Perte d’exploitation ; les pistes juridiques possibles pour éviter 30% des faillites

Comment faire valoir la Perte d’Exploitation (PE)  liée à la fermeture administrative décrétée le 15 mars 2020 au J.O. pour les HCR pour une durée Indéterminée ?

Après les déclarations de sinistres faites aux assurances (avec un numéro d’enregistrement du sinistre), même constat pour la majorité des établissements, un refus total de prise en charge de la  PE par la plupart des assurances.

Selon les sondages du Collectif “Resto Ensemble” 30 % des établissement HCRD (Hotels, cafés, restaurants et Discothèques) risquent de faire faillite et ne pas ré-ouvrir. Le 23 avril 2020, le collectif “Resto Ensemble” lance une vaste offensive médiatique. Parmi les chefs membres qui s’expriment, on retrouve notamment Philippe Etchebest, Michel Sarran ou encore Régis Marcon. Mais ils sont des milliers à s’exprimer sur leur page Facebook. “Avant de penser à la ré-ouverture envisagée pour le 15 juin (à confirmer) il faut d’abord pouvoir la financer” s’exclame Philippe Etchebest. “De nombreuses entreprises ne pourront déjà plus financer les salaires du moins d’avril. La trésorerie était déjà très faible avec tous les mouvements sociaux qu’il y a eus.  (…) C’est un vrai cauchemar. Un cauchemar national et universel. Tout le monde est concerné, de la crêperie aux 3 étoiles”

“Des centaines de milliers d’emplois sont menacés face à la sourde oreille des assureurs concernant la reconnaissance de la perte d’exploitation, et des banquiers sur la non-obtention du PGE pourtant promis par le Président” mentionne Laurent Trochain. ” On a créé des visuels chocs pour une parole vraie et urgente!”

Des pétitions sont lancées, relayées auprès des élus politiques et des médias, des propositions de lois ont été déposées visant notamment à demander d’urgence la déclaration de «catastrophe naturelle et sanitaire », seule option qui, apparemment, permettrait de re-qualifier la demande d’indemnisation de la PE auprès des assurances. Mais, qu’en est-il ? Quelles sont les pistes d’actions en justice pour faire valoir la PE ? Quelles sont les assurances qui jouent le jeu, et quelles sont celles qui refusent ? Quelles sont les failles à exploiter dans les contrats signés. Le collectif Resto Ensemble s’organise pour des actions judiciaires collectives et massives. Resto Ensemble partage les chiffres d’un sondage qui révèle que 97,3%  ne sont pas satisfait de la prise en charge de leur assurance, 93% sont prêts à quitter leur assurance actuelle et 90,2 % sont prêts à intenter

resto Ensemble, sondages

Ils sont plus de 3000 à avoir répondu à ce sondage, dont la viralité sera exponentionnelle via les réseaux sociaux et les envois à la presse.

Les assurances sont dans le viseur des professionnels des CHRD.

Seuls 2,7% sont satisfaits de la prise en charge de la perte d’exploitation et 6,7% ont encore confiance dans leur agent/assurance et soutenir prolonger leur contrat. L’idée d’une assurance mutualiste spécialisée dans nos métiers fait son chemin, avec des accords négociés pour une adhésion massive.

Que les résultats de sondage puissent ou non se concrétiser, chacun doit étudier son contrat au préalable.

 

Un avocat répond aux questions et  aux différents litiges

 

Selon Cédric Küchler, du cabinet BTK-Avocats (Paris et Strasbourg), les dirigeants doivent étudier attentivement chaque contrat, les conditions générales et dispositions particulières, car il existe des pistes pour faire valoir ses droits.

Au préalable, et avant toute chose, avoir envoyée sa déclaration de sinistre pour ouvrir le dossier, et s’assurer de son enregistrement avec un numéro de sinistre. Vérifier que les exclusions soient « en caractère très apparents », que les exclusions soient limitées pour ne pas rendre le contrat inique (vide de sens) et enfin assigner l’assurance, ou son agent pour défaut d’informations et de conseils.

Issu d’une famille d’hôtelier-restaurateur, Cédric Küchler a dans son portefeuille clients des professionnels du HCR, « Mon père, Werner Küchler, fut le directeur du Plaza Athénée à Paris pendant 40 ans. J’ai grandi et je suis sensibilisé à cet univers professionnel. »

 

SK : Que pensez-vous de l’assignation en justice d’AXA par le restaurateur parisien ?

CK : “Pour chaque dossier, ce sera au juge de décider, donc il faut tenter l’action en justice. Il n’y a pas de jurisprudence, la situation est inédite.

Il faut bien lire les clauses de fermeture administratives. Il n’existe pas 1, mais des contrats et même pour une même assurance, selon l’année de signature et l’agent territorial référent, il y a des différences. Chaque contrat est unique et s’étudie. Notre métier est de chercher la faille à travers le contrat les Conditions Générales, les dispositions particulières et les exclusions de garanties.

Le juge sera forcément sensible au fait que 92% de l’activité est en arrêt, c’est très grave. Le fonds de solidarité qui pourvoit aux 1500€ et/ou 1250€ pour les dirigeants, est dérisoire compte tenu des pertes d’exploitations. Le juge pourrait également être sensible au fait que les exclusions de garanties ne soient pas limitées dans le temps. (1 mois ou 6 mois, il y a un vide contractuel).

Ensuite, la possible re-qualification de la catastrophe naturelle en catastrophe naturelle et sanitaire par un arrêté interministériel a très peu de chance d’aboutir. Les intérêts en jeu et les conséquences pour les assurances et les investisseurs sont trop importants. Et quand bien même, la catastrophe naturelle et sanitaire serait déclarée, qu’elle n’aurait pas de rétroactivité. Il faut toujours se référer au contrat d’assurance. Et qui n’est pas prévu dans le contrat, ne peut pas être considéré.

