Terminologie : ” Oxydation ” par Hervé This

J’entends souvent le mot « oxydation » dans les cuisines des restaurants ou des lycées hôteliers… mais je m’étonne : le mot est rarement utilisé correctement. De quoi s’agit-il au juste ?

Le mot vient d’« oxide », introduit par le chimiste Antoine Lavoisier et ses amis, et il désigne les composés formés d’un élément chimique et d’oxygène. Par exemple, la chaux vive est un oxyde de calcium. Ou encore, l’eau est un oxyde d’hydrogène. Ou, très connu également, la rouille est un oxyde de fer. En revanche, le vert de gris, cette matière toxique qui apparaît sur le cuivre, n’est pas un oxyde, mais un carbonate. Il résulte de la réaction du cuivre… avec un oxyde : le dioxyde de carbone.
Certains oxydes se forment assez spontanément : il suffit de laisser le fer à l’air pour qu’il rouille, par exemple.

En cuisine, maintenant, quand observe-t-on des oxydations ?
Pas quand une sauce croûte, car il s’agit là d’une simple évaporation. D’ailleurs, il faut signaler que, lors d’un dépouillement de velouté, passé les premières minutes qui permettent de récupérer de la matière grasse, les fameuses « impuretés » que l’on récupère sont la sauce elle-même privée de son eau, qui s’est évaporée.
Pas d’oxydation non plus quand un haricot vert brunit : cette fois, les molécules de chlorophylles ne sont pas oxydées, mais elles perdent un atome de magnésium.
Pas d’oxydation quand un caramel brunit : la réaction forme tout autre chose que des oxydes.


Pour les brunissements que l’on observe quand on coupe un fruit ou un légume qui brunit, il y a une oxydation dans l’affaire, mais pas une simple oxydation ; plutôt une réaction enzymatique qui mobilise des enzymes nommées polyphénol oxydases, ou catécholases.
Ne nous laissons pas tromper par le nom, et parlons plutôt de brunissement enzymatique.
Pour les autres brunissements ? D’autres réactions : de Maillard, entre des sucres et des protéines, de Strecker, ou tout simplement des « déshydratations », comme on en observe quand on cuit longuement un bouillon de légumes.

Bref, évitons de parler d’oxydation dans la majorité des cas : c’est pédant, mais, le plus souvent, c’est surtout faux… et c’est la raison pour laquelle, lors de la rénovation des référentiels de CAP, on a proposé de parler de brunissement quand une préparation brunit. C’est à la fois plus simple et tellement plus juste !

Par Hervé This