Ne pas confondre les fricadelles et les fricandeaux ?

Ceux du Nord ou les Lorrains en mangent couramment des premiers (mais ils ne mangent pas la même chose, sous ce nom), et les autres confondent souvent avec les fricandeaux. Pourtant, rien à voir !

Commençons avec les fricadelles.

Pour le Trésor de la langue française informatisé, ce sont, dans le nord, des boulettes de viande hachée, mélangée à de la mie de pain ou de la purée, des œufs, du lait, etc., cuite à la poêle ou à la grande friture. Mais en Lorraine, ce sont des tranches de foie de porc, entourées d’une crépine.

Le dictionnaire moderne, toutefois, a souvent été pris en fragrant délit d’ignorance terminologique, pour ce qui concerne la cuisine, de sorte que nous nous réfugierons dans le Dictionnaire de Joseph Favre (1905), qui est loin d’être parfait, mais qui donne d’utiles informations. On y retrouve la définitions des boulettes de viande hachée, ainsi qu’une recette, qui consiste à hacher 500 grammes de boeuf bouilli, ou d’autres viandes rôties de la veille, d’y ajouter le même volume de mie de pain trempée au lait, d’y ajouter muscade, poivre, sel, un peu de sauce ou de jus, deux oeufs entiers, et d’en faire des boulettes aplaties, que l’on saupoudre de farine à volonté, ou que l’on panne après les avoir passées à l’oeuf. On les fait cuire au beurre dans la poêle et on les sert avec une sauce relevée.

On peut aussi faire des « fricadelles à la crème » en remplaçant la mie de pain par une sauce béchamel, et on panne avant de frire à grande friture.

fricadelles aux deux viandes

Pour les fricandeaux, la différence est quand même considérable. Le Trésor de la langue française indique que ce sont des morceaux de veau (rouelle, noix) piqués de lardons, braisés ou poêlés, servis seul ou avec de l’oseille, des épinards, etc. Mais on désigne également ainsi une spécialité charcutière originaire du Sud-Ouest : le produit se présente traditionnellement sous forme de boulettes de viandes de porc, bœuf ou veau, de foie et de rognon, emballées en crépine et cuites au four. Pour Favre, c’est un morceau de veau piqué de lard et rôti. De nos jours, le fricandeau est un morceau de viande, le plus souvent de la noix de veau, piquée de lard et braisée à glace.

Terminons avec une recette :

Fricandeau de veau (Cuis, de table d’hôte). — Formule 1891. — Procédé général. — Lever la noix d’un cuisseau de veau, la couper en deux dans le sens des fibres; parer les morceaux et les piquer de lard, très serré. Foncer un sautoir (plat à sauter) de lard, d’oignons émincés, et garnir des débris de veau ; ajouter le fricandeau et faire saisir dans un four chaud dessous, ou sur le feu. Quand la garniture a pris une belle couleur dorée, assaisonner de poivre en grain, de sel et d’une gousse d’ail, mouiller le fricandeau avec de l’eaù ou du bouillon de veau (pas de bœuf) ; mettre le sautoir au four et arroser souvent, en ayant soin de verser le jus sur une écumoire ou sûr une petite passoire, pour éviter de faire tomber sur les lardillons des fragments du fonçage. Quand le fricandeau est au trois quarts cuit, le mettre dans une casserole étroite et profonde; passer le jus dessus de façon à le submerger. Faire réduire à glace en l’arrosant souvent jusqu’à ce que le fricandeau soit parfaitement cuit. Découper les fricandeaux en les remettant à leur juxtaposition; les glacer avec leur fond et envoyer séparément la demi-glace dans une saucière et la garniture, soit macédoine, petits pois, oseille ou épinard dans un légumier que l’on présentera simultanément au convive. 

Remarque. Quel que soit le fricandeau que l’on ait à traiter, on ne doit pas oublier qu’il doit être mouillé avec de l’eau ou du bouillon obtenu de la même viande ; qu’il faut l’arroser souvent et laisser tomber à glace la coction; ce que l’on obtient en faisant braiser très cuit le fricandeau. Le mode indiqué par certains auteurs, de mouiller le fricandeau à hauteur sans le faire préalablement saisir, est indigne de la cuisine française. On obtient par ce procédé une viande bouillie et sans sucs.

Car oui, mille fois oui, un braisage n’est pas un pochage !

 

Par Hervé This