Le chemin de table

Alors que je travaille au Glossaire des métiers du goût, ce grand dictionnaire en ligne, où sont données les définitions des mots de la cuisine, de la pâtisserie, de la charcuteries, etc (https://icmpg.hub.inrae.fr/travaux-en-francais/glossaire/glossaire-des-metiers-du-gout), je trouve dans le Trésor de la langue française informatisé la définition suivante :

« Surtout : Plateau richement décoré, destiné à orner le centre de la table, où l’on plaçait les salières, boîtes à épices, sucriers, etc. et auquel on pouvait adapter des lumières ». Et cela date de 1694. Mais, presque au même moment, je trouve une recette de « bécassine en surtout » dans un livre de 1729  : cette fois, on fait un bord de pâte sur un plat, et l’on dépose au centre un salmis de bécassine, que l’on couvre de farce ; on panne et l’on fait dorer au four.

De même, on travaillait de la sole ou d’autres poissons, et les filets, déposés sur le surtout, étaient couverts de farce et gratinés. Cela faisait des « soles en surtout », des « saumons en surtout », etc.

Parfois, le surtout est confondu avec une « nef », ou un « vaisseau ». Ce n’est pourtant pas la même chose !

Une nef de table est une pièce d’orfèvrerie en forme de navire qui trône sur la table d’honneur lors d’un banquet. On en voit apparaître en France dès 1239, d’abord limitées à une coque de navire, et servant sans doute à boire. Puis elles deviennent en métal précieux, sorte de coffres figurant la coque d’un vaisseau, avec un couvercle qui forme le pont du bateau ; elles s’ouvrent au moyen d’une clé et permettent de ranger les couverts d’un aristocrate (gobelet, tranchoir, serviette, cuillère et salière, cure-dents, coupelles contenant des épices précieuses et des « épreuves » servant de contrepoisons). La nef suit son propriétaire à chaque repas, même à l’extérieur. Du nom de cet objet d’apparat, vaisseau de table, dérive le mot vaisselle.

La nef de table est mentionnée comme faisant partie de la vaisselle de dignité par les règlements de 1578, 1582 et 1585 qui fondent l’étiquette française : la nef de table doit être apportée à la table d’honneur par le panetier. À partir du règne d’Henri II, la nef est parfois remplacée par un « cadenas », sorte de plateau dont l’un des côtés est muni de petits compartiments. Le « cadenas » trône sur le centre de table, du 16e siècle au 18e siècle.

Evidemment, on ne confondra pas ces objets avec le « chemin de table », étroite et longue bande de lingerie que l’on dispose sur une table, dans le sens de la longueur.

Hervé This