Le téléphone sonne le lundi 18 février 2013 vers 13h au Gavroche à Strasbourg. Nathalie et Benoît Fuchs apprennent la nouvelle : ils viennent de décrocher une étoile Michelin dans le célèbre guide rouge. Ils n’en reviennent toujours pas, mais ils ont à peine le temps de réaliser que la presse régionale arrive quasi en plein service recueillir leurs impressions. Ils passeront déjà dans l’édition du soir sur les chaînes de TV et dans l’édition papier du lendemain. Eux si discrets, vont connaître la médiatisation qu’ils n’ont jamais recherchée.
Nathalie Fuchs accueille les clients du jour qui accourent pour les féliciter. Hier comme aujourd’hui, elle sourit. L’adresse est discrète, presque confidentielle. “C’est le bouche-à-oreille qui a très bien fonctionné depuis toutes ces années. Mais aussi, l’article de Gilles Pudlowski en 1999″ se souvient le chef. “C’est lui qui nous a repérés et sortis de l’ombre. Il a allumé la lumière” rajoute son mari, reconnaissant, obtenant quelques années plus tard, le titre de “Révélation de l’année” dans le Pudlo Alsace.
L’ambiance est décontractée, sans pression apparente. Le décor japonisant, épuré est apaisant. Tables en bois d’épices, quelques banquettes pour la convivialité, des touches blanches florales murales disposées avec parcimonie et sobriété, des parois balisant l’intimité, à moins que cela ne soit cette baie vitrée, qui exceptée une douce luminosité, ne laisse rien filtrer, des mets déposés sur les tables des gourmets.
Le jeune strasbourgeois fit son apprentissage au Cefppa à Illkirch du temps de Jean-Louis Steffen, aujourd’hui président de la fraternelle des cuisiniers d’Alsace. Le parcours de Benoit Fuchs est déjà clairsemé d’étoiles. Celles du Buerehiesel d’Antoine Westermann (1978-80) au moment de l’obtention du second macaron. Une belle période où le chef se souvient avoir côtoyé aux fourneaux, Alain Kleinbeck et Hubert Maetz, qu’il rejoindra par circonstances au Rosenmeer à Rosheim pour lui prêter mains fortes. Puis il s’envole au Danemark à Copenhague seconder le chef Alsacien Daniel Letz, qui sera d’ailleurs “le premier chef étoilé au Danemark” relève Benoît Fuchs.
De chacun de ces chefs, il a indéniablement appris. Aujourd’hui, sa cuisine est classique, inspirée du célèbre Escoffier et plus méditerranéenne l’été. “J’aime beaucoup travailler le poisson, les beaux produits évidemment. Ce qui pourrait faire la différence, sans doute, c’est de proposer une cuisine personnalisée”.
En cuisine, avec le chef, il y a son fils Alexis pour le seconder, formé au Buerehiesel et au Crocodile, et regagnant rapidement le restaurant familial et la nouvelle cuisine, conçue il y a cinq ans.
“C’est ensemble que nous élaborons la carte du Gavroche” informe Benoit Fuchs, “Un travail de réflexion et d’essai qui s’effectue à trois” souligne-t-il en disposant le boeuf en tournedos, surmontée d’une tartine de truffes, accompagné de ses légumes d’hiver, disposés minutieusement, un à un, par Maxime Fuchs. Ils proviennent du marché des producteurs, place de Zurich, sur lequel Benoit Fuchs se rend tous les mercredis matins. Un trait de sauce et on envoie par la petite ouverture, qui donne sur l’arrière de l’office.
En entrée, nous avons sélectionné le cocktail de Saint-Jacques, arrosé d’un bouillon de poule de gingembre, coeur de laitue et céleri branche. “La Saint-Jacques crue est découpée en carpaccio” explique Nathalie Fuchs. “Elle tapisse le verre à cocktail, s’agrémente de céleri branche pour le croquant et de textures intermédiaires comme la laitue. On l’arrose généreusement d’un bouillon bien chaud de gingembre, qui va nous permettre à la fois de pocher la saint-jacques, mais également de diffuser les arômes subtiles”
Dès aujourd’hui, promenez-vous à la Krutenau à la recherche de cette adresse qui ne saurait rester confidentielle bien longtemps. Observez cette devanture discrète, épurée, à peine révélée de ses verres teintées, sans aucun tape-à l’oeil. “Mais, il faut rester modeste” martèle le chef, déjà bien avant l’obtention du précieux macaron.
Par Sandrine Kauffer
Crédit photos ©Sandrine Kauffer
Restaurant Gavroche
4 Rue Klein 67000 Strasbourg
03 88 36 82 89
www.restaurant-gavroche.com