Hervé This

Le séminaire de gastronomie moléculaire : oignons et pommes de terre, sauce à l’anglaise.

Le séminaire de gastronomie moléculaire du mois d’octobre 2017 portait sur les oignons et pommes de terre, sauce à l’anglaise. “Chaque mois, le plus souvent le troisième lundi du mois”, précise Hervé This, “ceux qui veulent et peuvent se réunissent à l’Ecole supérieure de cuisine française, de 16 à 18 heures (un jour souvent de repos, et avant le service, pour les autres) afin d’explorer des techniques culinaires. Le thème est choisi le mois d’avant par les participants, mais n’importe qui peut soumettre des thèmes d’études, en écrivant à icmg@agroparistech.fr.

Lors du séminaire d’octobre, nous avons cherché à savoir s’il était exact, comme le prétendait un chef triplement étoilé, que les oignons et les pommes de terre sont plus bruns quand ils sont salés avant la cuisson. Et, comme nous avions du temps, nous avons exploré une « sauce à l’anglaise » dont la recette paraissait étrange. On verra ci dessous que les prétentions du chef étaient exagérées, et que la recette bizarre était… nulle, mais que nous avons pu en tirer des idées (qui n’étaient pas dans la recette elle-même).

A propos de brunissement d’abord.

Pour nos expériences, nous cherchons surtout à comparer des choses comparables. Ainsi, ce sont deux casseroles identiques qui sont utilisées, avec la même quantité d’huile, la même pomme de terre et le même oignon : ces derniers sont coupés en deux par le plan sagittal, et répartis en égales quantités, dans des casseroles qui sont chauffées de la même manière, pendant le même temps.
Avec ces précautions, nous avons observé que oui, il y a une différence de brunissement entre les deux casseroles… mais pas une différence considérable : c’est bien le lot non salé qui est le plus brun. En revanche, le chef disait (écrivait, même) que les oignons et les pommes de terre cuits sans sels seraient plus croustillants, mais les tests n’ont pas montré de différence.
J’invite évidemment chacun à reproduire nos expériences et à transmettre les résultats (avec la description des matériels et des méthodes) à l’adresse email donnée ci dessus.
Le séminaire de gastronomie moléculaire : oignons et pommes de terre, sauce à l'anglaise.

Pour la sauce à l’anglaise

Pour la sauce à l’anglaise, la recette est la suivante : « sauce anglaise pour légumes et poisson : faites fondre du beurre au bain-marie dans le suc exprimé d’un citron, ajoutez-y sel, poivre, muscade, demi-verre d’eau ; laisser bouillonner un quart d’heure et servez chaud ».

Nous avons donc suivi scrupuleusement les indications… mais, au bain marie, on ne voyait aucun « bouillonnement ». Après 9 minutes d’une telle cuisson, nous nous sommes donc résolus à chauffer la casserole directement, sans bain marie, et nous avons d’abord observé l’apparition d’une mousse, avant que la sauce ne devienne homogène, mais pas émulsionnée.

Ayant ainsi vérifié que la recette étrange était en réalité fautives, j’ai voulu montrer que l’on pouvait très bien, en procédant différemment, obtenir une sauce émulsionnée : nous avons décanté la partie grasse, puis nous l’avons réajoutée à la partie aqueuse restée dans la casserole, en fouettant, comme pour une mayonnaise… et nous avons alors obtenu une belle émulsion, épaisse comme une hollandaise.

Le séminaire de gastronomie moléculaire : oignons et pommes de terre, sauce à l'anglaise.

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Pour m’amuser (on a le droit, non?), j’ai proposé de faire trancher la sauce en la chauffant… et nous avons obtenu une consistance étonnante, difficile à décrire (faites donc l’expérience). Enfin, j’ai proposé d’ajouter un peu d’eau froide, et l’émulsion a parfaitement repris, comme avait repris la sauce hollandaise que nous avions fait tourner, dans un séminaire précédent.

Par Hervé This