A la Princesse, ou à la princesse ?

Nous avons déjà vu ce qu’est un potage « à la Reine » : on pile du blanc de volaille, du veau, des amandes, des œufs durs et de la mie de pain imbibée de bouillon. On fait mitonner du pain dans jus ou bouillon, puis on ajoute le hachis, et l’on fait brunir la préparation, jadis à l’aide d’une pelle à feu, mais aujourd’hui avec une salamandre ou un gril.

Et « à la Princesse ? En 1643, LSR nous dit que ce potage à la Princesse se fait à partir du bouillon du potage à la Reine, tirés d’os rôtis. On y fait mitonner un pain en croûte, puis un petit hachis de perdrix, et l’on garnit de champignons, crêtes de coq, rognons, pistaches et citron.

C’est donc clair… mais il me reste à discuter une question… qui m’est posée par un chef, à propos d’autres préparations qui se dénomment du même type : doit-on utiliser des majuscules, pour les dénominations, ou pas ? Mon ami me pose la question à propos de « à l’Alsacienne », et j’aurais tendance à répondre que l’on écrit «  l’alsacien » pour dénommer la langue, sans majuscule, mais « un Alsacien », pour désigner une personne d’Alsace. De sorte qu’il y a un choix à faire : « à l’alsacienne » signifierait que l’on a fait l’ellipse «manière», qu’on a abrégé « à la manière alsacienne » ; en revanche, on pourrait écrire « à l’Alsacienne » pour signaler que l’on fait référence à une Alsacienne.

Ici doit-on écrire « Potage à la Princesse », ou bien « Potage Princesse », ou encore « Potage à la princesse », ou finalement « Potage princesse » ? Là, la question se complique depuis la Révolution française : on a coupé la tête aux aristocrates, et l’on ne les révère plus, de sorte que la princesse ne mérite plus de majuscule. Cela étant, « princesse » se trouve, comme adjectif, dans « amandes princesse », pour désigner des amandes à coquille tendre et facile à briser, ou dans « haricots princesse », pour désigner des haricots mange-tout à cosse très allongée. Parfois, selon les dictionnaires, l’adjectif s’accorde, mais la tendance la plus récente semble être à l’invariabilité… mais en tout cas, l’adjectif ne mérite pas de majuscule. Et comme on a fait la révolution, la question de la majuscule est donc résolue : jamais pour princesse.

Hervé This

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