Mercredi 9 novembre 2022, la team France du Bocuse d’or s’est réunie à la Maison des Travaux Publics à Paris (8ème) pour une dernière soirée événementielle avec les partenaires en présence de Naïs Pirollet, Davy Tissot, Meilleur Ouvrier de France et lauréat du Bocuse d’Or 2021, Jacques Marcon, François Adamski, Fabrice Prochasson, Serge Vieira président de la Team France et les partenaires de la Team France Bocuse d’or.
Davy Tissot a remercié l’ensemble des partenaires, qui se fédèrent et soutiennent la team France, avant de lancer la projection d’un film, qui met en scène ses rencontres, ses entrainements avec les chefs Français en quête de techniques, de conseils, pour s’ouvrir l’esprit et bien se préparer à la finale mondiale.
Projection du film de la team France à la maison des Travaux Publics à Paris
Rencontre avec la cadette de la compétition, la candidate qui représente les couleurs de la France, avant qu’elle entre pleinement dans une bulle de concentration.
L’ordre de passage est connu (23 janvier 23) ainsi que son box (n°4). Quel est son état d’esprit ? Qui sont ses coaches (chefs, sportif, mental) ? Quel est son parcours ?
Nais Pirollet répond avec assurance et humilité, maturité et fraicheur. Elle sourit. Elle a confiance, en elle, en son travail, en l’équipe. A 25 ans, elle est d’un calme olympien et déterminée. Nais impressionne par sa présence, sa disponibilité, ses réflexions et son engagement sans faille dans ce concours international. Philosophe, elle mesure avec intelligibilité les enjeux, son opportunité et les attentes qui reposent sur ses épaules, lui maintenant une saine pression, galvanisatrice.
Originaire de Briançon, elle, qui n’aimait ni le sport ni la compétition, a modifié sa trajectoire quand elle a intégré l’Institut Paul Bocuse et rencontré Davy Tissot à Saisons à Ecully-Lyon. Diploméen 2017 et major de sa promo, le M.O.F. l’envoie chez David Toutain, à Paris pendant deux années, où elle finit second de cuisine. En 2020, il la rappelle quand il est sélectionné pour être le candidat français au Bocuse d’or pour qu’elle soit sa commis. Mais le jour de la compétition, elle a plus de 23 ans. Elle laisse sa place de commis, mais entre tout de même dans la team. Davy voit plus loin et se projette en 2023. Nais a toutes les qualités requises. Plus jeune participante n’ayant jamais concouru, Naïs Pirollet remporte la sélection nationale française à Reims en novembre 2021. A 25 ans, elle est la plus jeune candidate dans ces Jeux Olympiques de la cuisine mondiale. Et c’est la première femme cheffe à représenter la France.
A quelques semaines de la finale, comment vous préparez-vous ?
« Nous sommes informés des sujets complets et de l’ordre de passage, ce qui rend les choses concrètes pour toute l’équipe et surtout pour moi. Je peux désormais me projeter dans la cuisine, ça fait du bien de voir que les choses avancent. Connaître l’organisation de notre box permet d’anticiper des déplacements, le rangement et donc de gagner du temps le jour de l’épreuve, chaque minute compte, c’est pourquoi il est impératif d’économiser au mieux son énergie ! Je suis contente de passer la deuxième journée, c’est le seul jour, où ma famille pouvait être présente ! » sourit la jeune cheffe. « En plus lors de la sélection Europe, je suis passée en première phase de concours, donc la boucle est bouclée, j’aurais eu la chance de vivre les deux configurations ».
« A présent, je rentre dans la période « dynamique concours », où il faut fermer les écoutilles, arrêter les sorties frivoles et baisser la tête pour se concentrer sur l’objectif, notamment travailler les derniers détails, faire du sport, se reposer et surtout, prendre du recul».
Dans son accompagnement quotidien, Naïs Pirollet peut compter sur le soutien de Loris, le coach sportif. « Rose Mawi, la coache mentale m’aide à gérer la pression, à travailler en équipe et surtout à gagner en prestance. Elle représente un peu notre soupape, elle nous écoute beaucoup pour ne pas laisser des frustrations nous polluer. On fait également du yoga, des balades et des soins physiques plus profonds pour qu’elle exerce sa « magie bien-être » sur nous. Le but est que je ne tombe dans la spirale du stress et que je profite de chaque instant, prenant du plaisir et en gardant les pieds sur terre ! Il faut rester fixé à l’objectif et donner son maximum. Pour l’instant nos recettes ne sont pas au point. Mais nous allons les travailler jusqu’au 23 janvier, chaque élément à part, ce qui ne cesse de nous faire avancer pour construire un plat dans sa globalité.
