Les tailladins, cousins des modernes juliennes et brunoises, par Hervé This

Il y a des débats à propos des brunoises ou des juliennes, mais l’art culinaire sortirait grandi de discussions à propos des « tailladins ».

Les tailladins ? Littré prétendait qu’il s’agissait de minces bandes de citron ou d’orange, mais une fois de plus, notre homme n’a pas fait correctement son travail, car il s’est limité à aller chercher dans l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, qui stipule que, tailladin, en confiserie, se dit de petites bandes de la chair de citron ou d’orange, etc. fendues extrêmement minces, et en longueur comme des lardons.

Déjà, on voit que Littré a oublié le « etc. ». Et il a eu bien tort, car si l’on va chercher plus loin, on trouve, par exemple sous la plume de Pierre François La Varenne, en 1651, un « potage de tailladin », avec la recette suivante :

Faites une pafte assaisonnée de sel feulement, l’estendez & la coupez le plus menu que vous pointez » panez la par la poëfle, & la faites mitonner avec for peu de bon bouillon. Eftant bien mitonnée, prenez fort peu de pain, &le garnissez de vos tailladins, assaisonnez comme les fïdelles, puis servez.

Autre façon.

Si vous avez un peu de paste fine ou feuilletage, étendez la, & coupez en tailladin, la passez dans du beurre affiné, garnissez en vostre potage, & servez.

Oui, des tailladins sont d’abord des bandes minces, et ensuite des bandes minces de citron ou d’orange. Et nous avons donc un mot pour dire l’objet, tout comme julienne ou brunoise… bien que là encore, il puisse y avoir une discussion.

Observons d’abord que l’on trouve les juliennes et brunoises chez Massialot, en 1722. Mais j’ai eu beau chercher, c’est chez Jules Gouffé, en 1867, que je trouve les informations nécessaires. A savoir que si la taille en brunoise est bien une taille en dés (il dit « en carrés », mais c’est en cubes ; et il indique une taille d’un demi-centimètre de côté), la julienne est d’abord un potage : « La julienne ne peut être faite dans de bonnes conditions que pendant neuf mois de l’année ; je ne conseille pas de faire ce potage en janvier, février et mars, à cause de la dureté des carottes, navets et poireaux. »

Par acquit de conscience, je suis allé voir ce que je trouvais à ce propos chez Joseph Favre (1889), et notre dictionnaire confirme que « La brunoise proprement dite est la garniture de légumes qui entre dans la composition du potage ou qui garnit une viande quelconque ».

Surtout, il y une indication que j’ai hâte de tester : Favre évoque une « Quenelle à la brunoise », qui contient dans le centre une garniture brunoise; purée de pois à la brunoise, etc. Au lieu d’avoir la molle quenelle habituelle, on a une sorte de farce croquante. J’ai hâte !

Par Hervé This