxto à Paris, tandis que les taquerias ont le vent en poupe, ambiançant les palais initiés.
Anahuacalli, Candelaria, Azteca ou encore Coretta de Beatriz Gonzalez, propriétaire aussi du restaurant NEVA, et de Taco Mesa, ouverte en 2023. Formée à l’institut Paul Bocuse, chez Pierre Orsi et chez Senderens, elle cuisine dans les règles de l’art, un « real guacamole », un tacos cochonita au cochon confit, des nachos et burritos. Pour ses tortillas, Béatriz a souhaité que la nixtamalisation du maïs (technique ancestrale mésoaméricaine de préparation du maïs) soit faite sur place, comme au Mexique. Côté boisson, Taco Mesa propose à la carte faisant la part belle à la margarita, la tequila et le mezcal.
En 2023, Mercedes Ahumada a ouvert Chicahulaco, une table culturelle mexicaine, spécialisée en cuisine régionale. « C’est mon défi » souligne la cheffe, originaire du village Chicahulaco. Elle s’évertue à transmettre et partager plus qu’une cuisine, mais une véritable culture, un patrimoine ancestral reposant sur deux éléments fondamentaux ; le maïs et l’agave. « Je cuisine le maïs dans tous mes plats. Au Mexique, c’est notre blé, nous en faisons notre pain ». Il se décline en beignets de plantain et maïs, masa de maïs fermenté, en tortillas de nixtamal, en tortilla soufflée de maïs, ou encore version sucrée, en papillote de maïs au chocolat. « L’agave, quant à elle, est une plante mexicaine grasse, riche de 200 espèces endémiques. L’agave bleu (dit Tequilana Webber) sert à préparer la tequila et les autres variétés sont dédiées au mezcal, et pour confectionner des vêtements et des outils », précise-t-elle. «J’utilise l’Agua-miel fermenté – pulqué- pour les cocktails, ou ma brioche mexicaine. Le pulqué remplace l’eau ou le lait, apportant une texture et le goût. Cette brioche devient rituelle lors de la fête des morts, « Dia de la Muertos », la plus importante de nos fêtes. Elle symbolise la mort du maïs, qui se transforme en semence et en céréale ». Son dessert signature est la « Maria Magdalena » une tête de mort en chocolat, qu’elle suggère avec un Herradura Tequila AÑEJO 100% de Agave.
« Les crânes sont l’expression de la renaissance. Maria Magdalena représente la vie après la mort, rappelant que la mort fait partie intégrante du cycle de la vie ». Philippe Huttepain son mari, officie en salle et déroule des accords avec des spiritueux mexicains. La carte inscrit 40 Mezcals et 40 téquilas. Il propose d’associer le Tamal barbon, Gamba, huatape avec Mezcal joven Artesanal. Espadin, et Sa Kúrhaunda (poitrine de porc, salsa tomatillos) avec une Tequila 100% Agave Codigo 1530 reposado. « Les arômes de l’agave, du mezcal et de la tequila avoisinent ceux de la patate douce en compotée, légèrement confite et grillée », précise la cheffe. « Nos clients sont étonnés des accords avec des spiritueux mais au Mexique c’est culturel.
« Nous sommes dans l’ère de la Tequila et du mezcal »
David Palanque, Meilleur Ouvrier de France Barman 2019 et Chef Barman du Harry’s Bar à Cannes, témoigne de son récent voyage au Mexique, où des repas en accord avec spiritueux, ont été proposés de l’entrée au dessert. « Les cocktails étaient à base de Téquila, tomates, épices et herbes étaient servis dans des verres à vin et des flûtes », a-t-il relevé. « Le Mezcal apportait ce côté fumé très agréable et se mariait bien avec le poisson ou la viande. La tequila n’a cessé de prendre de l’ampleur. A chaque spiritueux son époque », souligne David Palanque, « et nous sommes, bel et bien, dans l’ère de la tequila et du mezcal ! C’était une expérience très intéressante », reconnait-il. Pourtant l’expert confie préférer déguster un cocktail hors des repas à l’apéritif par exemple, pour le siroter sans se presser. « Le cocktail doit être bu dans un temps précis, sinon il se détériore et se réchauffe. Le rythme d’un repas complet en accord avec des cocktails, peut s’avérer difficile à appréhender pour des non-initiés ».