Quel est le rôle de la team France ?
« L’équipe a vécu quelques changements de coaches au cours de son chemin vers la finale au SIRHA 2023. Tout le monde a une vie à côté de ce concours, certains événements empêchent quelques-uns de tenir leurs engagements jusqu’au bout, comme Tabata Mey qui attend un enfant ! Jacques Marcon, puis Edouard Loubet ont intégré l’équipe du Bocuse d’Or par la suite. Je trouve que c’est une chance d’avoir autant de profils différents. Au lieu d’avoir un seul coach, j’en ai eu plusieurs qui ont pris des rôles bien précis au sein de l’équipe, pour m’apporter le meilleur. Mais le jour de la finale, c’est Edoaurd Loubet, mon coach officiel, qui sera avec moi.
Lorsque j’avais décidé de me présenter au Bocuse d’or France, j’estimais manquer d’expérience. Pourtant très vite, j’ai compris que j’avais le temps d’apprendre, de partir à la rencontre des chefs, afin qu’ils me transmettent leurs techniques et leur savoir. C’est enrichissant et c’est rare d’avoir accès aux cuisines de chefs comme Pierre Gagnaire, Laurent Petit, ou Anne-Sophie Pic. En réalité, leur regard a aussi changé, ils me considèrent et me questionnent également. Je trouve que c’est la finalité du Bocuse d’or ; rassembler les talents autour d’un même objectif !
Mes parents sont également d’une aide précieuse. Ma mère est bijoutière, donc je n’hésite pas à l’appeler pour des questions de design ou d’esthétisme, pour bénéficier de son regard artistique. J’interroge mon père aussi pour des conseils sur mon positionnement dans l’équipe. Avec ma sœur, ils m’aident aussi à me décharger d’une certaine pression mentale, ils me permettent de retrouver une certaine insouciance. J’ai aussi demandé à mon cousin Tom, de rejoindre la team pour l’aspect logistique et technique. C’est aussi une histoire de famille».
Votre parcours vous prédestinait au Bocuse d’or ?
« Je n’avais jamais fait de compétition sportive ou d’autres concours de cuisine. Même si j’ai toujours été compétitrice dans l’âme, je n’avais jamais eu le goût du challenge jusqu’à ce que Davy Tissot me propose de le suivre dans son aventure. C’est à ce moment que je me suis rendue compte que la compétition va bien au-delà de la performance du jour J !
Je n’ai jamais aimé l’école, même si je m’en sortais plutôt bien ,donc j’ai voulu en finir vite, avec une formation générale qui m’ouvrait toutes les portes. J’ai rejoint l’Institut Paul Bocuse qui offre une grande richesse d’apprentissages. Le point fort de leur formation est surement le fait qu’ils apprennent à oser et à sauter dans le bain.
Chez David Toutain, je suis arrivée comme commis pâtissière. J’ai adoré le côté bouillonnant de sa cuisine. Il y a rythme effréné, mais ça stimule beaucoup, surtout dans une petite équipe !
En 2020, je rejoins la team France du Bocuse d’Or au côté de Davy Tissot, à partir des sélections France et jusqu’à la finale pour aider à l’élaboration des techniques et des recettes.
Il s’agissait d’un emploi à temps complet. Cette expérience a été très formatrice, puisque j’ai découvert les coulisses de la compétition et je me suis enrichie des profils présents dans l’équipe du chef Tissot. Il y avait par exemple Julien un ancien militaire, qui nous a appris la précision, la rigueur et la méthode. On s’est calé sur les habitudes du chef pour apprendre à le connaître et à l’accompagner au mieux, notamment à travers le sport. Après la victoire du Bocuse d’Or en 2021, je me suis dit que je n’avais rien à perdre à tenter l’expérience. C’est aussi une chance que Davy Tissot soit resté à mes côtés, c’est un guide pour moi, il me connaît très bien, notamment mes points faibles à travailler.
Mais, être une femme aussi jeune sur le concours, me galvanise, je suis fière de ce que je représente car à 25 ans je suis la cadette du concours ! J’espère pouvoir inspirer d’autres femmes à se présenter. Quelle belle démonstration d’ouverture d’esprit de notre pays et de notre profession. Oui il y a des femmes en cuisine.
« Après la finale », conclut-elle, je ne sais pas encore ce que je ferai, mais je sais que j’aimerais retourner en cuisine, retrouver une brigade pour continuer à me former aux côtés d’un chef, qui rassemble et qui cuisine avec émotion ! J’ai soif d’apprendre ».
Propos recueillis par Sandrine Kauffer-Binz
A paraitre 3 questions à Davy Tissot