Derrière son mètre 90 et ses grands tatouages se cache un homme dévoué envers ceux qui n’ont rien. Depuis près de deux ans, Julien Diaz multiplie les actions caritatives. D’abord auprès des EHPAD de sa région, le chef étoilé Michelin en 2019, a ensuite enfilé le tablier pour les restos du cœur et le secours populaire. Dans son restaurant marseillais « Saisons », ouvert en 2016, même musique : sa cuisine gastronomique est économique. Comptez 29 euros pour le déjeuner. Rendre accessible son étoile Michelin : voici le crédo du chef socialement engagé Julien Diaz.
Chez “Saisons”, Julien Diaz « décloisonne le gastro »
Niché dans le quartier populaire de Castellane, là où a grandi le chef, le restaurant “Saisons” se veut sans prétention. Dans cette rue marseillaise, la sobre devanture ne se démarque que par le rouge vif du macaron Michelin. Pour le reste, la simplicité de la carte laisse présager une cuisine authentique de qualité. À l’entrée, un canapé moelleux éclairé par un beau lustre réconfortant, et un arbre de bouteilles de vin retournées en guise de porte parapluie. L’accueil est chaleureux, comme à la maison. Plusieurs objets disposés en salle viennent d’ailleurs directement du domicile des propriétaires. À quelques minutes du service du midi, toute l’équipe est réunie autour d’une table ronde. L’ambiance est joviale. Les sourires fusent au rythme de la musique. Cette bonne humeur est primordiale aux yeux du chef. Elle est pour lui le reflet de ce qui constitue une brigade. Ici, tout le personnel est considéré comme indispensable, du commis au plongeur, en passant par le maître d’hôtel. Tout le monde peut aussi entrer dans l’équipe. Peu importe l’âge, le nom, ou l’expérience, seule la motivation et l’état d’esprit comptent au Saisons.
Dans l’assiette, les convives sont invités à voyager autour de la Méditerranée. Ce midi, l’apéritif débute par une excursion en Corse avec une charcuterie régionale. “La meilleure” s’exclame le chef, qui a travaillé pendant près de 12 ans dans cette région. D’abord au Casadelmar avec Davide Bisetto, puis en tant que chef “chez Charles” à Lumio. Les clients du jour sont ensuite embarqués au nord de l’Italie avec le risotto, avant de revenir à Marseille pour déguster le rouget aux asperges locales. Proposer un tour de Méditerranée à ses clients renvoie le chef à ses origines espagnoles et italiennes, mais aussi à ses voyages, en Égypte, en Turquie ou au Liban.
C’est donc le regard tourné vers la mer que Julien Diaz sublime des ingrédients intégralement méditerranéens. Si ces produits changent quotidiennement en fonction des arrivages, ils sont tous les jours mis en valeur par une cuisine aux saveurs franches et assumées. “La cuisine de Julien est très percutante.” affirme Guillaume Bonneaud, son ami d’enfance et chef sommelier du restaurant, avec qui il travaille depuis ses débuts à l’hôtel Royal à Évian. “Ses plats sont tout en hauteur, en relief, avec un travail souvent prononcé sur l’acidité ou l’amertume. Par exemple, lorsqu’il prépare un agneau confit ou de la carotte, il va les travailler avec du kumqwat ou des agrumes qui ont ce côté très punchy. On peut trouver ça délirant, mais pour lui tout est logique.”
Le talent créatif du chef est mis au service d’une cuisine accessible au plus grand nombre, conformément à ses valeurs. « J’ai grandi dans un milieu populaire. Le premier restaurant étoilé qu’ont fait mes parents, c’est celui dans lequel je travaillais à Évian lorsque je faisais mes armes avec Michel Lentz. C’est donc important pour moi de décloisonner le gastro. Arrêtons de croire que c’est réservé à une élite ! ». Le restaurant voit donc régulièrement des jeunes s’asseoir à sa table. Ce mercredi, à midi, un père habitué vient faire découvrir ce restaurant à son fils, qui souhaite devenir cuisinier. Après s’être exaltés devant les créations de la maison, ces premiers arrivés seront les derniers partis car le chef a dénoué son tablier pour venir à leur rencontre. Discuter avec les clients fait partie intégrante de sa vision du métier. C’est lors de ces échanges que le chef se réjouit de croiser sa jeune clientèle. « On reçoit souvent les élèves de l’école hôtelière de Bonneveine, ils adorent se mettre sur la grande table du haut pour pouvoir s’amuser entre eux. Rendre populaire et abordable notre cuisine, c’est hyper important ».
Cuisine caritative au service des gens dans le besoin, un coup de fourchette aux associations caritatives
Lorsqu’il parle de son métier, les étincelles brillent dans les yeux du chef. Il est alors très difficile de l’imaginer se reposer à longueur de journée sous le soleil marseillais pendant tout un confinement. Face à la difficulté de cette période, un ami lui suggère un projet inédit : cuisiner pour des EHPAD de sa région. À peine l’offre formulée, il accepte : « J’aurais adoré faire à manger à ma grand-mère. Voir sa réaction devant son petit-fils, devenu chef, qui cuisine dans un EHPAD, ça aurait été extraordinaire. Malheureusement je n’ai pas eu le temps ». Cette première expérience sonne comme une évidence. Faire profiter de son savoir-faire au service d’une cause qui lui est chère semble être le meilleur moyen pour lui de faire son métier. Alors, ne lui parlez pas de publicité, ni de rémunération, là n’est pas le but de sa démarche : « j’en ai rien à faire de ça ! ». La gratuité est même sa seule condition.
Cuisiner pour des associations est aussi un moyen de montrer que l’on peut concocter des menus de qualité, à moindre coût. Un an après, Julien Diaz se rappelle encore du menu d’exception qu’il avait préparé pour des enfants en difficulté à Noël 2021. Ils ont pu découvrir le goût du foie gras qui accompagnait un velouté de courge à la noisette, une volaille farcie aux fruits de saison accompagnée d’un jus à base d’huile de truffes est venu titiller leurs papilles. Enfin, la douceur de la bûche chocolat/clémentine/châtaignes a terminé la journée en beauté.
Malgré les difficultés logistiques des actions caritatives qu’il doit conjuguer avec son restaurant, donner du bonheur reste la plus grande de ses motivations. « J’ai bien galéré, j’ai beaucoup râlé, mais je sais que je le referai l’année prochaine ! ».
Parole d’honneur, le chef cuisinera cette année deux repas pour le CROUS d’Aix-Marseille, au plus grand bonheur des étudiants.
Par Arthur Jégou