“Ce mois-ci, au cours de notre séminaire de gastronomie moléculaire, nous avons exploré les pommes de terre soufflées”, introduit Hervé This, Directeur de l’International Centre for Molecular Gastronomy AgroParisTech-INRA. Il y a quelques années, nous avions déjà exploré cette recette, grâce à Georges Roux, qui l’a enseignée à de nombreux meilleurs Ouvriers de France, mais nous avons voulu mieux caractériser ses gestes, notamment afin de constituer un « Musée audiovisuel des gestes culinaires » : il en va de cette question essentielle de la transmission des compétences.
Les livres de cuisine du siècle écoulé évoquent souvent les pommes de terre soufflées, et les conseils ne manquent pas, pour réussir des préparations. Parfois, il est dit que le premier bain est très chaud, mais, aussi, on trouve qu’il ne doit être que de 120 degrés, ou 140 degrés : bref, on trouve de tout. Pour l’épaisseur des rondelles, également, il y a de la variété, entre ceux qui disent que l’épaisseur doit être précisément de trois millimètres, et ceux pour qui elle doit être de cinq millimètre ; on parle même de l’épaisseur d’une pièce de un sou. Pour le second bain (il faut deux bains, apparemment), on trouve des températures d’huile fumante. Et ainsi de suite : la plus grande diversité conduit… à l’échec.
Toutefois, à l’époque, nous avions omis de mesurer les températures de l’huile, les épaisseurs des rondelles… Nous avons voulu reprendre tout cela, afin d’aboutir à des recettes régulièrement réussies. Hélas, son absence nous a obligés à expérimenter en nous contentant d’indications données sur des sites ou par oral… et les résultats ont été nuls. Nous avons testé des premiers bains à diverses températures, entre 120 et 180 degrés, des deuxièmes bains à diverses températures, supérieures à celles des premiers bains, diverses épaisseurs de rondelles… mais aucun soufflage !
La cuisine est une activité technique importante, et il n’est pas vrai que les cuisiniers ou cuisinières du quotidien aient les capacités de professionnels : ces derniers, formés notamment à la méthode HACCP, ont un savoir spécifique, qui permet d’éviter les incidents ou accidents d’hygiène. D’autre part, nos séminaires sont l’occasion fréquente d’observer que les professionnels ont des gestes ou des pratiques rarement décrits correctement. Un musée audiovisuel sera l’occasion de montrer combien est beau le métier de cuisinier”.
Par Hervé This