À Vieux-Ferrette, Bernard Antony a déployé son activé, dans la maison familiale, qui l’a vu naître en 1943. Il fut d’abord un marchand, parcourant la campagne en camion et ravitaillant en beurre, sucre, café et vêtements, les villages les plus isolés. Tel un cercle vertueux, construit sur le socle du premier métier exercé par Bernard Antony, alors épicier ambulant, la fromagerie cultive la relation de proximité avec ses clients et avec ses producteurs.
“Aujourd’hui, en plus de la boutique, nous poursuivons cette tradition avec trois marchés par semaine qui se tiennent à Riedisheim, Huningue et Altkirch », mentionne Jean-François Antony, son fils qui a repris l’affaire familiale. « Nous avons à cœur de préserver cette relation, l’humain est au cœur de nos métiers », rajoute-t-il. À Vieux-Ferrette, région transfrontalière, nous rayonnons à 360°, mais notre clientèle de cœur est résolument alsacienne.
Parmi les 70 producteurs de fromages, il y a quelques coups de cœur en dehors des frontières
«J’ai découvert récemment une Tête de Moine exceptionnelle. Ce fromage suisse de la région des Franches-Montagnes est fabriqué à une trentaine de kilomètres de mon village. La dernière nouveauté est un fromage de brebis s’inspirant de la recette du munster « Igaitxipia », fabriqué par Émilie Magrez, une Alsacienne qui s’est établie à Roquemaure. Dénicher des nouveautés me passionne. La micro- production de Geister (munster de chèvre) est une innovation dans le domaine de la tradition.
C’est une originalité ancrée dans le territoire. Mais notre best-seller est le Comté qui a toujours une place de choix sur le plateau de fromages. Je me rends deux fois par an en Franche-Comté pour choisir les meules et suivre leur évolution. Dès que j’en ai l’occasion, je visite mes producteurs. La relation est authentique, humaine, respectueuse et de confiance. » De l’excellence de leur travail fermier ou artisanal dépend l’évolution des fromages. L’art de l’affinage révèle l’âme d’un fromage et protège les traditions fromagères. Chez Antony, la première cave d’affinage est née en 1983. Aujourd’hui, il y en a six qui ont chacune leur particularité.
« Les fromages de chèvre sont fragiles. On les installe dans une cave plus fraîche aux alentours des 6°C avec une hygrométrie peu élevée pour une évolution tout en douceur », explique Jean-François Antony.
Dans la cave à croûte fleurie, règne le penicillium camemberti, un champignon blanc qui confère une « fleur » caractéristique. Les murs en briques apportent la régulation de l’humidité et le maintien adéquat de la flore. Dans la cave à pâte molle, maturent différentes familles de fromages, à croûtes naturelles et lavées. Chacune contribue à l’atmosphère du lieu, créant une symbiose atypique. La cave à tommes, rassemble toute la France des montagnes de « pâtes pressées demi-cuites ». Les fromages placés dans la cave voûtée à pâte molle nécessitent beaucoup de soins. Des lavages réguliers à l’eau, permettent aux fermentations propres à cette famille, de révéler leur personnalité. Enfin, dans la cave voûtée à pâte pressée, se termine le lent affinage commencé dans les régions de production. Ces fromages nécessitent pour certains, plusieurs années de maturation et de soins.
Et pour tout conseil de dégustation, Jean-François assure qu’il faut faire confiance au professionnel et se laisser guider, car chaque jour, la nature offre des fromages au mieux de leur forme, prêts à être consommés. La dégustation est un art, qui mobilise tous les sens, afin de comprendre ce qui rend unique le travail des producteurs et des éleveurs, pour percer les secrets de cette alchimie, qu’est l’affinage.