Des cocktails gastronomiques nutritifs
Au Harry’s bar, il n’y a pas de restaurant pour réaliser des accords mets/ cocktails, mais proposer un cocktail « gastronomique», peut très bien servir de boisson apéritive. Le Bloody Mary, par exemple est un cocktail nutritif, qui conjugue de manière équilibrée la vodka, le jus de tomate et des épices. Mythique, il se revisite, victime d’une créativité sans limite. Albert Sastregener, le chef du restaurant Bo-Tic, 2 étoiles Michelin en Espagne, le ritualise en cocktail de bienvenue, plongeant dans le verre une boule de tomate congelée, puis une préparation composée de vodka, d’eau de tomate sauce Perrins et de tabasco. Il finalise avec une mousse et poudre de céleri. Préparé en salle, devant le client, une vidéo a atteint 1,7 millions de vues, attestant du succès intemporel et international du fameux le Bloody Mary
La video du cocktail a atteint 1,7 millions de vue sur Instagram ©Nouvelles gastronomiques
A Cannes, David Palanque élabore des recettes s’appuyant sur le système de « Fat Wash ». Le principe est d’associer l’alcool à un corps gras, exhausteur de saveurs. Placé au congélateur, le corps gras remonte en surface et libère ses arômes, qui sont conservés. Le Meilleur Ouvrier de France élabore un cocktail à base de vodka agrémenté d’une huile d’olive provençale, de citron de Menton et du poivre. Le process « Fat Wash » ouvre le champ des possibles créatifs. Cependant, David Palanque se remémore, le cocktail « Bullshot », à base de consommé de bœuf, qui a fait succès, jusqu’à la crise de la vache folle. « J’aimerais bien le remettre au goût du jour », souffle David Palanque. Sur les réseaux, les créations les plus folles interpellent. Le sazerac est infusé à la graisse de canard et l’Old Fashioned Benton, mentionne un bacon infusé !
Le gin est un condiment culinaire
« Le tournedos de chevreuil et langouste marinée au gin pendant 24 heures » est un plat signature de Thierry Longo, Maitre Cuisiner de France, au grand hôtel de Gérardmer. «La langoustine marine dans le gin, encore vivante, pour bien absorber tous les arômes du gin », explique Thierry Longo. « Le gin est très à la mode », souligne le chef qui en a déjà dégusté une cinquantaine. « Certaines sont étonnantes comme celle à la fraise tagada », sourit-il. « Il y a des gins pour tous les goûts, mais j’estime que le gin doit sentir le genièvre. Je recherche ce côté herbacé, caractérisé. Il y a un vrai intérêt gustatif dans la recette apportant de l’amertume, de la douceur, de la fraîcheur. La cuisine libère le taux d’alcool et n’en demeurent que les aromes ».
Version sucrée, le gin tient toutes ses promesses dans sa tartelette au pamplemousse rose et gin. Sur un fond de tarte sablée reconstituée, sont déposés le crémeux au gin, les segments de pamplemousse confits, le pamplemousse frais, des billes de gin et espuma au gin. « J’ai réduit le gin quasiment à glace, presque en confiture, concentrant le goût. Pour les sphérifications, je fais flamber le gin avant, pour évacuer les excès d’alcool. Alors il y a une belle harmonie fusionnelle entre le pamplemousse et le gin. Difficile de départager celui qui dégage de l’acidité ou de l’amerture !
Aquavit eaux de vie arctique.
Lors du Bocuse d’or Europe à Trondheim (Norvège) en mars 2024, 20 candidats ont préparé du renne et du skrei, devant incorporer à leurs recettes l’aquavit. Ce spiritueux s’obtient à partir de céréales (95% de blé) et de pommes de terre (5%), additionnées de plantes aromatiques comme l’anis, le cari, le cumin, le fenouil, la coriandre ou encore l’aneth.
Sur l’avenue des Champs Élysées à Paris, la brasserie Flora Danica se niche dans la Maison du Danemark. On y déguste le célèbre saumon Gilbert Becaud, du Skyr, des œufs de truite, du caviar, des plateaux de Norvège ou encore le filet de turbot en marinière sauce aquavit. Selon les mets commandés, le sommelier pourrait conseiller un accord avec l’aquavit, la fameuse eau-de-vie nordique, à l’instar de l’Aalborg Taffel parfumée au cumin des prés et agrumes, l’Aalborg jubilæums à l’anis/coriandre et citron, l’Aalbog Nordguld aux épices /fenouil et ambre, ou encore l’Akevitt aux fruits rouges /épices et angostura. Les cocktails, aux doux noms évocateurs, apportent un vent de fraicheur. L’emblématique « FLORA DANICA » est une savante recette d’Aquavit Aalborg Taffel, de liqueur Triple Fleurs Baccae, de sirop de fleurs de sureau, de jus de citron frais, de concombre et de menthe fraîche. Il y en a pour tous les goûts, toutes les saveurs, toutes les humeurs et à toutes heures !
Par Sandrine Kauffer