Décidément, les anciens cuisiniers peuvent nous surprendre : c’est en 1742, dans la Suite des dons de Comus, de François Marin, que je trouve cette recette de potage sans eau. Sans eau : comment est-ce possible ? Notre auteur aurait-il plutôt utilisé du bouillon, ou du vin, que sais-je ?
Et bien, rien de tout cela, comme l’indique la recette suivante :
« Mettez dans une marmite à double couvercle, ou vis, des morceaux de petit lard, cinq ou six livres de tranche, & quatre livres de rouelle de veau coupée par petits morceaux, avec carottes, panais, céleri et navets coupés de même, une poule bien blanchie, une racine de persil, un paquet composé d’oseille, laitue, cerfeuil et très peu de sel. La marmite étant bien fermée et bien lutée avec une pâte, mettez-la dans une autre grande marmite sur le feu avec de l’eau bouillante, et du foin au fond pour qu’elle ne tourne point. Il faut que cela bouille pendant huit heures. Ayez toujours un coquemart d’eau bouillante pour remplir votre bain marie. Quand le bouillon est fait, passez-le, faites-y mitonner des croutes, et servez la poule dessus, en garnissant avec des légumes ».
Voilà notamment la démonstration que la théorie fautive de la « cuisson par concentration » est fautive, et une nouvelle démonstration que nous avons bien fait de la supprimer des programmes de l’Education nationale : quand on cuit une viande, elle se contracte, et en sorte des jus qui, ici, sont récupérés et font le bouillon ! Certes, il y a aussi les légumes, qui sont faits de beaucoup d’eau : une laitue, par exemple, c’est 99 pour cent d’eau.
Et comme toute cette eau est retenue dans la marmite, cela fait un potage. Inutile d’ajouter un liquide, car on en récupère finalement un dans la marmite. Et faites moi confiance : il a beaucoup de goût !
Par Hervé This