Cela fait plusieurs fois que l’on m’interroge : qu’est-ce qu’un entremets ? Et l’écrit-on ou pas avec un s à la fin ? Il est donc temps d’aller chercher des réponses fondées, référencées, que je vous livre maintenant. Nous irons du plus récent au plus ancien, comme souvent.
Commençons donc par l’Académie française… dont on se méfiera, pour ce qui concerne les termes culinaires. Pour autant, l’entrée est bien « entremets », et non pas « entremet ». On parlera donc d’un entremets, et la définition est :- « Anciennement : Plat qui, dans un repas, était servi après le rôti et avant le dessert. »
- et « Moderne : Préparation sucrée servie après le fromage et qui peut tenir lieu de dessert.
Cela a l’air d’être clair, donc, mais allons quand même voir plus loin. Et c’est ainsi que le CNRTL nous indique que, au pluriel, on désignait ainsi une série de plats servis entre le rôti et le dessert. En 1170, le terme désignait des divertissements au cours du repas. Et l’étymologie découle de « entre » et « mets », du lat. missum, proprement «action d’envoyer, de lancer» , «ce qui est envoyé». Et plus particulièrement «service à table; plat dont se compose ce service».
Voilà pour les dictionnaires généraux modernes. Mais consultons maintenant un ouvrage professionnel, celui de Joseph Favre. Cette fois, c’est bien plus développé… même s’il faut s’en méfier, car Favre n’était pas historien :
« On distingue deux sortes d’entremets : les entremets sucrés et les entremets du règne végétal, qui se servent entre deux mets : le punch à la romaine, les asperges, les poudings sont des entremets.
Autrefois, alors que les repas duraient une partie de la journée, les entremets étaient des entractes, qui se faisaient entre le service dans ses moments d’arrêt. Ces instants étaient consacrés à des divertissements, le plus souvent en bouffonnerie.
« On en vint même, durant ces entremets, à se permettre de tels propos qu’il (Henri III) s’en blessa, et il fallait pour cela qu’on eût été très loin, je vous assure; bref, dans un règlement daté du 1er janvier 1585, Sa Majesté défend désormais qu’en ses disners et souppers personne ne parle à Elle que tout hault, et de propos communs et dignes de la présence de S. M., voulant icelle que particulièrement à son disner .que d’histoires et d’autres choses de sçavoir et de vertu. »
Mais avant lui, Louis XI « mangeait à pleine salle, avec force gentilshommes de ses plus priyez et autres : et celuy qui luy faisait le meilleur et le plus lascif conte de dames joye, il estait le mieux venu et festoyé, car il s’en enquéroit fort, et en vouloit souvent sçavoir ».
Pendant ces récréations, on passait des rafraîchissements, et on mangeait des fruits ou des légumes, ce qui était un supplément bien minime pour ces robustes estomacs d’autrefois. C’étaient des comédies entières que l’on jouait, où les scènes du théâtre étaient représentées par des pièces montées les plus curieuses. »
Continuons avec le dictionnaire d’Alexandre Dumas, qui nous parle seulement de préparations servies avec le rôti, tels que légumes, crèmes cuites et quelques pâtisseries. C’est bien faible. Il vaut donc mieux considérer le Dictionnaire des aliments, de 1750, qui nous indique que « En terme de cuisine », le mot désigne un « service de table ou l’on ne sert presque que des viandes froides, des pâtés froids, des langues fourrées, des jambons, des fritures et choses semblables ».
C’est donc très clair : les grands repas aristocratiques duraient longtemps, on y faisait des divertissements, et l’on ne laissait pas la table vide, mais on garnissait avec de quoi manger pendant des moments d’intermède. Ce qu’on mettait sur la table n’avait pas le même statut que le rôti, mais il permettait sans doute d’attendre aussi l’à-point de cuisson.
Et je vois que, pour faire bonne mesure, il faudra un jour que j’explore la signification du mot « dessert », n’est-ce pas ?
Hervé This