Alain Merle, un champion de France Ecailler à Côté-Cour

Alain Merle, un champion de France Ecailler à Côté-Cour

La brasserie colmarienne, Côté-Cour & Côté-Four des frères Olivier et Emmanuel Nasti, a hissé le drapeau de mer bleue, celui des saveurs et des festivaliers, avides de produits de la marée, introduisant le voyage iodé par celui de la bouillabaisse, avec une recette de Francis Julien qui a connu un joli succès du 15 au 20 octobre 2012, et navigant vers le second, organisé autour de la venue d’Alain Merle, Maître Ecailler, Champion de France, en provenance des Halles de Lyon. Pour ce dernier, dans la cour intérieure de la brasserie, a été monté un banc d’écailler, étalant dans ses bourriches, des huîtres, coquillages et crustacés, pêchés dans les meilleurs bassins de nos côtes maritimes françaises. 


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Tous les matins, Alain Merle s’affairait pour achalander son banc, disposer ses bourriches, étaler les algues et saupoudrer son banc de glace pilée. Puis, il sélectionnait et officiait devant la clientèle, dressant les plateaux de fruits de mer “classique” avec des crevettes roses, des huîtres plates, des crevettes grises, des praires, des palourdes, des amandes, des clams, des huîtres creuses, des moules d’Espagne, des Bigorneaux, des bulots, des langoustines et un tourteau, ou le plateau de fruits de mer “Royal”, où le tourteau est remplacé par le Homard Canadien mais où, pour chacun, vinaigre à l’échalote, mayonnaise citronnée, pain de seigle, beurre demi-sel, citron, et une sauce rouille, escortaient la préparation.
L’assiette de l’écailler, composée par le chef (1pers) 21€
Alain Merle connaît bien son sujet. Champion de France dans sa discipline, il a remporté le concours du Meilleur Ecailler de France, la coupe Léon Beyer, en 1970, portant le nom de son fondateur, un viticulteur-négociant Alsacien d’Eguisheim (68). Sa finalité est de promouvoir le goût et la consommation des huîtres et des coquillages. Après avoir participé à l’épreuve théorique, les concurrents, doivent en un minimum de temps, ouvrir 100 huîtres creuses et procéder à la présentation la plus artistique possible d’un plateau de fruits de mer.

Ayant baigné –et c’est peu dire – dans les produits de la marée, Alain Merle, fils d’écailler a, toute sa vie, officié dans les Halles de Lyon – les Halles Paul Bocuse– et d’ailleurs le célèbre cuisinier, venait régulièrement déguster quelques huîtres dans son magasin. “Je suis né à Lyon” sourit-il, ” Mon père s’était marié avec la fille d’un marchand d’huîtres, et avait repris l’affaire de son beau-père en 1938, et moi la succession en 1980. C’était un grand magasin de 75m2 avec de la vente à emporter, des dégustations sur place: assises ou debout. Nous avions trois bancs d’écaillers, proposant une vingtaine de sortes d’huîtres et des coquillages, mais rien de plus” explique-t-il, insistant sur la nécessité de se spécialiser lorsque l’on travaille ce type de produits. Alain Merle a vendu son affaire en 2005, poursuivant aujourd’hui dans la formation et l’organisation de concours.


Le spécialiste de l’ouverture du coquillage, latérale ou à l’arrière, a partagé avec la clientèle de la brasserie des Nasti, plus de 40 années de savoir-faire. Ce n’était pas la Criée sur le port, mais chacun pouvait s’approcher, humer, questionner Alain Merle et l’observer ouvrir les huîtres. “C’est un geste technique, précis et rapide, pour ouvrir correctement une huître” dit-il, “Mais cela ne s’apprend pas dans les livres, il faut le pratiquer, guidé par un maître écailler. Si le couteau, petit, mais à la lame solide, est important, c’est le tour de main et le savoir-faire, qui feront la différence”.

