Macération, infusion, décoction par Hervé This

Macération, infusion, décoction… Ces termes sont un pont entre la chimie et la cuisine… preuve si besoin était que la cuisine est bien de la chimie !

Car qu’est-ce que la chimie ? L’activité technique qui part de « réactifs » et forme des « produits », réactifs et produits étant des composés. Par exemple, on part de dioxygène et de dihydrogène et l’on synthétise de l’eau. En cuisine, l’action de la chaleur, lors de la cuisson, fait exactement cela : si le sucre engendre du caramel, si le steak brunit, si la carotte cuite s’attendrit, etc., c’est que des réactions chimiques ont lieu.


Par exemple, pour la formation du caramel, il a été montré il y a quelques années que la réaction était extrêmement énergique, parmi les plus énergiques de la chimie. Et si nos fours ou friteuses sont « bridés » à environ 180 degrés, les températures atteintes dans une poêle où l’on saisit une viande atteignent 300 à 400 degrés, ce que des chimistes hésiteraient à faire en laboratoire.

De fait, les opérations de la chimie et de la cuisine se ressemblent : couper, broyer, chauffer, refroidir, mélanger… et macérer, infuser, faire des décoction.

Macérer ? Il s’agit de placer des matières solides dans un liquide, et d’attendre que des composés du solide viennent se dissoudre lentement dans le liquide. Cela correspond tout aussi bien au dégorgement qu’à la macération par stockage, en vue d’augmenter le goût du liquide.
Infuser ? Cette fois, c’est un solide mis dans un liquide chauffé : c’est le cas du thé, en cuisine, mais aussi de ce que les Chinois nomment le « bouillon cristal » et qui correspond environ à un chauffage à chaleur tombante, par exemple quand ils plongent une volaille dans un bouillon porté à ébullition et que l’on cesse de chauffer.

La décoction ? Cette fois, on chauffe des matières solides dans un liquide que l’on fait bouillir : c’est le cas des bouillons de carottes, de viande, etc.

La chimie, contrairement à la cuisine, ne se limite pas aux « solutions aqueuses » que sont les bouillons, les vins, les jus… pour faire les trois opérations de macération, infusion et décoction.

Elle utilise aussi d’autres « solvants » qui ne sont généralement pas comestibles. Mais il a l’idée, utilisable en cuisine : pourquoi ne pas faire les opérations dans une matière grasse fondue, ou bien dans de l’éthanol (l’alcool des eaux de vie) ?

Par exemple, mettons de la poudre de café (pas du café soluble, mais du café moulu) dans de l’huile et stockons ce système pendant une semaine : on récupère une huile au goût très intéressant, que je vous invite à fouetter dans du blanc d’oeuf ; sucrons et cuisons quelques instants au four à micro-ondes… pour obtenir un gibbs de café, que l’on peut servir avec un whisky tourbé, et une mousse de café (au siphon, un expresso et un peu de poudre de blanc d’oeuf).

Par Hervé This