L’Ecluse16 à Altwiller “naturelle et intemporelle”

Dans la dernière édition du guide Pudlo Alsace 2013, Jean-Yves Leroux, chef de L’Ecluse 16 à Altwiller a obtenu le trophée du meilleur rapport qualité-prix. Nous y étions cet été. Découvrir le menu photographié. En 2002, Carole et Jean-Yves Leroux se sont installés à l’Ecluse 16, en Alsace Bossue, à quelques encablures de Sarre-Union, un ancien relai de halage, transformé en bistrot, puis en restaurant gastronomique, avec la reprise d’un duo dynamique.

Adressée à Altwiller, l’auberge de l’Ecluse 16 demeure au bord du canal des Houillères de la Sarre, sur le lieu dit de Belle-fontaine, un lieu sacré, déconnecté au sens propre comme au sens figuré, où même les GPS peinent à s’y retrouver.

Non seulement la table vaut le détour, mais elle se déniche après plusieurs kilomètres de sentiers forestiers, de routes semblant désertées, pour apparaitre, superbe d’authenticité, au détour d’un petit pont, idylliquement plantée au bord de l’eau. Paisible et accueillante.

L’endroit est à la nature, les berges, la forêt, le chant des oiseaux, le canal et sa surface d’eau miroité invitent à la pensée vagabonde. L’idée, pour en profiter et bénéficier de tous les charmes et bienfaits de la maisonnée de briques rouges, est d’arriver bien avance, pour se balader, rêvasser, admirer ses hirondelles qui volent au ras de l’eau et espérer voir surgir une biche ou un chevreuil à tout instant. Il règne un calme incroyable et bienfaisant. Il y a dix ans à peine, des plaisanciers faisaient escale pour déjeuner. Ce temps est malheureusement révolu.

L’Ecluse 16 est au bord du canal sur le lieu dit de Belle-fontaine
Aussi discrets et réservés que leur mystérieuse adresse, Carole et Jean-Yves Leroux accueillent tout en retenue, avec délicatesse, narrant les circonstances de leur arrivée improbable, audacieuse, mais ô combien réussie dans ce lieu historique et féérique.

Le chef breton, est natif de la Roche-Bernard dans le Morbihan. Passé par le Manoir de Lan Kerellecle Cardinal à Sauzon, son parcours est marqué par sa rencontre avec l’alsacienne Carole, originaire de Drulingen, élève du lycée hôtelier d’Illkirch, en stage au Grand Hôtel Barrière de Dinard. C’est ensemble qu’ils rentrent en Alsace et Jean-Yves Leroux fait ses armes régionales chez Hubert Maetz au Rosenmeer à Rosheim. “Je me souviens qu’à mon arrivée il y avait 19 cm de neige”, sourit le chef nostalgique, “C’était le choc ! “

Carole et Jean-Yves Leroux
La cuisine d’Hubert Maetz m’a inspirée” ” dit-il après y être resté trois années (1996-99). Les fleurs et les plantes sauvages apparaissent avec subtilité sur la carte d’été, jouant de la fleur de thym, du romarin, de la reine des prés, sublimant un caramel d’orties, une pousse d’épicéa, ou conjuguant l’aspérule odorante…

C’est chez le président des Etoiles d’Alsace, qu’il fera la connaissance de Clément Fleck, chef de l’Escale aux Quais, le retrouvant quelques années plus tard pour l’ouverture de l’Ecrin des Saveurs à Strasbourg-La Meinau en 1999, décrochant alors sa première place de chef. Deux années suffiront pour nourrir son envie de s’installer, aussi importante que le souhait de Carole Leroux, de revenir sur ses terres d’enfance.
“Nous avons eu un coup de foudre pour l’Ecluse16. Tout s’est passé tellement vite, en deux mois, nous avions signé et ouvert le restaurant” racontent-ils en choeur. “Nos amis nous ont dit que nous étions fous” sourit le chef “mais le bouche à oreille a formidablement fonctionné ! “


Les travaux d’embellissement de la salle viennent de s’achever
Le printemps 2012 voir éclore un nouveau restaurant.

Jadis, Il y a 100 ans, l’écluse faisait office d’abri de guerre et de relai de halage pour les chevaux, avant de devenir un bistrot organisateur de guinguettes dans les années 70. D’importants travaux viennent de s’achever, il y a quelques semaines. Exit la salle de bistrot et son bar reconvertis aujourd’hui en salle de banquet.

L’Ecluse 16 vient d’accomplir sa transformation, insufflant avec grâce et parcimonie une décoration contemporaine et cosy.” Nous souhaitions une salle “naturelle” et “intemporelle” précise le chef, qui a choisi les matériaux avec soin. “C’est une salle intimiste” poursuit-il avec une disposition de panneaux boisés; observant ce mur végétal, lumineux, agrémenté de plantes grasses. Aux murs, s’irisent discrètement des tableaux éclairés à la douceur des leds, remplaçant les sempiternelles bougies sur table.

Des parois boisés pour créer de l’intimité
45 couverts prennent place à la carte alors que 80 peuvent s’organiser en banquet. Et pourtant le noyau dur de la brigade se restreint à 3 personnes + un apprenti. Ce sont les stagiaires et les extras qui renforcent les temps forts de la saison. “Ce n’est pas évident d’accueillir des jeunes en formation” raconte Carole. “Ils sont perdus, il n’y a pas de réseau téléphonique, mais l’ambiance familiale de la maison leur permet de s’y sentir bien.”