“En France, il n’y a pas plus de 500 écaillers professionnels” souligne-t-il, “C’est le parent pauvre des métiers de la poissonnerie. Je propose des formations à Paris, notamment pour des Meilleurs Ouvriers de France, poissonniers, écaillers et traiteurs.”

70 tonnes d’huîtres/an ne lui font pas peur, originaires de tous les “terroirs ” des côtes de France, des Normandes d’Isigny, aux méridionales de l’étang de Thau, en passant par les Charentaises. Saviez-vous qu’un bon professionnel peut ouvrir jusqu’à 400 huîtres/heure ?

Pendant le festival trois régions étaient à l’honneur. Pour La Bretagne, la Prat-Ar-Coum n°2 et La plate Belon n°2, Pour la Normandie, La Sorlut n°2 et L’Isigny-sur-Mer n°3, tandis que la Charente Maritime offrait La fine de Claire Marennes d’Olérons.
Comment choisir celle qui va convenir à notre palais ? Alain Merle explique les différentes saveurs, démontrant que les huîtres peuvent être goûteuses, juteuses, laiteuses, charnues, iodées, salées, douces, avec des notes noisettes ou beurrées. Les “Fines de Claires”, “Marennes d’Olérons”, sont parfaites pour une entrée en matière. ” Le goût des huîtres c’est un peu comme pour le vin, les saveurs permettent de les distinguer et de les apprécier dans leur diversité. “

“L’Alsace n’est pas une terre de consommation de fruits de mer” reconnait Alain Merle, ravi d’apprendre l’existence du Bistrot à huîtres à Mulhouse du tout nouveau Ostreidae, le bar à huîtres strasbourgeois. D’ailleurs la France, dans sa globalité manque d’écaillers et Alain Merle s’implique, non seulement dans la formation et la transmission de son savoir-faire dans les règles de l’Art, mais aussi dans l’organisation de concours. On le retrouve notamment le 22 janvier 2012, sur le salon progessionnel Lyonnais, le SIRHA, (Salon international de la restauration, de l’hôtellerie et de l’alimentation) présidant le jury du concours du Meilleur Ecailler de France, où 12 candidats vont s’affronter sur deux sujets; la vitesse et la qualité d’ouverture des huîtres, puis le dressage d’un somptueux et artistique buffet pour 10 personnes.


Si les huîtres semblaient être à l’honneur, les coquillages et crustacés ont fait le jeu de la dégustation ludique et méthodique.
Attrapés à l’aide d’un pic, ou d’une curette, décortiqués avec les doigts ou “tout ustensile de combat” mis à disposition, dégustés et non gobés, les clients n’ont fait qu’une bouchée, ou plutôt qu’une gorgée, de ces mollusques en provenance de nos ports côtiers”.

Alain Merle souligne l’importance de bien mastiquer, les fruits de mer et crustacés “afin de vérifier leur fraîcheur, dégager toutes les saveurs.”. C’est un sacrilège que de l’avaler d’un seul trait.


St Jacques rôtis aux cèpes des Vosges, copeaux de parmesan
C’était une quinzaine autour de la marée et Thony Billon, le chef de la brasserie Côté-Cour, s’est beaucoup investi auprès des deux invités, les accompagnant avec une carte thématique, dans une belle harmonie côté-terre, côté-mer à la brasserie Côté-Cour, proposant les moules marinières du Mont St-Michel et ses incontournables frites, les St-Jacques rôties aux cèpes des Vosges, une belle assiette terre-mer, au coeur de la saison, sans oublier la soupe de poissons, ses croûtons et sauce rouille.

Il faudra attendre le mois de janvier pour profiter du prochain festival gastronomique. Mais cette attente sera récompensée par le retour d’Emile Jung, l’ancien chef trois étoiles du Crocodile à Strasbourg et Président du Club Prosper Montagne Alsace.

On s’en réjouit par avance

Par Sandrine Kauffer
Crédit photos ©Sandrine Kauffer

Brasserie Côté Cour/ Côté Four
Place de la Cathédrale
68000 COLMAR
03 89 21 19 18
www.oliviernasti.com