Romain Lamon, ancien chef propriétaire de Polissons, signe son retour avec ARGILE, sa nouvelle table 4, rue de Milan à Paris (9è). En 2018, Romain Lamon avait ouvert Polissons, son premier restaurant, un bistrot moderne où il mettait en exergue des techniques héritées de ses passages au sein des grandes brigades de palace (Eric Frechon au Bristol Paris, Arnaud Faye et Michel Roth au Ritz).
C’est avec un plaisir non dissimulé qu’on le retrouve chez ARGILE, sa nouvelle adresse, qu’il a façonnée à son image.
ARGILE, c’est d’abord l’écho d’une tradition familiale, celle qui consiste à prendre soin de ceux qu’on aime, de ceux qu’on reçoit, comme des produits exceptionnels que nous offre la nature. C’est aussi la volonté de partir de la matière brute, de la modeler, toujours par une cuisine simple et franche, authentique dans ses saveurs, subtile dans ses accords et d’une absolue générosité. C’est enfin un lieu de destination, niché au cœur du 9ème arrondissement, à l’écart des grands lieux de passage et des concentrations d’adresses tendance. Une parenthèse qu’on s’offre pour vivre un moment de bistronomie à part, dans un cadre apaisant.
L’amour du produit est plus que jamais au cœur de la démarche de Romain, dont la cuisine, bien que technique, va à l’essentiel. Elle se veut avant tout lisible, authentique et résolument décomplexée. Pour ce faire, il travaille main dans la main avec quelques producteurs de confiance, qui le suivent depuis ses débuts et contribuent à nourrir sa créativité au quotidien, grâce aux produits d’exception qu’ils lui proposent chaque jour, au fil des saisons. Dès l’arrivée, quelques tranches généreuses d’une belle miche de pain maison au levain accompagnées d’une quenelle de beurre frais, accueillent les convives, et donnent le ton d’un repas placé sous le signe du partage et de la simplicité. Au déjeuner, on se régale du menu retour de marché, au rapport qualité / prix défiant toute concurrence. On y retrouve des plats d’inspiration canaille qui réjouissent les papilles et réchauffent le cœur, comme cette volaille de Bresse, flanquée d’une onctueuse purée de pommes de terre et nappée d’un sabayon aérien et savoureux.
Le soir, la carte s’étoffe, et multiplie les propositions gourmandes. Pas moins de sept petites entrées, toutes aussi enthousiasmantes les unes que les autres ouvrent les festivités : tataki de canard, betteraves rouges et raisin Muscat ; poulpe rôti, crème de parmesan, échalotes acidulées, ou encore cette raviole de moules marinières et poireaux fondants. Le chef y fait aussi la part belle au végétal, et en profite pour redorer le blason de légumes mal aimés : le chou-fleur est ici travaillé à la milanaise, rehaussé d’un rafraîchissant gel de citron, et d’une sauce mimosa où l’on plonge allègrement les têtes délicatement panées du crucifère.
C’est sans compter la tourte de céleri rave et son jus végétal, travaillée dans l’esprit d’un bœuf Wellington, aussi gourmande que stupéfiante. S’en suivent trois plats d’une générosité folle, qui renouent avec les incontournables de la cuisine bistrotière comme pour mieux s’affranchir de ses codes : il en va ainsi de cette aile de raie grenobloise façon meunière, escortée de gnocchi dodus et bien dorés, ou de ce pigeon entier de chez Marie Samuelle Bourreau, cuit en croûte d’argile et accompagné d’une tombée de chou rouge aigre-douce : la boucle est bouclée.
Il faudra garder de la place pour le dessert, afin de se laisser surprendre par des accords (d)étonnants qui rebattent les cartes autour de grands classiques : le mille-feuilles se marie ici à l’huile d’olive et au miel, là où la pomme caramélisée se voit rehaussée d’un sorbet céleri branche. Côté liquide, Emma (228 litres, La Liquiderie, Le Goncourt), sommelière de formation, propose une sélection pertinente de vins vivants et natures, créant ainsi une belle harmonie avec cette cuisine authentique qui ne joue d’aucun artifice.
PHOTOGRAPHIES : © Alizée Cailliau