Sabine et Serges Burckel

Cuisines et Jardins : Serge Burckel revient à l’essentiel

Depuis qu’il a débuté la cuisine en 1976, Serge Burckel a excellé. De Hong Kong à Orlando en passant par le Qatar, il est désormais de retour en Alsace. Depuis un peu plus d’un an, il a choisi la liberté dans son restaurant « Cuisines et Jardins » dans le parc de Wesserling (68).

Serge Burckel est petit fils de cuisinier. Alors qu’il rêve d’être batteur, à 13 ans, il est à la plonge. Le jeune mulhousien s’offre une batterie, mais son cœur bat désormais pour la cuisine. « J’aime la gestuelle de ce métier, les odeurs, l’adrénaline du coup de feu ». En 1976, il est le dernier apprenti de Paul Meistermann à Colmar. Après des débuts en tant que chef de partie à l’hôtel Trois Rois à Bâle (*) en 1980, il devient commis chez Jacques Lameloise (***), puis chez Eckart Witzigmann (Aubergine) à Munich.

Presque tous les ans, Serge Burckel change de fourneau et parfois de continent. Chez Joël à Tokyo (Japon), à l’Hôtel Negresco à Nice (France) aux côtés de Jacques Maximin. Serge fait aussi le tour de cuisines parisiennes : chef de partie à l’Archestrate & Lucas Carton, chef privé chez Saudi-European Banki, chef de cuisine à la Petite cour, Les Sémailles. Il perce ensuite les belles tables de province : L’Asphodèle à Dole, Le Rendez-vous de chasse à Colmar, Le diamant rose à la Colle sur Loup, le radio à Chamalières. « J’ai appris la cuisine de manière classique. Un peu comme l’armée, ce monde est rigide, et rapidement j’ai voulu m’en affranchir », reconnaît-il
La salle est décorée d’œuvres d’artistes locaux
Même s’il n’est pas anglophone, Serge Burckel retourne à Hong Kong, cette fois pour le Belvédère. Il se fait comprendre grâce au langage du corps et s’adapte aux conventions locales : « Chaque voyage est une autre manière de cuisiner. Il faut s’approprier les produits, les coutumes, les goûts ». Son travail hisse le restaurant parmi les meilleures tables de Hong Kong.

Ce succès se fait entendre jusqu’aux États-Unis. Fin des années 1990, il est chef de cuisine au restaurant Splash du Crown Plaza (Redondo Beach). Sa première expérience en tant que chef propriétaire, se réalise au One à Los Angeles. Il y est titré meilleur nouveau restaurant de l’année et chef de l’année. Il passera même par Jiko, restaurant du Disney World Resort (Orlando).


La bâtisse du 19ème siècle domine le parc de Wesserling
En 2002, Serges Burckel regagne l’Alsace. Il ouvre le « Serge & co » à Schiltigheim . Il décroche une étoile au Guide Michelin en important la cuisine fusion gastronomique dans ce restaurant de 40 couverts. Des soucis de santé l’incitent à demander le retrait de son étoile. Une démarche rare. « Je ne pouvais pas conserver ce titre alors que je ne savais pas où j’allais être le lendemain ». La conséquence est lourde, une perte colossale de chiffre d’affaires. Serge ne se laisse pas abattre. Sa compagne Sabine est à ses côtés pour le soutenir. Depuis, ils évoluent en tandem.

Serge & co devient le premier restaurant à proposer des soldes. Après avoir tenu à bout de bras durant dix ans son établissement, le couple choisit une nouvelle aventure. En 2010, il prend la charge de la cuisine française pour l’épouse de l’émir du Qatar à Doha. Durant trois ans, il dirige une équipe de 15 cuisiniers pour deux à huit couverts.


Travers de porc a l asiatique nouilles transparentes et cacahuetes -DR
Nouveau changement de continent en 2012. Au Costa Rica, Serge et Sabine ouvrent un restaurant. Un séisme de magnitude de 7,9 détruira cette entreprise. Aucun lieu dans le monde ne trouvera plus faveur à leurs yeux. Ils posent leurs valises en France en 2013, en quête de liberté. Comme le dit Sabine : «C’est en étant libres que nous donnons le meilleur ». Ils trouvent leur bonheur dans une bâtisse du XIXe siècle, dominant le parc de Wesserling. « Ma cuisine est plus classique et régionale avec une pointe d’ailleurs grâce aux épices. Un retour à la vérité, affirme le chef. La technique pâtissière s’est installée dans notre métier, le style est standardisé soumis aux lois du marketing et du design. Je veux m’affranchir des partenaires financiers qui me dictent ma manière de cuisiner »


Carre d agneau aux olives.
Il dépose un brevet pour sa recette le « Bibalacho ». Il a été délivré cette année. Un fromage blanc chaud cuit comme un steak accommodé et décliné de différentes manières. Il pose également sa patte sur les assiettes. Les lettres « KC » viennent faire sourire les assiettes ébréchées. Ce n’est pas une blague, le modèle a été déposé à l’INPI. « On en a rien à faire de l’assiette, ce qui compte est à l’intérieur », dit-il, toujours insoumis. « D’ailleurs nous ne considérons pas nos convives comme des clients, poursuit-il, « Nous les accueillons comme des amis qui viendraient manger chez nous, à la maison. C’est notre maison, nous y habitons ».


LE BIBALACHO ® : F/Blanc CHAUD : Volaille/ Curry
Sur les tables, les couverts sont à l’horizontal, dépareillés. À quoi bon se conformer au protocole ?« Ce qui nous importe est la passion pour le métier et de pouvoir faire ce que l’on aime. La cuisine, je ne la fait pas, je la vis. Les recettes me sont inutiles. Je réalise mes plats à l’instinct ».

L’établissement mêle l’architecture classique du bâtiment à l’art moderne imaginé par des artistes locaux. Il accueille 20 couverts, autant en terrasse. La carte va être supprimée. Trois menus seront proposés. Une formule adaptée à un travail seul en cuisine. Serge Burckel se sent une âme d’artiste :« Être seul, c’est marcher sur un fil ».


Tarte Chocolat revisitée
Au menu ce jour, une courge délicata farcie est découpée en salle, servie avec un jus à la rose. Le menu du jour s’élève à 16,90€, les autres à 27,90 et 39€. Une entrée au nom surprenant est plébiscitée par les clients : « Je vous les mets dans l’os ». C’est une tête de veau avec langue, fois gras chaud et crème de jaune d’œuf, mis dans un os à moelle. Le foie gras au coing est lui baptisé « coin-coin ».

« Je suis la dernière maille de la chaîne qui redonne la vie à des produits inertes », argue-t-il. Après avoir tutoyé les étoiles, Serge aspire à une autre vie : « Notre société oublie le plaisir du partage. Après presque 40 ans de cuisine, je n’ai plus envie de briller, mais d’éclairer ».

Par Cécile Hans
Crédit photos ©Cécile Hans

Cuisines et Jardins
24 rue du Parc à Husseren Wesserling
03 69 07 37 12
www.cuisinesetjardins.com