Carole Leroux est diplômée d’un bac général (ex A2 lettres et langues) obtenu au lycée de Saverne, avant de s’inscrire à l’université, en DEUG d’anglais, en attendant d’être acceptée au Lycée hôtelier. “Il y avait des listes d’attente” se souvient-elle. décrochant son BTS. De retour de son stage au Grand Hôtel Barrière de Dinard, elle passe par le Château de l’Ill à Ostwald fait un petit détour par la Suisse, puis obtient un poste à la réception à l’Holliday Inn à Strasbourg et au Régent Petite-France. En 2000, elle devient responsable commercial à l’hotel résidence Jean-Sébastien Bach à Strasbourg, dans le quartier chic de l’orangerie. Formée en accueil et réception, Carole Leroux prend rapidement et seule la salle en charge dès l’ouverture de l’Ecluse 16. “Au début nous n’étions que deux, il fallait bien que je m’y mette” devenant l’alter égo du chef cuisinier.


Des tables avec vue sur la foret et le canal
“Dans la région parler d’un restaurant gastronomique effraye” reconnait Jean-Yves Leroux. “Je fais une bonne cuisine actuelle.”
Depuis 6 ans la table affiche un big gourmand, jolie distinction du Guide Michelin, pour l’excellent rapport qualité/prix. La carte évolue tous les mois, sans perdre la quintessence de la personnalité culinaire du chef, qui se retrouve par touche dans chaque nouvelle recette. Travaillant avec des producteurs locaux, le chef cite volontiers quelques-unes de ses bonnes adresses; si la sélection de fromages vient de chez René Tourette à Strasbourg, les escargots de chez Dintinger à Hirschland, l’omble chevalier et la truite chez Michel Kircher de la Pisciculture de Sparsbach, on découvre la Corbeille Lorraine à Montdidier, chez Régis Kriegel, qui propose de bonnes confitures et gelées avec des fruits issus de son verger. Le saviez-vous ? Régis Kriegel est Consul de la mirabelle, une confrérie gastronomique qui défend la mirabelle de Lorraine.


En amuse bouche, le chef propose un panacotta de lard fumé, coulis de poivrons et une chouquette romarin-jambon
la tartelette de légumes cuits, crus, confits, jambon sec de nos voisins lorrains
Pour débuter, la tartelette de légumes cuits, crus, confits, jambon sec de nos voisins lorrains, saura à la fois rafraichir le palais de saveurs croquantes et parfumés du jardin (situé derrière l’écluse). La farandole de courgette jaune, patisson vert, courgette ronde, carotte, artichaut, tomate, fenouil, déposés tout en rondeur sur un lit de caviar d’aubergines et son sablé salé, mettent d’ores et déjà l’eau à la bouche. Mais, le choix fut cornélien entre le foie gras de canard et son caramel d’orties, pickles de cerises, l’oeuf de poule mariné basilic parmesan et son tartare de courgettes et boeuf séché qui nous faisait du pied, à moins de se laisser tenter par le chèvre frais, crumble noisette, fleur de thym et son beignet de tomate.
omble chevalier des Vosges du Nord et ses girolles, capuccino de champignons épicéa et citron vert
Pour le plat de résistance, deux poissons et deux viandes font la part belle aux produits de saison et de proximité.

Quid de cet omble chevalier des Vosges du Nord et ses girolles cueillis par le chef, sublimé par le capuccino de champignons épicéa et citron vert ?
Mais la timbale de macaronis, ses queues de langoustines poêlées, olives noires et reine des pré invite à la dégustation, ce qui n’empêche en rien, d’y rajouter pour suivre, le fondant de veau, espuma de courgettes grillées basilic ou la pièce de boeuf lorraine, pommes de terre nouvelles et stick de nem au foie gras. Rien que ça !


vacherin glacé été 2012, vanille-myrtilles, meringue et chantilly
Les entremets arrivent à point nommé avec ce vacherin glacé été 2012, vanille-myrtilles, meringue et chantilly, écume de noisette. On admire sa belle technicité, qui succède au vacherin abricot pêche de l’été 2001 avec sa meringue extra fine et sa chantilly végétale à la verveine. L’intitulé jeune pousse au chocolat intrigue, le gaspacho pêche mousse givrée verveine, avec ses éclats de nougats et ses dragés font bien saliver, mais les beignets chocolat aspérule odorante et sa mousse de framboise éphémère est une incitation flagrante à la gourmandise. Rien n’empêche d’achever le repas par une légère note sucrée, déclinée en glaces ou sorbets de la ferme du Limon à Bust, de Mireille SINS, où les parfums de vanille, spéculos et pistache, framboise et aspérule vous givrent de saveurs exquises.
riz au lait caramel de carambar et sa tuile au chocolat
La touche finale est posée avec le riz au lait caramel de carambar et sa tuile au chocolat. Tous ces jolis mets s’organisent en menu trois plats à 30€ ou deux plats à 25€, à mois d’opter pour le menu de la maison bien nommé “L’écluse 16” servi à l’ensemble des convives et proposé à 45€.

Le charme des lieux, la gentillesse des prix n’ont d’égal que la qualité des mets préparés et la sympathie des hôtes de la demeure, qui invitent, sans réfléchir, à y revenir et s’y attarder.

Par Sandrine Kauffer
Crédit photos ©sandrine kauffer

L’Ecluse 16
lieu-dit Bonne-Fontaine
67260 Altwiller