 

SK : Quelles sont les différentes pistes juridiques à exploiter ?

CK : “Tout d’abord, il est essentiel de faire du lobbying, médiatiser et faire savoir. Le nombre fait la force. Mais pour avoir un levier de pression et de négociation, seule l’action en justice compte. Elle signifie que le contentieux est éminent. Les procédures sont individuelles (montant et préjudice différenciés), mais l’action peut être menée de manière collective.

Il est essentiel de faire du lobbying et d’avoir une action collective

Si 100 assurés entament une procédure en simultanée, cela fait du bruit. Plus il y aura d’actions engagées, et de mises en demeure signifiées, plus les négociations seront renforcées. Mais, à ce stade, le secret professionnel intime une discrétion et une confidentialité. L’assurance n’a pas intérêt à aller en justice. Même si elle gagne, elle supportera une mauvaise presse, un préjudice image, une rupture de confiance suivie d’une perte d’adhérents. Ces actions en justice renforcent les négociations menées par les syndicats et les appuyent. C’est un levier de pression supplémentaire, mais les dirigeants des HCRD ne doivent pas perdre leur capacité d’agir en justice. La PE qu’ils obtiendraient, serait additionnelle des sommes versées par les assurances dans le fonds de solidarité et redistribuées. Le problème aujourd’hui, c’est qu’il n’y aucune visibilité sur la manière dont ce fonds sera réparti, combien ? et à qui ?

Après le « lobbying », s’attaquer à la lecture du contrat et bien vérifier le nombre et la redondances des exclusions. Si elles sont trop nombreuses, elles vident le contrat de toute substance de sa raison d’être. Il devient inique.

Ensuite il y a le défaut d’informations et de conseils de l’agent/ courtier. On change de cible. Sa responsabilité professionnelle pourrait être engagée et c’est son assurance professionnelle (et non plus l’assureur) qui prendrait en charge la PE.

De ce point de vue, il y a une jurisprudence. Ils sont considérés comme des « sachants » et devront apporter la preuve qu’ils ont bien informé des risques encourus. Attention aux exclusions qui ont été inscrites d’office sans que l’assuré ne les ait demandées. Parfois certains contrats sont tellement dénaturés que l’on peut s’interroger sur l’intérêt d’être assuré. On peut envisager d’engager deux actions, l’une contre l’assurance et la seconde contre l’agent. Elles sont additionnelles et compatibles, à condition d’avoir relevé des failles à exploiter en justice.

 

SK : En Bavière, plusieurs assureurs, dont Allianz, vont couvrir jusqu’à 15% des pertes d’exploitation enregistrées par les boulangeries, restaurants et hôtels. Est-ce que cela peut faire office de jurisprudence en France ?

CK : “Juridiquement, non. Le droit allemand est distinct du droit français. Par contre, c’est une sacrée avancée en terme d’exemplarité, de faisabilité et de bonne volonté. Le droit Français pourrait s’en inspirer.”

SK : Le refus des assurances reposent sur l’impossibilité d’indemniser tout le monde, tout en affichant un bénéfice de 15,36 milliards sur deux années consécutives (pour Allianz) et pour 8,3 milliards (pour AXA). C’est impossible et pourtant elles envisagent tout de même d’y réfléchir pour l’an prochain.

Mais, pour l’heure, seul le groupe Covéa  (Maaf, MMA et GMF) a mobilisé 300 M€ pour des garanties contractuelles directement liée à la couverture des pertes d’exploitation éligibles en cas de pandémie souscrite par des restaurateurs visés par l’arrêté du 15 mars. Le crédit Mutuel vient également de faire un joli coup de communication en indemnisant la PE (environ 12000 euros), rejoint par le CIC (les assurances mutualistes jouent le jeu). Comment expliquer cette faisabilité, alors que la PE n’était pas contractuelle ? Est-ce que cela pourrait rendre irrecevables les clauses d’exclusions de la PE liée aux épidémies ou pandémies, ou serait-il envisageable de qualifier ces exclusions en clauses abusives ?

 

CK : “A l’impossible nul n’est tenu et l’impossible n’est pas recevable. Covéa est à nouveau un exemple de faisabilité comme Allianz en Bavière et le Crédit Mutuel en France. Certains des assurés cotisent parfois depuis des générations auprès de la même assurance. A circonstances exceptionnelles, des gestes exceptionnels auraient ou pourront être engagés, si ce n’est un % au lieu de la totalité de la PE. A noter également que le confinement engendre un déficit des sinistres et quelques économies non négligeables pour les assurances (ex moins d’accidents de voitures, de vols, de cambriolages) et ce constat pourrait peser dans la balance des négociations et de la faisabilité.

Et si les assurés se fédèrent et lancement massivement des actions en justice, le travail du lobbying peut commencer.

Resto Ensemble vous demande de répondre à un sondage

1 -Êtes-vous satisfait de la prise en charge de votre Assurance concernant la Perte d’Exploitation?
2- Seriez-vous prêt à quitter votre Compagnie d’Assurance?
3- Si OUI, quelle est votre Compagnie d’Assurance actuelle:
4- Comme certaines Compagnies indemnisent et pas la vôtre, êtes-vous prêt à intenter une action en justice « COLLECTIVE »?
5- Comme après la 2nde Guerre Mondiale, de nouvelles Assurances ont émergé (par exemple la MAAF, Mutuelle d’assurance des artisans de France), seriez-vous prêt à adhérer à une nouvelle Compagnie d’Assurances spécialisée en CHRD (Café/ Hôtel/ Restaurant/ Discothèque)?

REPONDRE ICI

Par Sandrine Kauffer-Binz

 

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