Terminologie ” A la Sainte-Ménehould ” par Hervé This

Commençons par le plus simple : l’orthographe. On hésite, en effet, entre un trait d’union ou pas, et des accents aigus ou pas, mais j’ai cherché des informations… et j’ai fini par trouver que ce nom venait du prénom de la dernière fille d’un comte du Perthois : Manechildis, ou Manehildis. Ce prénom devient celui d’une bourgade au 5e siècle, transformé en Manehould… qu’il faut prononcer Manou : connu, non ?

Du 5e au 18e siècle, pas de changement, mais, à la révolution, le “a” se transforme en “é”. Il le reste tout le 19e siècle, jusqu’à ce que le Larousse, on ignore bien pourquoi, écrive “e” plutôt que “é”, entre autres erreurs. C’est l’origine d’un grand désordre… mais ce n’est pas la première fois que le dictionnaire se trompe, surtout du point de vue culinaire. En réalité, la ville elle-même écrit Sainte-Ménehould, avec trait d’union et avec un seul accent aigu. Cela se dit « sintménou ».

Pour la recette, je n’ai pas trouvé de généralités sur cette préparation, mais seulement des recettes particulières, et différentes. Par exemple, dans les années 1860, je trouve deux recettes :

– celle du charcutier L.F Dronne, pour des pieds à la Sainte-Ménehould :

Rôtissez et nettoyez douze pieds de porc ; cela fait, on prend un pied de devant et un pied de derrière que l’on lie ensemble avec un cordon large de trois doigts, en les serrant fortement, afin de les maintenir unis dans la cuisson. À cet effet, on les place dans une marmite, en y ajoutant 2 ou 3 kg de couenne, un seau d’eau et une bonne poignée de gros sel. On fait bouillir et écumer, après l’avoir garni d’un bouquet et d’aromates. On laisse cuire pendant trois ou quatre heures, selon leur grosseur, puis on retire les pieds, en les plaçant, par paquets, dans une bassine. On passe enfin la gelée tirée au clair et on la verse sur les pieds, de manière qu’ils soient bien couverts de gelée. On laisse refroidir. Lorsqu’ils sont bien froids, on déficelle chaque paquet, on sépare les pieds de devant des pieds de derrière, et on les fend en deux par le milieu. Ensuite on a le soin de bien graisser successivement chaque moitié avec du saindoux, et de les paner avec de la chapelure blanche. Enfin on les fait griller sur un feu ardent pour leur donner une belle couleur jaune. La moutarde de Gray, de Dijon, peut lui servir de sauce.

C’est là, environ, la recette encore en vigueur aujourd’hui à Sainte-Ménehould, avec cette particularité qu’après une très longue cuisson, les os sont devenus si tendres qu’on peut les croquer, en sucer la moelle…


Terminologie " A la Sainte-Ménehould " par Hervé This
Urbain Dubois, lui, donne une préparation un peu plus élaborée :

Flambez 6 pieds de porc, faites-les dégorger à l’eau tiède pendant une heure, égouttez-les, accouplez-les de deux en deux, liez-les avec du ruban en fil; marquez-les dans une casserole avec quelques légumes et aromates, mouillez-les à couvert avec du bouillon et du vin blanc, faites partir le liquide en ébullition, finissez de cuire les pieds à feu très-modéré; retirez alors la casserole du feu, laissez-les refroidir dans la cuisson; divisez-les ensuite, chacun en deux parties; supprimez l’os de la jambe, emplissez le vide de chaque moitié avec un boudin de farce imitant l’os; ces boudins sont préparés avec de la farce crue très-ferme qu’on roule sur la table farinée pour les obtenir de la même dimension que les os enlevés; on les poche ensuite à l’eau bouillante pour les raffermir, les égoutter, les mettre en place, en les consolidant avec de la farce crue; roulez alors ces pieds de porc dans du beurre fondu, panez-les à l’anglaise faites-les griller à feu modéré en les arrosant avec du beurre fondu, dressezles sur un plat bien chaud.

Mais il reste ce point commun : les pieds font l’objets d’une longue cuisson en bouillon, avant panure et cuisson au beurre chaud.

Quelques années plus tard, le Guide culinaire propose une variante où l’on cuit en bouillon, mais il enduit de moutarde, avant de paner et de griller au beurre.

Autrement dit, retenons ce principe : longue cuisson en bouillon, panure, rôtissage font « à la Sainte-Ménehoud ».

Par Hervé This