Les noques ? Comme des quenelles, mais bien plus

La cuisine française a souvent bizarrement écrit les mots de mets alsaciens. François Marin, en 1742, parle de « sortcrotes », pour désigner la choucroute, et l’on trouve parfois le mot « noques » qui s’apparente aux « gnocchis », mais pour désigner des quenelles à base de farine et d’œufs, pochées à l’eau bouillante. Joseph Favre, dans son Dictionnaire universel de cuisine pratique, écrit que les noques seraient des Knepfla… mais il se contredit ensuite. D’ailleurs, il n’est pas le seul, puisque, encore aujourd’hui, nombre d’Alsaciens qui ne parlent pas leur langue confondent les Knepfla et les Spätzle.

Les Spätzle, tout d’abord, sont des pâtes à nouille (à l’oeuf, bien sûr!) que l’on étale sur une planche, avant de les couper au couteau en les faisant tomber dans l’eau bouillante. Les Knepfla, d’autre part, sont une pâte (encore à l’oeuf), un peu liquide, que l’on fait couler dans l’eau bouillante, soit à travers une passoire, soit à l’aide d’un ustensile muni d’un chariot coulissant sur une plaque trouée. Certes, la différence n’est pas grande, mais un œil averti voit bien la différence.

Favre, lui, définit les noques comme des « sortes de quenelle à base de farine et d’oeufs, ou moitié viande et moitié pâte à choux ».

Et, paradoxe, il donne ensuite une recette de « noques à la Suissesse », avec veau, pâte à choux, fromage de Parme râpé, œuf, sel, poivre, muscade : on broie le veau avec le sel, le beurre, le poivre et la muscade ; on pile à nouveau avec la pâte à choux, en ajoutant peu à peu des œufs ; puis on fait pocher dans du bouillon. Au fond, il s’agit de quenelles, n’est-ce pas ? Au foie de porc, la recette est semblable.

Mais pour les noques « à l’allemande » (en réalité, à l’alsacienne) on voit une différence : il propose de ramollir du beurre dans une terrine, au chaud ; de le travailler afin d’obtenir une pommade mousseuse, d’y ajouter peu à peu des œuf, de la farine, de l’oeuf battu en neige et de la farine ; on poche, puis on met sur un plat avec du Parmesan et de la chapelure ; on termine avec un beurre noisette.

Et voilà le paradoxe : il a manqué les Lawerknepfla, les Kaasknepfla, et tout le reste !

Hervé This