L’histoire de la cuisine est pleine de fantasmagories, et nombre de découvertes ne sont pas telles qu’on les a dites : les ganaches, les béarnaises, etc. Inversement, il y a des cas où nous avons des témoignages, et c’est le cas pour le gâteau nommé « manqué » : ce nom lui a été donné parce qu’en faisant un biscuit de Savoie, un ouvrier de la maison Félix, avait tellement mal travaillé les blancs qu’ils grainèrent, mais comme il fallait le servir à l’heure, on l’acheva le mieux possible en ajoutant du beurre et en mettant dessus une couche de pralin. On le livra ainsi au client. Quelques jours après, la dame qui vint régler la note prodigua ses félicitations sur l’excellence du gâteau et demanda comment il se nommait. Le patron et les caissières demandèrent au chef, qui répondit « le manqué ». Le nom resta.
La recette ?
On travaille 9 jaunes d’oeuf avec sucre, sel et vanille ; quand le ruban est obtenu, on ajoute 125 g de beurre fondu, 250 g de farine et les blancs d’oeuf battus en neige. On couchait initialement dans un moule à brioche, mais les moules ont été modifiés, et on le fait désormais dans un moule à manqué. On cuit, on praline et on poudre.
Bien sûr, depuis la première préparation du manqué, on a étendu la variété des gâteaux : on en fait au cédrat, au citron, aux pistaches, à l’anis, au cumin, à l’abricot, aux noisettes grillées, aux raisins de Corinthe, etc., tantôt en variant simplement l’arôme, d’autrefois en modifiant aussi la couche de pralines qui doit le recouvrir. Je laisse au praticien le soin d’en choisir le genre selon l’opportunité.
Pourquoi sait-on qui l’histoire de l’invention du manqué est vraie ? C’est que Joseph Favre, auteur du Dictionnaire universel de cuisine pratique, la tenait de première main.
Par Hervé This