Bavarois

Bavarois ou bavaroise ?

Quand il s’agit de cuisine, les dictionnaires sont hélas souvent bien insuffisants, et je viens d’en avoir une nouvelle preuve quand j’ai cherché la différence entre « un bavarois » et « une bavaroise » dans le pourtant très remarquable « Centre national de ressources textuelles et lexicales » (CNRTL), que l’on trouve merveilleusement en ligne.

Là, je lis :

  • Bavarois : Entremets sucré, composé de crème anglaise, de gélatine et d’aromates, moulé et refroidi.
  • Bavaroise: Entremets sucré, composé de crème anglaise, de gélatine et d’aromates, moulé et refroidi.

Deux mots différents pour une même préparation ? Cela serait vraiment très étonnant ! J’ai donc cherché plus loin, il est intéressant de voir que Pierre Lacam, dans son ouvrage célèbre de 1878, ne connaît que les bavarois, et pas les bavaroises. Pour lui, le bavarois est un entremets que l’on obtient avec jaunes d’oeufs, sucre, gélatine et crème fouettée.
En revanche, Joseph Favre nous donne la clé du mystère dans son Dictionnaire universel de cuisine. Il explique d’abord que le bavarois est bien un entremets froid, qui était encore nommé « fromage bavarois ».

Bavarois : Entremets sucré, composé de crème anglaise, de gélatine et d’aromates, moulé et refroidi.

Mais il discute aussi une « crème bavaroise », et le mieux, ici, est de donner son texte :
On appelle crème bavaroise une boisson qui a pris naissance à la cour de Bavière à la fin du dix-septième siècle.
Cette boisson est une des meilleures que l’on puisse servir aux dames dans les soirées d’hiver. Préparées dans la règle, toutes ces différentes crèmes bavaroises ont des propriétés sudorifiques et stimulantes qui font avorter les rhumes sans fièvre, ce qui est très important. On peut donc les recommander en toute confiance, mais avant tout il importe de savoir les faire ; c’est dans sa confection que se cache tout le secret de ses propriétés.

Crème bavaroise. — Formule 285. — Faire une infusion de thé, très forte ; mettre un jaune d’œuf dans un verre, y ajouter une cuillerée à café de sucre en poudre, et au préalable du sirop capillaire ; travailler de manière à faire mousser cet appareil en ajoutant par petite quantité le thé et du lait fraîchement cuit; achever l’opération en y ajoutant deux petits verres de kirsch.

Remarque. — Les bavaroises au rhum, au chocolat, au marasquin, etc., se font de la même manière et, pour qu’elles soient bavaroises, elles doivent invariablement contenir du thé, de l’alcool et un jaune d’œuf; de nos jours les bavaroises n’ont rien de semblable à la bavaroise primitive qui est la seule hygiénique. On appelle également bavaroise une crème glacée (Voir Colbert), semblable au fromage bavarois, mais cette dénomination est impropre, car le Colbert n’a ni les mêmes éléments dans sa composition, ni le même goût, ni les mêmes propriétés.

Il n’y a donc qu’un bavarois (entremets froid) ; une bavaroise (boisson chaude) ; et une bavaroise (sauce ).
Avons-nous le fin mot de l’affaire ? Non, parce qu’il existe aussi une « sauce bavaroise », dont il dit qu’elle est souvent « confondue et dénaturée par des gâte-sauce », et qui consiste en une réduction de vinaigre avec poivre, puis ajout de jaunes d’oeufs et de beurre ; on assaisonne de raifort et on lie au beurre d’écrevisses.

par Hervé This